Orphelins de laboratoire

New York Press, July, 2004
Article - http://nypress.com/print.cfm?content_id=10614

Des drogues expérimentales anti-VIH sont administrées de force à des enfants abandonnés d’un orphelinat catholique de Washington.
Les responsables politiques de la ville entendent continuer l’expérience.

Par Liam Scheff

   

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Christine Maggiore découvrit sa séropositivité en 1992. Son médecin lui expliqua qu’elle devait se préparer à mourir mais Christine n’était pas intéressée par la mort.

Quand Christine apprit que les traitements médicamenteux contre le sida pourraient la rendre malade, elle refusa de les suivre pour leur préférer des méthodes naturelles. 18 mois plus tard, elle était en si bonne santé que son médecin lui dit que ce n’était pas possible. Elle fut a nouveau testée.

Elle fut testée plusieurs fois et le diagnostic était soit négatif, soit indéterminé ou encore positif selon les tests. Christine Maggiore s’intéressa alors à la littérature médicale et découvrit ce qu’elle avait expérimenté : les tests HIV ne sont pas fiables. Elle s’aperçut aussi que l’hypothèse du VIH comportait d’énormes failles.

Convaincue que c’était le genre de chose que les gens devaient savoir, elle fonda l’association Alive & Well AIDS Alternatives qui diffuse des informations pour les personnes qui, comme elle, veulent prendre les décisions concernant leur santé en connaissance de cause.

Depuis qu’elle a été testée VIH+, Maggiore a donné la vie à deux reprises. Ses enfants, âgés de 2 et 6 ans, n’ont jamais été testés. Tous deux sont intelligents et actifs, ne suivent pas de traitement contre le sida et ne sont pas en phase terminale. Ils consultent régulièrement leur pédiatre qui n’a aucun grief d’ordre médical à formuler quant à leur bonne santé.

Et ils ne sont pas seuls, Il y a des milliers de séropositifs en bonne santé qui ne prennent pas de médicaments qu’ils substituent par des thérapies naturelles afin d’aider leur système immunitaire.

C’est par Christine Maggiore que j’ai rencontré Mona dont les enfants, Sean et Dana, ont été testés séropositifs. Officiellement, ce ne sont pas à proprement parler ses enfants ; Mona est leur belle tante et tuteur légal. Sa nièce, toxico dépendante de longue date, n’était plus capable de se comporter comme une mère responsable et donc Sean et Dana ont été placés dans un home d’accueil de l’Etat. Mona les a ramenés pour s’en occuper elle-même.

Quand j’ai parlé pour la première fois avec Mona, elle était angoissée et nerveuse. Sean avait déjà été envoyé deux fois à l’Incarnation Children’s Center (ICC), un home pour enfants séropositifs à Washington Heights. La première fois peu après sa naissance puis encore une fois quatre ans plus tard. Dana y était restée jusqu’en Juin.

« Pourquoi vous l’ont-il enlevé? » Lui ai-je demandé.

« Ils m’ont dit que j’étais un parent irresponsable parceque je ne voulais pas lui donner les médicaments. »

Mona avait pourtant amené Sean et Dana consulter un naturopathe. Que les enfants soient sains ne comptait pas. Quand les fonctionnaires de la ville ont découvert que Sean et Dana ne prenaient pas de drogues [anti-rétrovirales], ils les ont emmenés suivre une thérapie dans une clinique puis transférées à l’ICC. C’est là qu’ils furent enfermés pour y êtres drogués jour et nuit.

« Quels médicaments ? »

« AZT, Nevirapine, Epivir, Zerit. Toutes sortes de médicaments. »

Prendre connaissance de la liste des expériences médicales menées actuellement ou récemment terminées à l’ICC – des dizaines d'expériences financées par des agences gouvernementales comme le NIAID, le NICHD et d’énormes compagnies pharmaceutiques – Glaxo, Pfizer, Squibb, Genentech et Biocene, c’est voyager dans le monde cauchemardesque de la recherche en pharmacologie pédiatrique.

Par Exemple, le but de l’étude baptisée « les Effets du Traitement Anti-VIH sur l’Organisme des enfants Infecté par le VIH » est de rechercher les causes de « l’atrophie musculaire et de la lipodystrophie » (redistribution des graisses) en utilisant des médicaments connus pour provoquer la perte de la masse musculaire et la lipodystrophie.

