Le refuznik du VIH


Duesberg, le diable sort de sa bôîte

 

Un dangereux criminel. C'est ainsi qu'une partie de la communauté médicale présente Peter Duesberg. Mais sa thèse sulfureuse sur le sida a le mérite de pointer nos méconnaissances sur le sujet. Et les dangers d'un consensus inébranlable face à cette maladie qu'on ne comprend toujours pas.

En 84, l'année même où le biologiste Robert Gallo et le gouvernement américain annoncent la découverte du virus du sida, Gallo prononce des phrases étrangement prophétiques, lors d'un congrès, pour présenter son collègue et ami Peter Duesberg. Après avoir fait I'éloge de ce chercheur considéré comme un des meilleurs spécialistes mondiaux des rétrovirus, Gallo ajoute: " Il y a , chez lui quelque chose d'aussi important que ses recherches. Peter Duesberg est doué d'un sens critique hors du commun qui nous force souvent à regarder à deux fois, et même à trois fois, des conclusions que beaucoup d'entre nous considéraient comme définitives. Ses critiques posent parfois un problème majeur à ceux qui le connaissent mal. Quand est-il vraiment en train de débattre ? Quand se fait-il plutôt l'avocat du diable ? Et quand est-il le diable lui-même ? " ~

Trois ans plus tard, le diable sort de sa boîte et Peter Duesberg publie dans le journal Cancer Research une thèse à peine croyable: la science aurait fait complètement fausse route, le VIH ne serait qu'un virus inoffensif et en aucun cas l'agent responsable du sida. Très vite, Duesberg perd tous ses crédits de recherche, mais il s'obstine. Aujourd'hui, non seulement son hérésie ne s'est pas résorbée, mais elle a essaimé. Elle est soutenue par d'autres chercheurs, des activistes, des associations de malades, des revues militantes. Aux Etats-Unis, on les appelle les reappraisers, ou HIV-refuseniks, ou dissidents, ou renégats. En France, ils s'intitulent les " repenseurs ".

L'année dernière, au congrès mondial sur le sida, à Durban, en Afrique du Sud, ils ont reçu un coup de chapeau inattendu du président sud-africain, Thabo Mbeki, à tel point que les scientifiques ont menacé de boycotter le congrès si les repenseurs étaient invités. " A une autre époque, on les aurait envoyés au bûcher ", écrit alors Thabo Mbeki dans une lettre à Bill Clinton. Finalement, cinq mille chercheurs signent une sorte de pétition anti-Duesberg, stipulant que la causalité VIH/sida est " claire, exhaustive et sans ambiguïté ".

Sur quoi s'appuie l'argumentation hérétique ? Essentiellement sur des incohérences par rapport aux données classiques de la virologie. Aucun virus ne s'est jamais comporté comme ce que relatent les spécialistes du sida à propos du VIH. Normalement, un microbe qui infecte un organisme jusqu'à provoquer une maladie grave doit proliférer dans le sang ou les tissus infectés et se détecter facilement, tellement les particules virales sont nombreuses. Or, le VIH fait tout le contraire: il est pratiquement indécelable, même chez les sidéens en phase terminale. Donc, soit le virus est présent en très petites quantités dans l'organisme, soit il est tapi dans des cachettes qu'on n'a pas encore découvertes. Mais dans les deux cas, on a du mal à expliquer comment il arrive à provoquer la destruction massive des cellules immunitaires. Il y a d'autres singularités, comme la latence de plusieurs années, le fait que le VIH cultivé en laboratoire sur des Iymphocytes T ne détruise pas ses cellules hôtes, ou les cas de sida atypiques qui se déclarent chez des patients séronégatifs.

Mais alors, pourquoi un tel consensus autour du VIH ? Duesberg incrimine la communauté des spécialistes des rétrovirus qui avaient obtenu des crédits considérables pendant la " guerre contre le cancer " lancée par Richard Nixon en 1972. Leur quête ne donna pas les résultats escomptés et ils se jetèrent sur la piste du sida pour faire oublier leur fiasco et rentabiliser leurs équipements. Il y avait urgence, ainsi que beaucoup d'argent et de prestige en jeu. Ils n'hésitèrent donc pas à donner de sérieux coups de pouce à la méthodologie traditionnelle. Et puis, une fois la machine lancée, avec pour carburant les investissements colossaux des pouvoirs publics et de l'industrie pharmaceutique, plus question de renverser la vapeur.

