LE PARADOXE DES PROSTITUEES

Par Robert Root-Bernstein

Rethinking AIDS Mars 1993


Les prostituées féminines ont souvent 200-300 partenaires sexuels par an et on suppose donc qu'elles ont des probabilités beaucoup plus élevées d'exposition au VIH et au SIDA que la grande majorité des hétérosexuels. En effet, beaucoup de chercheurs es SIDA ont supposé au début que les prostituées féminines seraient les vecteurs (ou les moyens de transmission) du VIH et du SIDA vers la communauté hétérosexuelle. Après tout, un utilisateur de drogue par voies intraveineuses ou un homme bisexuel infecté par le VIH pourrait infecter une prostituée féminine, qui à son tour, pourrait infecter des douzaines ou peut-être même des centaines d'hommes hétérosexuels non consommateurs de drogues. Ces hommes pourraient, à leur tour, infecter leurs autres partenaires sexuels, et une explosion de VIH et de SIDA pourrait se produire chez des personnes ne faisant pas partie des catégories à risque pour le SIDA. Pourtant, aucune épidémie hétérosexuelle ne s'est produite, et il n'y a aucune évidence que les prostituées féminines transmettent le VIH ou le SIDA dans la communauté hétérosexuelle, dans aucune nation occidentale. Les rapports écrits par des chercheurs renommés aux Etats-Unis, en Grande-Bretagne, et en Allemagne ont tous conclu que la transmission du VIH aux hommes par les prostituées féminines est presque toujours relié à la drogue. En fait, la contamination sexuelle par le VIH et le SIDA parmi les prostituées féminines elles-mêmes est presque inconnu en l'absence de l'usage concomitant de drogue intraveineuse.

Les statistiques sont frappantes. À New York City, par exemple, 40 à 50 pour cent des prostituées de rue (une très basse caste de prostituées) qui ont consommé des drogues par voies intraveineuses durant la décennie passée sont séropositives au VIH. (Que ces prostituées aient eu d'autres risques immunosuppressifs, tels que l'utilisation de drogues non intraveineuses, des rapports anaux non protégés, de multiples maladies sexuellement transmissibles, et/ou de l'anémie et de la malnutrition pouvant les avoir prédisposées au VIH et à d'autres infections n'a été jamais étudiée.) parmi les call-girls de New York City (une caste plus élevée de prostituée), aucune séropositivité n'a été trouvée parmi celles qui ne se droguaient pas. Ces chiffres étaient constants entre 1984 et 1989.

Les mêmes genres de chiffres ont été trouvés dans toutes les nations occidentales. A Séville, en Espagne, 20 % des utilisateurs de drogues intraveineues sont séropositifs au VIH et 2.5 % des prostituées consommant des drogues sans injection. Seulement 8 prostituées sur 10.000 utilisant des drogues sans injection sont séropositives au VIH aux Philippines. Les Études concernant les prostituées ne consommant pas de drogue à Amsterdam, Londres, Zurich, Paris, Vienne, Athènes, Pardenone (Italie), Callao (Pérou), Reno (Nevada), Tijuana (Mexique), et en Tunisie centrale au cours des huit dernières années ont trouvé seulement une poignée de cas de d'infection par le VIH. Ainsi, les chercheurs américains M.J. Rosenberg et J.M. Weiner ont conclu en 1988 que « l'infection par le VIH chez les prostituées non consommatrices de drogues tend à être basse ou absente, impliquant que l'activité sexuelle seule ne les place pas à à haut risque, alors que des prostituées qui emploient des drogues intraveineuses ont un risque beaucoup plus grand d'être contaminées par le VIH. » De même, des chercheurs britanniques ont conclu la même année que « l'activité sexuelle seule n'a pas été décrite comme étant le risque principal [en dehors de de l'Afrique]….Le facteur de risque le plus important pour les prostituées occidentales est le partage des aiguilles et des seringues pour les drogues. » Chaque étude suivante a confirmé ces conclusions.

Il est important de noter que l'absence presque complète de VIH parmi les prostituées non consommatrices de drogue n'est pas due à des pratiques plus sûres en matière de sexe. Les mêmes études qui ont trouvé une absence de VIH ont documenté des taux d'utilisation de préservatifs bas et des taux très élevés d'infection avec les maladies sexuellement transmissibles classiques. Vingt-cinq à cinquante pour cent des prostituées étaient séropositives pour la syphilis ; le même pourcentage approximativement était séropositif pour le virus de l'hépatite B (avec environ 5 % activement infectées) ; et des anticorps contre le chlamydia, l'herpès simplex 1, l'herpes simplex II, et la gonorrhée étaient présents chez 95 à 100 pour cent.

En bref, le VIH ne se comporte pas comme une maladie sexuellement transmissible typique. La promiscuité sexuelle, intrinsèquement, ne met pas les prostituées féminines en danger pour le VIH ou le SIDA. La seule conclusion possible est que les rapports vaginaux et le sexe orale (qui sont de loin les formes les plus communes pratiquées par les prostituées interviewées dans les études récapitulées ci-dessus) ne sont pas des activités à haut risque pour l'acquisition ou la transmission du VIH et du SIDA. Comme le médecin japonais Y. Shiokawa l'a suggéré, il est probable que l'utilisation de drogue, les maladies concomitantes multiples, la malnutrition, et d'autres facteurs immunosuppressifs soient nécessaires pour augmenter le risque. Ainsi, les individus en bonne santé ne contractent pas le VIH ou le SIDA, et même les prostituées séropositives, abusant des drogues n'ont pas été et ne peuvent pas être des vecteurs pour communiquer le VIH ou le SIDA à une population hétérosexuelle en bonne santé et non-consommatrice de drogue. *

 

Traduction : Aixur (décembre 2006)

Selected References

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