Dans la conclusion de cette même étude on y estime que «Traiter les patients au stade avancé du SIDA âgés de 4 à 22 ans avec sept médications est sûr et efficace, certains avec des doses plus élevées que la posologie habituelle».

Les sept médicaments mentionnés dans cette étude sont tous connus pour leurs effets affaiblissants et potentiellement mortels, pourtant ils sont administrés « avec des doses plus élevées que la posologie habituelle» à des enfants de quatre ans.

Ensuite il y a un examen comprenant « Uniquement la Staduvine ou en Combinaison avec la Didanosine ». L’association de ces deux substances a tué des femmes enceintes.

Ou encore l’expérience avec le vaccin administré aux enfants âgés de 12 mois à 8 ans qui contient « le virus vivant de la varicelle du poulet », même si un des effets secondaires de ce type de vaccin est la maladie elle-même.

Une autre examen : « L’évaluation de la charge virale dans le fluide cérébrospinal ». La matière cérébrospinale ne peut-être obtenue que par une biopsie de la colonne vertébrale, une procédure dangereuse et intrusive.

Il y a même une étude menée sur les enfants testés VIH+ qui sont nés de mères séropositives et qui utilisent un vaccin expérimental.

Mona n’a jamais été informée que Sean avait participé aux expériences médicales de l’ICC.

« Ils changeaient systématiquement le traitement des enfants » dit-elle.

Comment les enfants arrivaient-ils à supporter autant de médicaments ? Sean, comme la plupart des enfants, ne le supportait pas. « Ceux d’entre eux qui ne le pouvaient pas recevaient les médicaments à l’aide d’un tube » précisa-t-elle.

« Par un tube introduit dans la gorge ? » lui demandais-je.

« Non » me répondit-elle prosaïquement, « ils sont opérés ».

« Un chirurgien leur fait un trou quelque part ? Où ? »

« Dans leur estomac » me dit-elle. « Si un enfant refuse les médicaments trop souvent, ils les opèrent. J’ai vu que c’est ce qui arrivait aux enfants qui ne voulaient pas prendre les médicaments ».

Incarnation Children Center est un centre d’adoption administré par le Centre du Foyer Catholique qui est sous la responsabilité de l’Archidiocèse de New York. D’après les informations disponibles sur le site Internet d’ICC, il a été fondé en 1987 « pour s’occuper de la crise des bébés pensionnaires ». Les bébés pensionnaires sont des enfants abandonnés à l’hôpital.

En 1992, « une clinique fut construite pour les enfants infectés par le VIH» et, avec les fonds de l’Institut National des Maladies Allergiques et Infectieuses (NIAID) qui est une subdivision de l’Institut National de la Santé (NIH), « la clinique devint une section dépendante de l’unité chargée des expérimentations cliniques sur le SIDA de l’université pédiatrique Columbia ».

L’ ICC avait donc échangé son statut de refuge pour enfants issus de la pauvreté et de mères toxico dépendantes pour celui d’organisme subsidié afin de permettre au NIH d’utiliser des orphelins séropositifs comme sujets d’expériences.

Le site internet d’ICC recense des dizaines d’expériences conduites depuis la fin des années 90 avec l’AZT et la Nevirapine. Le site du NIH a récemment listé « cinq études en demandant des essais avec des médicaments », et « 27 expériences en cours de traitement ou récemment terminées » - toutes sur des enfants à l’ICC- sans compter plus de 200 autres expériences menées à l’Hôpital presbytérien de l’université Columbia [à New York] dont dépend l’ICC.

Ces expériences sont sponsorisées par des subdivisions du NIH et nombre d’entre elles sont co-sponsorisées par les compagnies pharmaceutiques qui fabriquent les médicaments utilisés lors des essais. Ces études utilisent les traitements classiques contre le SIDA : les analogues de nucléoside et les inhibiteurs de la protéase.

Les analogues de nucléoside, comme l’AZT, fonctionnent en arrêtant la division cellulaire. Ils bloquent le renouvellement sanguin de la moelle osseuse et dans certains cas provoquent la mort par anémie. Ils ont causé la mort de femmes enceintes, des avortements, des malformations congénitales, des dysfonctionnements du foie et du pancréas, l’atrophie des tissus musculaires, un ralentissement de la croissance responsable de la mort d’enfants et d’adultes. Ils peuvent également provoquer des cancers.

