REDUIRE L'ECART

Conférence Mondiale du Sida, Genève, du 28 juin au 2 juillet 1998

 

Pendant cinq jours, 12 000 personnes se sont réunies pour faire le point sur le Sida, entre les interventions des scientifiques, l'espace réservé aux associations venues de tous pays et continents, et l'autre espace réservé aux laboratoires pharmaceutiques.

La crise de la recherche
Après la conférence de Vancouver en 1996, on se posait beaucoup de questions sur les effets à long terme des nouveaux traitements, les conséquences des mutations virales et la perspective d'un vaccin anti-VIH. Genève n'a pas apporté de réponses. Les chercheurs se sont même voulus pessimistes, malgré les progrès annoncés des multithérapies. Robert GALLO (co-découvreur du VIH) a déclaré lors d'une interview : " ...les progrès en termes de thérapies anti-VIH, de même que les inhibiteurs chimiques anti-VIH qui se développeront dans les années à venir ne permettent pas de dire que nous avons résolu le problème du traitement des personnes infectées. Et il est beaucoup trop tôt pour vouloir s'intéresser uniquement à un vaccin préventif. " Ce que confirma Anthony FAUCI (l'un des Directeurs de la recherche sur le Sida aux Etats-Unis) : " Même si nous sommes capables de mesurer les progrès des thérapies, il sera difficile pour les patients de rester sous thérapies, c'est une chose que nous savons maintenant ". Cette simple phrase résume la réalité de la lutte contre le Sida. On ne peut envisager des thérapies plus fortes que celles existantes aujourd'hui, car l'organisme humain serait incapable d'en supporter la toxicité. Et pour juguler les faux espoirs, David HO (spécialiste de la charge virale du VIH) rappelle l'existence d'un réservoir caché de cellules infectées : " Nous savons que chez les patients traités depuis deux ou trois ans avec des thérapies combinées, quand elles paraissent efficaces, nous trouvons encore la présence de ce réservoir latent. Nous avons montré que le virus dans le réservoir n'est ni affaibli ni diminué, quoi que l'on fasse. " La plupart des cellules infectées ne circuleraient pas dans le sang des malades, ce qui interdit toute possibilité de pronostic sur l'avenir d'un patient ! Gallo et les autres confirment unanimement qu'il est essentiel de se mettre sous traitement le plus tôt possible, dès que l'on a connaissance de sa séropositivité. Cependant, les études annoncent que pour une personne sur trois, le virus résisterait aux multithérapies.
Entre deux conférences, nous croisons Joseph SONNABEND, l'un des premiers scientifiques qui identifia la nouvelle maladie chez les homosexuels à la fin des années 70, avant les chercheurs du CDC en Californie. Docteur et microbiologiste, il a son cabinet de consultation à New York. Nous lui demandons si les multithérapies sont appropriées pour les personnes asymptomatiques. " Non, je ne pense pas. Il n'y a rien qui le dise, aucune évidence. C'est mieux de prendre des médicaments si une étude le confirme. Jusqu'à maintenant, rien ne démontre que les médicaments améliorent la condition des asymptomatiques ". Du temps où l'AZT était le seul antirétroviral sur le marché, la plus grande étude réalisée sur des séropositifs asymptomatiques (Essai Concorde) avait démontré l'inutilité des traitements avant la phase Sida. Malgré cela, les messages officiels affirmaient le contraire. De nombreux scientifiques demandent aujourd'hui de faire une différence entre la séropositivité asymptomatique (la personne n'est pas malade), et l'état de Sida déclaré. Il existe des alternatives à la séropositivité asymptomatique, qui ne passent pas par des chimies lourdes aux effets secondaires parfois très dangereux. Robert Gallo : " Reste le problème de la toxicité et de la résistance aux thérapies combinées ".
Ce dernier a également donné son avis sur le vaccin : " Je ne pense pas que nous pouvons avoir confiance et croire que nous allons vaincre le virus, que ce sera la fin du problème, que la maladie sera terminée et que nous pourrons vacciner tous nos patients du Sida ". A quoi il ajoute : " Il y a des difficultés à obtenir le vaccin... je dirais que nous n'avons pas beaucoup avancé. Et pour les thérapies, il faut traiter à vie ". Pour Gallo, le problème majeur à résoudre, qui bloque le progrès de la recherche du vaccin, c'est de passer du modèle animal à l'homme, " alors, on saura ce que l'on doit chercher ". Cette position est confirmée par le Docteur Mark WAINBERG, du Mc Gill Aids Centre de Montréal, Président des entretiens sur la science de base à la conférence de Genève : " Nous sommes à présent dans l'ère où la recherche en matière de VIH/SIDA avance plus lentement ".

Epidémiologie du sida en 1998
L'épidémiologie mondiale du Sida, selon ONUSIDA, est le témoin d'une effroyable disparité. On estime que depuis le début de l'épidémie, plus de 12 millions de personnes sont mortes à cause du VIH. Et à la fin de l'année 1997, on recensait à plus de 30 millions le nombre de personnes infectées dans le monde, dont plus des deux tiers vivent en Afrique subsaharienne. Bien entendu, ces chiffres ne distinguent pas la séropositivité asymptomatique et la phase de Sida déclaré. Soulignons qu'en Afrique, le Sida se dépiste principalement à partir de symptômes cliniques, car les tests ne sont pas adaptés à l'environnement et subissent de nombreuses réactions croisées. Le nombre de séropositifs est donc une projection du nombre des malades. En Occident, la situation s'est stabilisée. Que ce soit le fruit des trithérapies ou des campagnes de safe-sex, plus spécialement efficaces dans la population homosexuelle, les chiffres sont globalement à la baisse. En 1997, environ 30 000 personnes auraient contracté le virus, principalement des toxicomanes des pays du sud de l'Europe (Portugal et Grèce). Pour cette même année, on estimait que moins de 500 enfants avaient été infectés par leur mère dans toute l'Europe - même chiffre pour l'Amérique. Les personnes en phase Sida étaient 24 000 en 1995, elles sont moins de 15 000 en 1997. En France, pour les seuls cas de Sida déclarés, les chiffres diminuent de manière spectaculaire, de 20 à 30% pour tous les groupes recensés par les observatoires épidémiologiques. Quant au nombre des décès, il est en baisse de 60%.


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