SIDA : REDUIRE LE DEFICIT PSYCHOLOGIQUE

 

Les progrès de la neuro-psycho-immunologie nous font mieux comprendre comment nos émotions et notre cerveau agissent sur notre métabolisme et influencent notre santé. Détente, relaxation et yoga sont facteurs de santé, tandis que le stress s’avère déjà comme l’ennemi public n°1...

“ De très nombreuses personnalités disent que le Sida est un révélateur des dysfonctionnements de notre société. Avec l’apparition des nouvelles thérapies et les progrès de la science, cela se confirme encore davantage, je dirais à l’échelle mondiale. ”
28 juin 1998 - Madame Ruth DREIFUSS. Ministre suisse de l’intérieur, de la santé et des affaires sociales.

D’une extrême à l’autre.
Du 28 juin au 2 juillet 1998, la 12ème conférence mondiale sur le Sida s’est tenue à Genève, sur le thème “ Réduire l’écart ”. Le sida est un cas unique dans l’histoire de la maladie et des hommes, une maladie de l’extrême dont on ne peut guérir, capable de toucher n’importe qui - nous dit-on - un véritable fantôme. Apparu au temps où l’être humain flirte avec toutes les extrêmes, le Sida concerne des populations qui, pour des causes propres à chacune, évoluent dans un contexte souvent extrême, lui aussi. Etre sans cesse au bout de soi et de ses possibilités, corporelles ou psychiques, c’est exercer un stress permanent sur son corps et son esprit, c’est être sans cesse au bord de la rupture. La notion d’extrême est incompatible avec la santé du corps et de l’esprit. Parmi ses nombreux sens, le thème de la conférence mondiale, “ Réduire l’écart ”, signifie aussi qu’il est nécessaire de “ réduire notre perception extrême du Sida ” pour adopter une approche plus équilibrée. C’est dans l’équilibre que l’être humain s’épanouit et qu’il jouit de la santé.

A propos de la psychosomatique.
La maladie est un stress physiologique, une contrainte exercée sur des organes. Le stress physiologique a une résonance sur le psychisme, comme dans le cas des douleurs corporelles - on se sent mal. Le stress psychologique a aussi un retentissement sur le physique, car il exerce une contrainte sur les organes. Le concept de “ psychosomatique ” a vu le jour au milieu du 20ème siècle, avec Georg GRODDECK, médecin et psychanalyste. On sait aujourd’hui que le psychisme est un élément déterminant de la perte ou du gain de la santé. Mais il est difficile de mesurer de tels phénomènes qui varient avec chaque individu. L’observation scientifique confirme que les effets psychosomatiques suivent un itinéraire physiologique dont on connaît les principales étapes : cerveau, système nerveux sympathique, neurotransmetteurs, hormones, sang, organes, etc. Un exemple frappant a été observé chez le singe Tupaïa d’Indonésie. Lorsque l’on met côte à côte, dans deux cages séparées, sans qu’ils puissent se toucher, un mâle dominant et un autre mâle dominé, le second meurt souvent en quelques semaines, victime de son stress psychologique. Quel est l’effet de la vie moderne sur le psychisme. Ne vivons-nous pas le temps de toutes les extrêmes ?

Cerveau et système immunitaire.
Le Sida se manifeste par la disparition de certains globules blancs du système immunitaire (les lymphocytes T4). Ces cellules maturent en grande partie dans des organes lymphoïdes (rate, thymus, ganglions lymphatiques). Il se trouve que ces organes sont innervés par le système nerveux sympathique, qui suit le trajet des vaisseaux sanguins et irrigue précisément les zones où sont stockés les lymphocytes en maturation. En cas de stress psychologique, le système immunitaire peut être atteint par les hormones directement libérées dans le sang (adrénaline surrénalienne, morphines endogènes, glucocorticoïdes, etc.). La neuro-psycho-immunologie confirment que le cerveau et les émotions influencent le système immunitaire. Les chercheurs ont remarqué que les patients dépressifs ont une diminution de leurs réponses immunitaires, ce qui augmente leur perméabilité aux infections. Mais il faut relativiser. Rien ne dit à ce jour que le psychisme humain ira aussi loin que celui du singe Tupaïa...
Soulignons que l’irrationnel occupe une place importante dans notre vie. L’homme croit en la puissance de l’esprit. Ainsi, on parle de guérisons miraculeuses, même si l’on ne croit plus aux miracles. On dit aussi que l’on peut mourir de chagrin ou de colère, tout comme on se fait du mauvais sang jusqu’à en faire une jaunisse. Ces expressions populaires sont les témoins d’une civilisation. Elles expliquent en partie pourquoi Georg Groddeck cherchait à changer l’attitude du malade vis à vis de la maladie - il voulait canaliser son énergie. Les psychothérapies de groupe, la pensée positive, l’autosuggestion, le yoga et la méditation s’adressent à la part d’irrationnel qui est en chacun, et elles donnent des résultats remarquables.