Les inhibiteurs de protéase interfèrent avec la capacité du corps à créer de nouvelles protéines. Puisque nous sommes composés de protéines, ces inhibiteurs de protéase agissent particulièrement sur l’apparence physique et les fonctions organiques. Les effets secondaires peuvent êtres bizarres, grotesques et souvent mortels : fonte des graisses sur le visage, les mains et les pieds, excroissances graisseuses sur le dos et les épaules, ballonnement du ventre, arrêt cardiaque, malformations congénitales, graves disfonctionnements des organes et la mort.

La plupart de ces effets sont décrits sur les notices médicales de ces produits.


L ’AZT, le premier remède développé pour contrer le Sida, a été conçu dans les années 60 comme chimiothérapie anti-cancéreuse mais, à l’époque, n’avait jamais reçu d’autorisation de mise sur le marché. Critiqué pour sa forte toxicité, même à court terme, il a néanmoins été introduit en 1987 pour augmenter la durée de vie des séropositifs. Bien que les tests réalisés sur ce produit se soient révélés êtres frauduleux, l’AZT est toujours en circulation.

Enfin il y a la Nevirapine qui interfère également dans le processus normal des fonctions cellulaires. En phase de test la Nevirapine causa des dégâts considérables au foie et la mort de dizaines de patients. La plupart décédèrent du fait de l’arrêt de leurs fonctions vitales en raison de la toxicité de ce produit. La Nevirapine peut également causer des troubles sérieux de l’épiderme identifiés sous l’appellation « Syndrome Steven-Johnsons » - Une maladie horrible provoquant des boursouflures et de larges lésions cutanées sanguinolentes laissant la chair à vif.

A baby with Steven-Johnsons Syndrome. SJS can be caused by Nevirapine.

(Ci- dessus) un nourisson atteint par le Syndrome Steven Johnsons. La nevirapine est le médicament le plus largement répendu pour traiterles femmes séropositives en Afrique.

(Ci-dessous) Quelques exemples des effets "secondaires" produits par la Nevirapine

From a European study:

Clinical examples of SJS and TEN cases related to Nevirapine.(Top right to bottom left). (a) Erosions of lips and mouth are characteristics of SJS and TEN. (b) Magnification of cutaneous lesions showing purpuric macules, small blisters and positive Nikolski, i.e. detachment of epidermis on pressure. (c) Skin biopsy showing the detachment of necrotic epidermis. (d) SJS with discrete non-confluent small blisters, involving , <10% of the body surface area. (e) Coexistence of small blisters and detachment of the epidermis on 35-40% of the body surface area in TEN. (f) Detachment of the epidermis is frequent on palms and soles.

Conclusions:

1) In European countries the risk of SJS or TEN in the context of HIVinfection appears to be associated with nevirapine. The respect of a lead-in period does not appear to prevent SJS or TEN. Because of the severity of these reactions and the long elimination half-life of nevirapine, we suggest discontinuation of the drug assoon as any eruption occurs.
2) To assess the risk of SJS or TEN in the context of drug treatment we have been conducting, since May 1997, a case-control study in Austria, France, Germany, Holland, Italy and Israel (EuroSCAR study). Risks are evaluated by comparing the rates of exposure to drugs between case patients and the controls. We present here the data collected in HIV-infected patients enrolled in that study up to 1 November 1999.

2 related European studies on Nevirapine toxicity (PDF):

1) Nevirapine and the risk of Stevens-Johnson syndrome ortoxic epidermal necrolysis
2) Nevirapine-associated Stevens-Johnson syndrome

Malgré la gravité des effets secondaires constatés en cours de traitement, les drogues anti-VIH ne prétendent même pas apporter une amélioration de l’état de santé des patients :

« Ce médicament ne vous guérira pas de votre infection VIH. Les patients traités avec une thérapie anti-rétrovirale peuvent encore souffrir d’infections opportunistes et autres complications de la maladie du VIH. Les patients devraient êtres avisés que les effets à long terme sont actuellement inconnus. »

Alors pourquoi les gens prennent-ils ces médicaments ? Parcequ’ils sont testés VIH+. Mais comme Christine Maggiore l’apprit, les tests de dépistage de l’infection par le VIH sont extrêmement imprécis.

