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De quoi mourraient les séropositifs avant la période AZT


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Brume a posé cette question lors de son dernier message. Et effectivement, j'ai l'impression qu'il n'y a pas de topic dédié à ce problème. J'avais du y répondre dans un autre topic cela-dit (ah oui, ici et ici).

Déjà, il faut voir que la population séropositive de l'époque était différente de maintenant. Au départ, il n'y avait pas les tests VIH. Ceux-ci ne sont arrivés que fin 1984. Et au début, ils étaient longs à faire et couteux. Donc, tout le monde n'en bénéficiait pas. Ce qui a fait que pendant disons un an (l'année 1985), la population est restée essentiellement la même. Ca a du être vers 1986 que l'usage des tests a commencé à se répandre et la population concernée commencer à être un peu différente. Or, c'est justement seulement en 1986 que l'AZT a commencé à être donnée aux séropositifs (qui étaient en fait pratiquement tous sidéens, puisque le test était récent et qu'avant on ne pouvait se baser que sur la présence de symptômes pour déclarer une personne contaminée par le VIH). Il est vrai que la date officielle d'introduction de l'AZT est 1987. Mais en fait, on sait maintenant qu'on distribuait l'AZT en cachette aux séropositifs dès 1986.

Donc, durant pratiquement toute la période 1981-1986, on ne pouvait se baser que sur les symptômes pour déclarer une personne sidéenne ou pas. Et vu la maladie décrite, il fallait vraiment que les gens soient mal en point pour qu'on les considère sidéens. Donc logiquement, la population des séropositifs était essentiellement une population de gens drogués, que ce soit des hétéros ou des homos. Et si la communauté homo était particulièrement touchée, c'est parce qu'il y avait une petite partie d'entre eux qui faisait la fête non-stop et qui se droguait énormément. Et, chose très importante, ça concernait une quantité de gens encore très restreinte : quelques milliers de personnes. Donc, il s'agissait des gens les plus mal en point.

Bref, la réalité, c'est qu'entre 1981 et 1986, en se basant seulement sur les symptômes, on n'arrivait à trouver que quelques milliers de cas parmi les populations les plus déglinguées dans les pays occidentaux.

Donc, les gens qui étaient considérés comme sidéens étaient déjà très mal en point physiquement. C'était très souvent des gens très amaigris et déglingués par la drogue ainsi que par les traitements administrés par la médecine pour soigner les divers problèmes de santé que la drogue causait.

C'était donc un jeu d'enfant pour la médecine de les faire passer de vie à trépas rapidement.

Concernant la procédure de mise à mort, voilà comment ça devait se passer.

On donnait de l'interleukine et de l'interféron. Déjà, ça devait permettre d'amaigrir encore plus le malade (qui n'avait évidemment pas besoin de ça). Amaigrissement qui provoquait des problèmes de déshydratation, et donc des problèmes de détresse respiratoire et d'hypotension. Et vu que pratiquement tous étaient drogués aux opiacés, qui provoquent aussi des problèmes d'amaigrissement, d'hypotension et de détresse respiratoire, c'était déjà suffisant pour en envoyer un bon nombre ad-patres.

Ensuite (ou tout de suite), on donnait des antibiotiques à haute dose pour soigner telle ou telle "infection" (par exemple une pneumonie ou une tuberculose ou un Kaposi pulmonaire, ou une infection du système digestif, etc..), ce qui provoquait un amaigrissement encore plus important du malade. Du coup, on pouvait tuer la personne par hypotension extrême. En effet, le corps réagit à la prise d'antibiotique par voie orale en mobilisant du sang et de l'eau dans le ventre. Du coup, il en reste moins pour le reste du corps, ce qui aboutit à une hypotension potentiellement mortelle quand le sujet est très amaigri. Les antibiotiques pouvaient aussi tuer la personne par hémorragie (vu que les antibiotique à haute dose en provoquent).

Et comme on considérait que la personne était au stade terminale, on lui donnait de la morphine à hautes doses pour éviter qu'elle ne souffre. Seulement, la morphine provoque une hypotension importante, diminue fortement la faim, et rend difficile la digestion à cause de l'hypotension (ce qui n'incite pas à manger, donc cercle vicieux). Donc, la personne s'amaigrit encore plus, ce qui cause une hypotension encore plus importante. Et comme la morphine elle-même provoque de l'hypotension (par vasodilatation), une personne déjà fortement amaigrie finit par mourir d'hypotension.

