La maladie m’a guéri


Atteint du sida, Mark Griffiths découvre I'envie de vivre. Une métamorphose.

Psychologies: Dire merci au sida, à une maladie qui véhicule tant de peurs et de souffrances, n'est-ce pas totalement insensé ?

Mark Griffiths: Le sida m'a donné l'occasion de changer. Je crois que tout de ce qui nous arrive dans la vie est utile, même quand c'est difficile. Je me suis moi-même trouvé confronté à cette « épée de Damoclès » d'être séropositif et d'en avoir les symptômes. L'intuition et la non-acceptation de cette sentence de mort m'ont amené à un éveil profond. J'ai étouffé ma propre nature par des années de polytoxicomanie. Je refusais simplement de vivre. Quatre ans de désintoxication graduelle et de diagnostic de séropositivité m'ont permis de comprendre combien j'avais peur de vivre... peur à m'en détruire... peur à en mourir. Il m'a fallu rééquilibrer mon mode de vie pas à pas et me sentir responsable de ma propre santé.

Comment avez-vous réussi à prendre votre santé en main après avoir été héroïnomane et alcoolique pendant plus de dix ans ?

En 1979, à Genève, je suis tombé amoureux d'une femme, que j'ai épousée en 1985. Elle était aussi toxico. Mais nous nous aimions profondément, et nous avions décidé de nous en sortir, de créer quelque chose de beau ensemble. Cinq mois après notre mariage, elle est morte. J'ai cessé immédiatement de me droguer parce que j'avais le sentiment qu'elle me soutenait. Mais, six mois plus tard, j'ai de nouveau craqué, je voulais me suicider. Je me suis procuré de l'héroïne et je me suis administré une overdose... Quand je me suis réveillé à l'hôpital, je pleurais comme un bébé. J'ai pris alors conscience que je ne pouvais pas continuer de me détruire ainsi, que le problème était en moi.

C'était la première fois que vous décidiez vraiment de faire face à votre propre souffrance intérieure...

Oui. En 1986, pour la première fois j'ai accepté d'entreprendre une cure de désintoxication. J'ai fait aussi le test H.I.V. Il était positif. A l'annonce de ce verdict, j'ai rapidement développé les premiers symptômes: bronchite très sévère, diarrhées, céphalées. J'ai guéri, mais je continuais de souffrir de violentes migraines. On m'a hospitalisé de nouveau pour en trouver la cause. Après dix jours d'analyses infructueuses, je suis sorti de l'hôpital pour rencontrer un rebouteux. Il m'a expliqué que mes céphalées provenaient d'un déplacement des vertèbres cervicales consécutif à un « coup du lapin », qui s'ajoutait à mon état de stress permanent. J'ai alors demandé aux médecins de passer une radio. Ils ont confirmé le diagnostic !

Était-ce votre premier contact avec une « médecine douce » ?

Oui, j'ai ainsi compris la part de responsabilité que j'avais dans la quête de ma santé. Pendant cette période, j'ai appris qu'il existait aux Etats-Unis des personnes atteintes du sida depuis plusieurs années et qui restaient en bonne forme. Ils avaient développé un nouveau mode de vie et de pensées. En 1987, j'ai entrepris une psychothérapie et j'ai fait de la sophrologie.

Aviez-vous définitivement arrêté la drogue à cette époque ?

Non. J'étais réellement engagé dans un processus d'amélioration de ma santé, mais je reprenais encore de l'heroïne de temps en temps. C'est en 1989 que j'ai vraiment eu le sentiment de basculer vers la vie. J'avais une petite amie que j'aimais beaucoup, mais qui m'a quitté pour un autre homme. L'annonce de son départ m'a fait entrer dans une violente colère. Je voulais tout casser. Je me suis retrouvé à 5 heures du matin, chez cet homme, avec un marteau à la main ! A cet instant, j'ai eu un éclair de lucidité. Je me suis vu dans cet état de démence. Ce que tu es en train de faire, Mark, me suis-je dit, tu l'as toujours fait... à toi-même... Je suis alors retourné dans une clinique pour cesser définitivement de me droguer et comprendre ce qui, au fond de moi, m'empéchait de vivre.

Comment avez-vous transmuté votre colère intérieure en amour ?

Pendant ma dernière cure, je restais seul de longs après-midi à méditer. Les soignants qui m'entouraient m'exprimaient leur amour, et j'ai enfin compris que c'était moi qui ne m'aimais pas. J'ai saisi l'importance à laisser derrière moi les choses négatives de ma vie et à accueillir les nouvelles. Tout est allé très vite ensuite. J'ai rencontré le Dr Schaller de la fondation Soleil à Genève. « Le sida n'est pas fatal, m'a-t-il dit, la clé de ta guérison est dans la désintoxication globale de ton corps et de ton esprit. » J'ai arrêté de manger de la viande, j'ai découvert l'alimentation vivante et le jeûne. J'ai appris à exprimer mes émotions. J'ai découvert la pensée positive et la visualisation créatrice.

Quel message souhaitez-vous transmettre à tous ceux qui sont atteints d 'une maladie grave, comme le sida ?

Je pense que la santé est un processus dynamique évolutif fondé sur l'harmonie entre les quatre aspects suivants: le physique à travers l'alimentation, I'exercice, la respiration; I'émotionnel en apprenant à identifier, à exprimer et à relâcher ses émotions refoulées; le mental en transformant ses pensées négatives; le spirituel grâce à la détente et à la méditation.

Vous avez baptisé le sida « source intérieure de développement acquis », que voulez-vous exprimer ainsi ?

Pour moi, le sida, c'est peut-être un grand outil de transformation intérieure. Notre société et notre éducation nous ont enseigné à prendre soin de ce qui est à l'extérieur de nous-même, notre profession, nos biens, notre image. Nous apprenons, aujourd'hui, combien il est important de nous préoccuper de œ qui se passe à l'intérieur de nous: s'accepter tel qu'on est, sans se juger, aimer ce qui est en soi, reconnaître ses peurs, oser s'exprimer, prendre chaque jour un moment pour se faire du bien, avoir une alimentation saine, vivre des relations authentiques et chaleureuses, libérer sa tête de tous les détritus. Des êtres se guérissent, d'autres s'éveillent. Nous sommes pas à pas en train de réaliser que nous créons notre propre réalité. En dépassant sa peur de mourir, I'homme dépasse sa peur de vivre et renoue avec son pouvoir authentique.

ENTRETIEN RÉALlSÉ PAR MARTINE KAMOUN

Psychologies, novembre 1992.


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