La plupart des tests VIH sont des tests d’anticorps [ndtr : les tests ELISA et Western Blot], ce qui veut dire qu’ils peuvent réagir positivement aux protéines contenues normalement dans le sang humain. Il y a près de 70 raisons -décrites dans la littérature médicale- connues pour provoquer un diagnostic positif au test de dépistage parmi lesquelles : le rhume, la grippe, l’arthrite, l’herpes, les vaccinations, l’utilisation de drogues et l’état de grossesse.

Les autres tests VIH, appelés aussi tests de charge virale [ndtr : ou tests PCR], peuvent produire des dizaines de résultats contradictoires et cela, de façon identique, sur un seul et même échantillon de sang.

Les tests de diagnostic de l’infection par le VIH sont tellement peu fiables qu’ils portent tous un démenti [ndtr : sur la notice explicative contenue dans l’emballage des tests] :

Et la cerise sur le gâteau : la réponse positive au test peut être produite par « les états de grossesse antérieurs, les transfusions sanguines … et d’autres réactions potentielles non spécifique.» (Test VIH Vironostika, 2003).

En résumé : Dans les années 90, les compagnies pharmaceutiques comme Glaxo Wellcome et Abbott Labs ont recyclé d’anciennes chimiothérapies pour le nouveau marché des médicaments Anti-VIH. Un marché constitué d’homosexuels masculins qui n’ont pas été informés que les tests de dépistage de l’infection par le VIH n’étaient que des tests d’anticorps non spécifiques. On leur a pourtant soutenu que le SIDA était la conséquence inévitable d’un diagnostic positif à ces tests et que le VIH était une maladie mortelle.

Si vous cherchez dans la littérature médicale, vous découvrirez qu’aucune de ces suppositions n’est vraie.

Sean, le fils de Mona vécu toute sa vie dans un état quasi comateux. Il reçu les traitements à l’AZT depuis sa plus tendre enfance. Cette drogue le rendit si malade qu’il ne pouvait plus avaler de nourriture solide et, par conséquent, était nourri par un tube introduit dans son nez jusqu’à l’âge de trois ans. Il n’avait plus d’énergie, était constamment malade et ne pouvait plus jouer ou même marcher sans être épuisé. Chaque fois que Mona administrait les médicaments anti-rétroviraux à Sean, il devenait malade. Elle diminua donc les doses. Son état de santé commença à s’améliorer. Elle arrêta de lui donner les médicaments et commença à le conduire chez un Naturopathe.

«Pour la première fois de sa vie» me dit-elle «il devenait un garçon normal. Il pouvait jouer avec les autres enfants, il savait marcher et courir. Il souriait et riait. Il était normal.»

Des bonnes nouvelles donc, excepté que Sean était né d’une mère qui avait été testée séropositive. Bénéficiant des anticorps de sa mère, il a également été testé VIH+. L’ACS – (The Administration for Children's Services) s’en prit durement à Mona pour avoir interrompu le traitement anti-rétroviral. Elle fut dirigée vers un nouveau docteur, un spécialiste du SIDA à [l’hôpital] Beth Israël qui prescrit un « médicament miraculeux » à Sean : la Nevirapine. Six mois plus tard Sean était sous assistance respiratoire à cause de la dégradation de ses fonctions organiques.

C’est ce qui s’est passé suite à la décision de l’ACS de placer Sean à l’ICC. Ils prétendaient qu’il ne resterait que quatre mois mais il y est resté plus d’un an et Mona dû avoir recours aux services d’un avocat pour le sortir de là.

Mona me montra son dossier médical qui raconte toujours la même histoire : AZT, Nevirapine, soins intensifs.

« Maintenant c’est Dana qui est sous traitement [anti-rétroviral] »

Mona me présenta à Sean qui jouait sur un terrain de basket près de chez elle. C’est un enfant charmant. Son blouson était trop grand pour lui et il se déplaçait prudemment en traînant un peu des pieds. Il est petit. Il me fait penser à moi quand j’avais 4 ans avec ma grande veste en jean et ma démarche pas très assurée, j’avais la même taille que lui. Sauf que Sean, lui, a 13 ans. Il pèse 22 kilos pour 1mètre 20. Un enfant de l’AZT dont le corps diminué porte les séquelles de ses blessures internes.


L’Incarnation Children Center est hébergé dans un immeuble en brique, un ancien couvent avec des fenêtres à barreaux. Une caméra surplombe la porte d’entrée entourée de part et d’autre par des baies vitrées. Le jour où j’y suis allé, des enfants me regardaient par les fenêtres du côté de la porte d’entrée. J’entre et traverse une salle d’attente qui se termine par un ascenseur aux larges portes métalliques. Je m’inscris en me faisant passer pour un proche de la famille de Mona. L’infirmière me regarde avec suspicion mais me laisse passer.