Les conditionnements -
Peut-on conditionner le système immunitaire, en apprenant à une population à réagir à un stress spécifique, associé à des événements touchant à sa vie quotidienne ? C’est l’expérience du chien de Pavlov, dont les fonctions alimentaires se mettaient en action dès qu’il entendait le métronome lui indiquant la venue de son repas - le phénomène se produisait même si l’animal, conditionné, s’était alimenté quelques minutes plus tôt. On a là un sujet qui n’a plus aucune prise sur les informations stimulantes pour son organisme : métronome => manger => réaction physiologique. De telles manipulations psycho-physiologiques appartenaient à la fiction d’hier. Aujourd’hui, grâce aux moyens de communication moderne (télévision, presse, internet), rien n’empêche la science d’apprendre à contrôler le stress et l’angoisse, mais aussi les joies et les plaisirs d’un peuple, pour l’orienter vers des solutions choisies pour lui par les classes dirigeantes. Sans y perdre notre plaisir, on pensera au grand événement sportif de l’été 98 !

Stress et conditionnement de la santé -
Il est possible de mettre volontairement une personne ou un groupe de personnes en situation de stress psychologique. On le fait avec des animaux de laboratoire dans un cadre expérimental. L’être humain n’est pas à l’abri d’un tel conditionnement ! Ainsi, la communication organisée autour du Sida lui a donné une identité extrême qui conditionne certains de nos comportements psychologiques. Voici des phénomènes liés à la vie moderne, qui génèrent un stress reconnu facteur de morbidité.
1°) La connaissance que l’on a de sa maladie peut être facteur de stress, d’une contrainte exercée sur l’esprit et sur le corps, nécessitant d’importantes facultés d’adaptation. Si l’effort d’adaptation est trop intense et s’il s’étend trop dans la durée, le sujet atteint une extrême synonyme de rupture : les organes ne peuvent plus assumer, le psychisme non plus. C’est la déprime totale, l’abattement qui peut conduire au suicide volontaire et conscient, ou involontaire et inconscient. Les organes stimulés sont épuisés et ne peuvent plus compenser la perturbation psycho-physiologique.
2°) * Chacun construit sa propre représentation de la réalité. Elle guide nos pas dans notre environnement quotidien. Elle détermine nos comportements et notre aptitude à nous adapter aux situations connues ou inconnues. Des études ont montré que plus les individus s’intègrent dans leur représentation de la réalité, plus ils se sentent acceptés, et plus le taux de suicide est faible. C’est le concept d’anomie. Réciproquement, plus la difficulté à s’adapter est importante et plus le taux de suicide est élevé.
* L’isolement social joue un rôle essentiel dans la capacité individuelle à faire face à l’adversité. Face aux mêmes problèmes de santé, le taux de mortalité est plus important chez les patients privés de contacts sociaux. D’où le succès des psychothérapies de groupe. “ L’union fait la force ”, plus que jamais !
3°) Le cerveau et le mental trient les informations en fonction de l’impact qu’elles ont sur le destin individuel. L’un des déterminants de cette opération, est l’importance de l’événement dans la survie et l’intégrité physique ou psychique du sujet. C’est un facteur de stress important. Les hormones libérées lors d’une réaction de stress de ce type laissent une empreinte dans le cerveau, et lui indiquent les informations qu’il doit mémoriser - peurs et angoisses, par exemple.
4°) Autre facteur de stress important, l’inaptitude, l’impossibilité de contrôler et de prévoir son destin. Quand on n’a aucune emprise sur sa vie, on finit pas perdre le moyen de recourir à la distraction, la détente, la relaxation. Un stress permanent et total peut conduire à la capitulation, au lâcher-prise, synonyme de fin et de libération de la contrainte qu’est la vie. Mourir, c’est en finir avec le stress.