Pour Duesberg, I'effondrement immunitaire qu'on nomme " sida " n'est pas une maladie infectieuse, mais un syndrome toxique dû surtout à l'usage prolongé des drogues récréatives par les homosexuels comme par les toxicomanes. Dans le cas des hémophiles contaminés, il accuse les transfusions sanguines répétées qui attaquent l'immunité. Quant aux Africains, ils seraient diagnostiqués à tort et à travers et mourraient simplement des maladies habituelles dues à la misère et à la malnutrition. Enfin, parmi les coupables de l'ombre, il y aurait l'AZT et d'autres médicaments très toxiques, censés lutter contre le virus, mais produisant eux-mêmes tous les symptômes typiques du sida.

Agé aujourd'hui de 65 ans, Duesberg est toujours professeur de biologie moléculaire à l'université de Berkeley, en Californie. C'est un homme élégant et mince, inlassable débatteur et beau parleur, avec sa ~3 pointe d'accent allemand (il s'est installé aux Etats-Unis en 1964). Et, à la surprise générale, il n'est plus tout seul. David Rasnick, un biologiste californien, dont les travaux ont permis de mettre au point les nouveaux médicaments à base d'antiprotéases, il donne raison à Duesberg et déclare que ces agents anticancéreux n'auraient jamais dû être administrés aux séropositifs.

Kary Mullis, prix Nobel de chimie en 1993 pour avoir inventé la méthode PCR - la réaction en chaîne par polymérase qui amplifie des traces infimes d'ADN et rend possibles aussi bien les tests génétiques judiciaires que la mesure de la " charge virale " chez les sidéens, proclame que ce dernier test est illusoire et préface plusieurs ouvrages des repenseurs. Enfin, Charles Thomas, un biologiste de Harvard fonde le " Groupe pour le réexamen scientifique de l'hypothèse sida-VIH ", qui rassemble aujourd'hui 600 chercheurs, dont trois prix Nobel.

Les renforts viennent aussi de " laïcs " de la science, comme la journaliste Celia Farber et, surtout, l'activiste Christine Maggiore. Cette Américaine de 45 ans, cadre dans une entreprise de prêt-à-porter, diagnostiquée séropositive en 1992, a toujours refusé tout traitement et ne s'en porte pas plus mal. Elle a même mis au monde un bébé, âgé aujourd'hui de 3 ans, nourri au sein et en bonne santé. Son association, Alive and Well, a reçu le soutien de quelques pop-stars et celui de la section d'Act-Up à San Francsico (la ville la plus touchée par le sida, (avec New York), qui paie désormais des pleines pages de publicité dissidente dans les quotidiens locaux et multiplie les manifestations aux cris de " le VIH est un mensonge, les médicaments tuent ".

En fait, les " survivants à long terme ", des séropositifs qui n'ont jamais développé le sida, supportent de plus en plus mal l'assimilation du diagnostic séropositif à une " sentence de mort ". Ces survivants, il faut bien le constater, restent une énigme pour la médecine.

En tout cas, le succès de l'hérésie signale un malaise tenace dans l'opinion, fait de méfiance envers les autorités et de doute quant à l'impartialité des chercheurs face aux pressions économiques. Il a aussi le mérite de rappeler aux scientifiques, aux médecins, aux malades et à tous les gens concernés qu'il n'est guère temps de se reposer sur ses lauriers, que le sida est tout sauf une maladie clairement comprise, que les thérapies actuelles ne sont pas une panacée et que des recherches novatrices sont plus que jamais nécessaires. Malheureusement, en niant le caractère infectieux du sida, Duesberg et ses partisans invitent à l'abandon du préservatif et du safe sex. Et là, le bât blesse énormément. A San Francisco, le nombre de nouveaux séropositifs après que doublé entre 1997 et 1999. Les hérétiques du sida ne sont pas seuls en cause, mais on ne peut s'empêcher de penser qu'ils y ont contribué. D'où les accusations, chez leurs détracteurs les plus remontés, de " thèses criminelles ", voire de " génocide ".