Derrière la réception il y a une grande pièce sombre avec des vitres fumées sur le mur du fond. Des enfants de tous âges -des bébés de deux ou trois ans jusqu’à des adolescents presque adultes- sont groupés autour de tables dépliantes.

A l’exception de quelques hispaniques, ils sont tous afro-américains. Un certain nombre d’entre eux sont en chaise roulante. Un radiocassette diffuse une musique de fond et quelqu’un a apporté des pizzas dans des boites en carton. Une jeune femme en training assise sur une des chaises me regarde et semble embarrassée : elle fête son 18ème anniversaire. Quelques adolescents atones installés aux quatre coins de la pièce s’ennuient et participent sans conviction. Ils se sont portés volontaires pour réaliser un travail d’intérêt général pour les enfants malade du SIDA.

Les enfants sanglés sur les chaises roulantes sont nourris ou drogués -ou les deux à la fois- avec un liquide lacté dispensé par le tube d’un cathéter qui disparaît sous leur chemise. Je peux deviner la douleur dans leurs regards absents, les yeux fixés dans le vide.

Je traverse un couloir pour entrer dans une autre pièce. Un garçon de 10 ans s’y trouve, son corps est gonflé comme s’il souffrait de rétention d’eau. Il me fait des signes et crie pour que je vienne jouer avec lui. Une puéricultrice l’appelle sèchement, la voix stridente, puis me regarde sévèrement.

Plus loin dans le corridor, un autre petit garçon s’approche de moi et me tend ses bras. Je le prends sur moi. Il est d’humeur taquine et se tortille en poussant des cris aigus. Alors que j’essaye d’avoir une meilleure prise, ma main touche quelque chose de dur. Une plaque en plastique couvre un trou dans son abdomen. Surpris, je le dépose prudemment au sol. Les infirmières me fixent à nouveau du regard.

Sur le point de partir, je remarque une fille au ventre ballonné. Elle a probablement 12 ou 13 ans. En regardant plus bas je remarque un tuyau transparent qui dépasse de sa chemise.

L’air lourd et oppressant semble vicié et je réalise que les fenêtres ne sont pas seulement barrées mais également fermées.

Plus tard Mona m’expliqua que «si elles étaient ouvertes, les enfants tenteraient de s’enfuir».

En partant, je suis toujours impressionné par les portes en acier massif de l’ascenseur. Selon Mona c’est l’accès à la clinique.

« C’est là qu’ils leurs donnent les médicaments. A l’étage. Habituellement ils les donnaient au rez-de-chaussée mais ils n’aimaient pas quand les autres enfants les voyaient faire. »

Le Dr David Rasnick est un chercheur indépendant au campus universitaire de Berkeley avec lequel j’ai travaillé pour la réalisation d’une série d’articles sur la problématique du SIDA. Quand je lui ai raconté ce que j’avais vu à l’ICC, cela l’a perturbé mais pas vraiment surpris.

« Les spécialistes du SIDA partent toujours du principe que leurs patients vont mourir » explique t’il. « Personne ne se pose la question si un sidéen pourrait être malade à cause de la toxicité des médicaments, tout simplement parcequ’ils estiment que le patient n’a aucune chance de guérir. »

En Septembre dernier j’ai demandé de pouvoir réaliser l’interview d’un responsable d’ICC. Une infirmière me répondit que personne n’était disponible parceque « les enfants étaient tous infectés par la varicelle du poulet ». Je ne pouvais m’empêcher de penser au vaccin contenant le virus actif de la varicelle du poulet.

Je me suis quand même déplacé jusque là. Ils n’ont pas voulu me laisser entrer mais ils m’ont laissé une brochure. Elle était illustrée par des photographies en noir et blanc de leurs patients qui montraient exactement ce que j’avais vu : des enfants drogués, meurtris, le ventre transpercé par un tuyau.