Conditionnement et sida -
Après quinze ans de communication sur le Sida, les messages que nous avons enregistrés mettent le sidéen dans une impasse totale. * Il est banni de la société et condamné, moralement et physiquement (2°). Il se croît psychologiquement inapte (2°). L’isolement psychologique est total, car personne ne peut lui venir en aide (2°). Il est convaincu qu’il va mourir (1°) et qu’il n’y a absolument rien à faire (3°). La situation échappe à tout contrôle (4°). On imagine facilement le stress, l’angoisse et les réactions hormonales destructrices qui peuvent résulter d’une telle représentation de la réalité (2°). On ne peut mesurer les effets d’une telle tragédie pour la santé. Il est essentiel que les patients apprennent à sortir de cet enfer mental extrême, qu’il s’en libère - la théorie s’applique à toutes les maladies. Dans de telles situations, la souffrance psychologique dépasse la douleur corporelle et l’alimente. Toute thérapie médicamenteuse doit être accompagnée d’une démarche en faveur de la santé psychique du patient. Croire en sa santé et vouloir guérir, croire en soi, c’est le “ b-a ba ”. Le mal doit mourir dans l’esprit des hommes en premier lieu !

Le yoga et la méditation.
La méditation et le yoga sont deux méthodes complémentaires pour mettre un terme aux comportements extrêmes. Yoga est synonyme de santé. Pratiquer le yoga rime avec hygiène de vie, mentale et physique. Méditer favorise la relaxation de l’esprit et du corps. Un esprit relaxé subit moins de contraintes, moins de stress. Il dépense moins d’énergie. Il est plus fort. C’est tout bénéfice pour la santé.
Le yoga se fonde sur la notion d’équilibre et de modération, tandis que la vie moderne nous incite à prendre des décisions rapides et à agir sans attendre. La sérénité à contre-courant que procurent le yoga favorise un bon sens commun efficace et salutaire. C’est essentiel pour effectuer de bons choix, et ne négliger ni le corporel, ni le psychologique. Rompant avec le rythme imposé par l’environnement, soucieux de préserver son bien-être intérieur, le yogi va à l’essentiel. Le stress a peu d’emprise sur son mental. Il est stable, patient et déterminé. Sa sérénité et son hygiène de vie corporelle comptent parmi les garants de sa santé.
Si les mêmes difficultés se présentent à lui encore et encore, le gain d’énergie et de volonté que procure le yoga, l’aident à identifier et interrompre le cycle de problèmes récurrents. De plus, le yogi fait preuve de continence et de modération. Il y gagne le recul nécessaire sur lui-même, sur ses émotions et la vie en général. Cette attitude favorise et préserve la santé corporelle. On sait qu’une colère violente provoque un stress dont les traces se retrouvent dans le sang trois jours plus tard. Combien l’organisme doit-il dépenser d’énergie pour s’adapter à un tel cataclysme psycho-physiologique ?
Aujourd’hui, la sexualité se pratique elle aussi de façon extrême. N’est-il pas nécessaire de reconsidérer certains de nos comportements ? Ne nous fourvoyons pas et ne tombons pas dans un nouvel interdit qu’il fut si difficile d’extraire de notre subconscient. Nous sommes capables de produire une réflexion saine et constructive ! La sexualité est cause de nombreuses souffrances, de déchirements, de morts, de maladies, de scandales et de déséquilibres. Qui veut goûter aux plaisirs de la chair sans compter se doit d’en évaluer les conséquences. Ce temps de réflexion, cette méditation n’engage à rien, à rien d’autre qu’à ré-évaluer sa propre responsabilité d’être humain dans une société malade du stress qu’elle produit, de ses déséquilibres, une société globalement déficitaire ! Après le déficit économique et le déficit affectif, voici le Sida, le déficit immunitaire qui en est un témoin exemplaire. Après le déficit économique, affectif, professionnel, etc., voici le déficit immunitaire. l’être humain ne doit-il pas s’interroger sur la condition et les conditionnements humains ?


Références : “ L’Illusion Psychosomatique ” de Robert Dantzer (Inserm). Ed. Odile Jacob.
“ Enquête sur le sida : les vérités muselées ” de Renaud Russeil. Ed. Vivez Soleil.


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