Peter Duesberg réclame aujourd'hui des crédits pour des recherches en laboratoire qui testeraient ses idées - en soulignant qu'il a déjà essuyé, en une quinzaine d'années, quarante-quatre refus consécutifs. Mais il est sans doute trop tard. Pour beaucoup d'observateurs, Duesberg s'est enfermé dans la même logique qu'il dénonçait chez ses adversaires : il s'est trop investi dans sa croisade pour être capable un jour de reconnaître ses propres failles. Dans le discours de Robert Gallo cité plus haut, on notait aussi ce jugement : " Peter a un surnom, Battling Bulldog. Quand il plante ses crocs quelque part, un an plus tard, ou deux ans, dix ans, vingt ans, il ne lâche jamais prise. "

Les principaux textes des repenseurs en traduction française, ainsi que les liens vers leurs sites anglophones : http://perso.wanadoo.fr/sidasante/

Une réfutation, point par point, des objections de Duesberg, par le principal centre de recherche américain sur le sida : www.niaid.nih.gov/factshects/evidhiv.htm

Article publié en " Science et avenir ", janvier 2002

Dr Etienne de Harven a envoyé le courrier suivant au tribune de lectures de Science et Avenir :

De : "ETIENNE DE HARVEN" pitou.deharven@wanadoo.fr
À : courrier-lecteurs@sciences-et-avenir.com
Objet : Duesberg
Date : Dim 13 jan 2002 16:25

Chers Editeurs du Courrier des Lecteurs,
En référence aux pages 45,46 du numéro de janvier, "Duesberg, le diable sort de sa boîte". J'espère que vous pourrez publier les remarques ci-après dans votre numéro de février.

Cordialement vôtre,
Docteur Etienne de Harven, 06530, Saint Cézaire sur Siagne.

Félicitations pour votre intéressante analyse de Peter Duesberg! Je connais personnellement le Prof. Duesberg depuis de longues années, et je suis très familier du "sulfureux" dossier que vous avez eu le courage d'entrouvrir. Tout ce que vous dites sur "cette maladie qu'on ne comprend toujours pas" est parfaitement exact. Tout, sauf un point que je voudrais corriger au plus tôt. Il est inexact de dire que "Duesberg et ses partisans invitent à l'abandon du préservatif et du safe sex". Aucun "repenseur" n'a jamais dit ni écrit une recommandation pareille qui serait, en effet, dangereusement irresponsable.

Bien au contraire, les "repenseurs" soulignent toujours la nécessité du safe sex, vu son importance dans la lutte contre la contagion des maladies vénériennes classiques ainsi que dans le contrôle des grossesses non souhaitées. Par contre, on pourrait ajouter de nombreux points qui amplifient encore considérablement les "incohérences" du VIH par rapport aux données classiques de la virologie.

Par exemple: 1) Personne n'a jamais réussi à démontrer au microscope électronique la moindre particule rétrovirale dans le sang de malades présentant une prétendue "charge virale" élevée; 2) Les tests de la "séropositivité" ne démontrent pas un processus d'infection virale. Ils démontrent uniquement la présence d'un taux élevé d'anticorps non spécifiques; 3) La mortalité des hémophiles séropositifs a très soudainement augmenté en 1987, c'est-à-dire exactement l'année durant laquelle on a commencé à administrer l'AZT. Simple coïncidence? J'en doute fort...

Oui, "l'énigme pour la médecine" est considérable. Oui, "Les recherches novatrices sont plus que jamais nécessaires". Et vous faites bien de recommander à vos lecteurs de visiter le site Internet perso.wanadoo.fr/sidasante/ (ou, en anglais, www.virusmyth.com) qui les édifiera encore d'avantage sur l'amplitude et l'urgence du problème.

Dr. Etienne de Harven


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