A l’intérieur de ce prospectus il y avait une photo pleine page montrant un plateau truffé de seringues. On pouvait y lire le programme des soins : « 8:00 AM, Valium, Lasix, Prednisone, Bactrim, Epivir, Colace, Nystatin, Ceftriaxone. »

La légende plus bas disait « (…) Ces médicaments vous donnent une idée de la complexité de la maladie du VIH chez les enfants ». Ironiquement, quelques années plus tôt, un de mes professeurs m’expliquait que si un patient se voyait administrer plus de quatre médicaments, il ferait mieux de changer de docteur.

A l’arrière de la brochure, une photo montrait un homme portant un petit cercueil et sur une autre, un cercueil sur le siège avant d’un corbillard. A l’arrière un enfant était assis sur les genoux d’une femme. Il n’y avait aucune indication sur la dangerosité des médicaments. Quand les enfants meurent ils disent que c’est le SIDA.

Rasnick m’a parlé du cas d’une infirmière, Jacqueline Hoerger, qui a travaillé à l’ICC au début des années 90 et qui a vécu une expérience similaire à celle de Mona.

Jacqueline essaya d’adopter deux jeunes filles de l’ICC pour les élever et les soigner avec son mari. Elle leurs administra les doses prescrites « à la lettre » pendant environ un an et ne pu que constater la dégradation de l’état de santé des deux fillettes.

Elle commença à effectuer des recherches sur les drogues anti-rétrovirales et après de nombreuses consultations avec des spécialistes en médecine à l’esprit ouvert, elle décida de suspendre le traitement. A sa plus grande surprise, elle fut soulagée de voir que l’état de santé des filles s’améliorait remarquablement. Elle fit part de ses découvertes à leur médecin et quand le centre pour les adoptions en fut informé, le centre administratif d’aide à l’enfance de New York les renvoya dans un home d’accueil. Le rétablissement des enfants n’avait aucune importance. Ce qui importait était qu’elles suivent le traitement.

En octobre 2003, je pris contact avec Caroline Castro, la directrice de l’ICC. Elle me demanda de rédiger mes questions et de les lui envoyer par courriel, ce que je fis :

« D’où viennent les enfants ? Quel est le protocole habituel pour traiter les enfants séropositifs ? J’ai lu sur votre site Internet que vous participez à des expériences médicales. Quels types d’expériences ? Combien êtes-vous rémunérées pour votre participation ? »

La réponse de Castro : « L’ICC apprécie votre intérêt pour notre travail mais nous sommes dans le regret de vous dire que nous ne désirons pas participer à votre projet ».

Je lui ai malgré tout téléphoné pour l’interroger sur les expériences médicales. Elle me répondit que L’ICC ne participait à aucune expérience. Quand je lui fis remarquer que le site Internet du NIH mentionnait l’ICC comme participant [aux expériences médicales], elle m’invectiva en criant : « Pourquoi avez-vous besoin d’écrire sur l’ICC ? » me demanda t’elle, « n’écrivez pas sur nous. Vous devriez écrire sur quelqu’un d’autre » puis elle raccrocha le combiné.

J’ai alors téléphoné au responsable de la direction médicale de L’ICC, le Dr. Katherine Painter. Un coup de chance, elle accepta de parler avec moi. Apparemment, Castro et Painter n’avaient pas échangé de courriels ce jour là. J’interrogeai le Dr. Painter durant environ une heure. Elle répondit à mes questions d’un ton professoral et avec une extrême circonspection :

Je lui ai évoqué la toxicité de l’AZT et elle admit qu’il y avait effectivement quelques problèmes mais, m’assura t’elle, les nouveaux médicaments les avaient résolus.

Selon le Dr. Painter, « le grand problème avec les enfants séronégatifs, c’est la compliance ». La compliance [ndtr : ou l’observance thérapeutique] est un terme utilisé pour ceux qui ne veulent pas prendre les pilules. Cela n’a aucun rapport avec la maladie ; cette expression parle d’obédience à un traitement médical.

Je lui ai demandé si ICC participait aux expériences cliniques.

« Nombre de cliniques qui font référence à nous prennent part à des expériences médicales. Les enfants participent à une expérience pharmaceutique sous surveillance. Ils testent et reçoivent un médicament expérimental prescrit par leur clinique et nous maintenons ce traitement ici. »

Castro m’aurait-elle menti ? De toute évidence ICC participe à des expériences médicales. Les enfants sont peut-être inscrits dans plusieurs hôpitaux mais ils sont logés et drogués à l’ICC, ce qui ressemble à s’y méprendre à une collaboration aux tests cliniques.

Je remarquai que la base de données des expériences médicales du NIH recense une centaine d’études pharmaceutiques sur les enfants.

« Il y a énormément de tests effectués sur les enfants », me répondit-elle.

En ce qui concerne la compliance des jeunes patients, le Dr. Painter nota que les médicaments avaient un « arrière-goût amer ». Par conséquent ils mélangaient les comprimés avec du chocolat ou du sirop de fraise mais « dans certains cas » continua-t-elle, « il est préférable de les administrer par un g-tube ». C’est-à-dire le tuyau relié à l’estomac.

Questionnée sur la procédure utilisée pour introduire le g-tube, Katherine Painter m’expliqua qu’un chirurgien pratique une incision dans le ventre de l’enfant, « à travers la ceinture musculaire abdominale, puis dans l’estomac. Cela crée une toute petite ouverture, environ un demi centimètre. Cela prend quelques semaines pour bien guérir et donc c’est un peu douloureux. Un petit tube est introduit dans l’ouverture de l’estomac. De l’extérieur vous pouvez le relier à un tuyau d’alimentation ou à une seringue ».

Je lui ai alors demandé pourquoi ICC persistait à médicamenter les enfants de cette manière quand il y a des milliers de séropositifs qui ne sont pas malades ou suivent une naturopathie avec beaucoup de succès.

Ce à quoi le Dr. Painter me répondit qu’elle était au courant de ces cas qu’elle désignait par l’abréviation LTNP (Non-Progresseurs à Long Terme), qui est une expression utilisée dans les milieux autorisés du SIDA pour dissimuler une évidence que même le Centre de Contrôle et de Prévention de la Maladie admet : la majorité des personnes infectées par le VIH ne sont pas malades. La plupart des sidéens ont été révélés positif par le décompte des cellules-T plutôt que par le diagnostic des symptômes de la maladie du SIDA.

Les LTNP que je connais sont impliqués dans des thérapies alternatives. Ils évitent certaines pratiques, les mauvaises habitudes alimentaires ou l’utilisation de substances -drogues anti-rétrovirales comprises- qui pourraient compromettre l’équilibre de leur système immunitaire.

« En traitant le SIDA » lui ai-je dit, « pourquoi ne cherchons nous pas à soutenir le système immunitaire ? Pourquoi donnons-nous à des gens qui sont déjà malades des médicaments qui vont détruire les parois intestinales et le foie? Prenez-vous en considération les effets adverses de chacun de ces médicaments ? »

Elle m’interrompit. « Oui, bien sur, les drogues anti-rétrovirales ont des effets adverses mais les risques liés aux bénéfices de chacune de ces médications doivent êtres pesés. » Dit-elle en commençant à s’irriter. « Dois-je vous rappeler qu’une infection VIH non traitée est un diagnostic mortel.»

Nous retrouvons ici exactement ce que le Dr. Rasnick avait dit : « Les spécialistes du SIDA supposent toujours que leurs patients vont mourir. »

Et pourtant Katherine Painter venait d’admettre que ce postulat est faux : il y a les LTNP. S’ils ne sont pas en train de mourir alors qu’ils sont testés VIH+, son argumentation ne tenait pas la route.

Elle continua par un exposé sur la progression de la maladie. Première étape : la séropositivité, ensuite, dix ans plus tard, la maladie inévitablement suivie par la mort.

« Bien » lui ai-je répliqué, « partons du principe qu’un individu testé VIH+ est effectivement malade. Les gosses traités à l’ICC, en plus des médicaments qui leur sont administrés sans arrêt, sont les enfants de toxico dépendants chroniques. N’est-ce pas une bonne raison pour être malade ? »

« Non », réfuta-t-elle.

« Mais les tests VIH réagissent positivement aux anticorps générés par la consommation de drogues. »

« Non », protesta-t-elle.

« Oui, ils le font, » lui ai-je soutenu. « L’utilisation de drogues, l’hépatite, il y a environ 70 conditions reconnues qui provoquent un diagnostic positif aux tests. »

Lors de mes enquêtes sur le SIDA, je n’ai jamais entendu un chercheur ou médecin spécialiste de la question affirmer que les tests VIH étaient fiables à 100%. Même les laborantins que j’ai rencontrés m’ont avoué que les tests peuvent êtres irréguliers et peu fiables.

Je lui ai encore demandé : « Pourquoi traitons-nous les séropositifs avec des médications qui tuent leur système immunitaires ? Ne pourrions-nous pas plutôt les aider à reconstruire leur immunité ? Ne serait-il pas possible de se dire que tout ce qui fonctionne dans le traitement du SIDA est valable? »

Le Dr Painter rétorqua qu’il y avait un espace pour des « thérapies complémentaires incluant un régime nutritionnel de soutien » mais, réitéra-t-elle « la thérapie anti-rétrovirale est le seul traitement qui a réduit de manière significative la mortalité des patients infectés par le VIH. »

Je parcourais mes notes qui s’empilaient : des dizaines d’études pharmacologiques durant lesquelles des patients ont trouvé la mort. Des décès provoqués par les seuls médicaments selon l’estimation même de leurs propres chercheurs. Je parcourais des yeux les notices médicales : Attaque cardiaque, arrêt des fonctions vitales, atrophie musculaire, affaiblissement du système osseux, anémie, malformations congénitales, lésions de la peau, éruptions sanguinolentes, déformations et mort.

A l’époque Kristina Painter était en charge de 20 enfants au moins, beaucoup d’entre eux avaient été enlevés à leur environnement familial pour suivre de force une thérapie anti-rétrovirale. Elle en savait moins sur les tests VIH et la nocivité des drogues anti-VIH que n’importe quel spécialiste médical à qui j’ai pu parler, du moins c’est ce qu’elle était prête à admettre. Je la remerciai pour le temps qu’elle m’avait accordé et raccrochai.

Entre les murs de l’ICC, les enfants en chaises roulantes regardent droit devant eux, incapables de fixer leur attention. J’aurais voulu les emmener dehors à l’air pur. C’est une belle journée ensoleillée mais ils sont enfermés dans cette pièce où une jeune fille de 18 ans fête son anniversaire derrière des vitres fumées.

Je m’approche d’un des enfants en chaise roulante, un garçon d’environ 12 ans. Son visage a quelque chose d’étrange, ses yeux sont trop espacés et son crâne a une forme bizarre, un peu aplatie. Son torse et ses membres sont légèrement tordus, ils paraissent sous dimensionnés et fragiles. C’est ce qui arrive aux bébés traités à l’AZT.

J’observe les autres enfants. Mêmes bras, mêmes jambes, mêmes visages.

Un garçon avec des béquilles essaye de danser au rythme de la musique. Ses jambes se balancent sous lui tandis que ses pieds forment des angles incongrus sur le sol. Je m’agenouille près du garçon en chaise roulante. Il gémit faiblement comme s’il était sous l’emprise d’une peur panique. Je m’éloigne pour ne pas l’angoisser d’avantage.

Amir, un garçon d’environ six ans qui est assis à une des tables, a un g-tube dans l’estomac. Quand je l’ai rencontré il avait déjà subi de nombreuses chirurgies plastiques pour enlever sa « bosse de bison » - c’est comme ça que les médecins appellent cette large excroissance de graisse qui se développe dans la nuque et le dos des gens qui prennent des inhibiteurs de protéase.

Je m’avance vers lui, il sourit de toutes ses dents. Lui aussi a la tête déformée. Son dos et ses épaules sont anormalement courbés. Il agrippe ma chemise. Je me baisse et il met ses bras autour de mon cou pour m’embrasser. De larges zones circulaires dépigmentées couvrent sa nuque là ou la chair a été enlevée.

Quelques minutes plus tard je me lève pour partir mais il ne veut pas me lâcher. Je prends doucement ses mains entre les miennes durant quelques instants puis me dégage doucement de son étreinte.

Cinq mois plus tard, Mona aperçut Amir à l’hôpital. « Mon estomac gonfle ; il devient gros » lui dit-elle. « Ils m’ont coupé, ils m’ont coupé. » ajouta-t-il encore en montrant une incision sur son côté.

« Je pense que c’est le tube » me dit Mona. « Je crois qu’il y a une infection.»

Quand j’ai demandé au Docteur Painter de m’expliquer les conditions qui motivaient la décision d’implanter un tube dans l’estomac, elle me répondit, « quand les autres méthodes pour aider l’enfant à prendre les médicaments par voie orale ont échouées.»

Quelque chose a certainement échoué avec Amir. Il décéda deux semaines après sa rencontre avec Mona à l’hôpital.

Par Liam Scheff : liamscheff@yahoo.com

Traduction Karmapolis


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