Donc, avant l'AZT, il y avait déjà plein de méthodes tout à fait efficaces pour tuer les malades. La médecine a à sa disposition des tas de drogues qui permettent très facilement de tuer des gens déjà affaiblis. Il suffit d'ajuster la dose.

Ensuite, l'introduction de l'AZT a coïncidé avec une période où la population des séropositif a commencé à changer et à être composée de gens plus en forme. Aux doses utilisées à l'époque, l'AZT devait être plus dangereux que l'interleukine et l'interféron de la période précédente. Et du coup, ça permettait de tuer rapidement, même des gens en bonne santé.

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Bon, je vais mettre la réponse qui était ici. Ca donnera une version courte du truc

Au début, on donnait quand même de l'Interleukine 2 et de l'interféron. En plus, on donnait des antibiotiques en masse, et évidemment, de la morphine. De quoi tuer déjà assez facilement une personne en bonne santé.

Par ailleurs, la population de gens concernés par le sida à l'époque était différente de celle qu'il y a eu après. Là, il s'agissait essentiellement de drogués au dernier degré (qu'ils soient homo "hard fêtards" ou purement drogués). Donc, les mecs traités étaient déjà des loques humaines quand ils commençaient à se faire traiter.

Donc, avec des personnes aussi mal en point, les traitements pré-AZT étaient largement assez dangereux pour tuer en masse.

Vu la population en question, beaucoup n'auraient de toute façon pas survécu, vu ce qu'il infligeaient à leur corps avec la drogue (et ce que leur infligeaient les médecins en les bourrant régulièrement d'antibiotiques).

Par contre, bien sûr, s'ils avaient arrêté de se droguer et qu'ils n'avaient pas subis de traitements anti-sida, la plupart auraient survécu.

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En 2 mots, j'ai de bonnes raisons d'être assez convaincu que des gens parfaitement en bonne santé ont été dépistés dès l'apparition des tests. Puis, à partir de 1986, on leur a fourgué illégalement l'AZT comme drogue préventive des symptômes du "sida". Pour me répéter, l'un de mes amis, qui en a fait les frais, avait eu une hépatite sévère en 1977, et c'est sans doute à des anticorps résiduels de son hépatite que son test à réagi positif. De toutes façons, dans l'hystérie d'inspiration eugéniste ambiante, avec le système des groupes à risques et de l'interrogatoire sur les moeurs, sans doute que les tests pouvaient déjà être plus facilement décrétés positifs pour les membres des populations prioritairement ciblées et "sensibilisées" par la propagande mensongère appropriée. A l'automne 88, après 2 ans d'AZT, il avait développé une tumeur cancéreuse à l'épaule (ou quelque chose de diagnostiqué pour tel), et a reçu une chimiothérapie + rayons ad hoc tenant compte de sa séropositivité, et non une intervention chirurugicale, à cause de la séropositivité. Il est décédé en juin 1988 à la Salpêtrière, dans un service de sidéens, et non de cancéreux, autant que j'ai compris.

Le premier chapitre du livre de Nancy Turner-Banks est en ligne sur son site :

http://www.nancybank...id=60&showall=1

Extraits :

"[...] Azathioprine was used expressly as an immune suppressive drug for organ transplant patients so that they would stay sufficiently immune suppressed to accept a foreign graft without a rejection response. Azathioprine was known to trigger opportunistic infections, Kaposi’s sarcoma, and lymphomas in such transplant patients. These were the same diseases that were presenting in the original cohort of AIDS patients. It was also known from the transplantation literature that these cancers can spontaneously regress and the opportunistic infections improve after cessation of the drug. Since Burroughs Wellcome produced this drug and had access to some of the best chemists on the planet, it is unlikely that they were unaware of the innate nature of this particular class of compounds to produce transplantation AIDS. The literature was solid that azothioprine could cause an acquired immune deficiency syndrome and that the condition was reversible even in very ill organ transplant patients. It certainly was known by the boys and girls at the Centers for Disease Control (CDC) and the National Institutes of Health (NIH) [...]

[...] it must be understood that the medical profession was already inducing AIDS in renal transplant patients as a “side effect” of azothioprine and that immune suppressed patients were not a medical anomaly [...]

[...] The death prognosis was an expression of the limited application of knowable medical information. [...]"

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Oui, à partir du moment où les tests ont été disponibles, on a commencé à déclarer positif des gens en bonne santé. Mais comme les tests n'ont du être disponibles en masse que vers 1986, l'arrivée de séropositifs en bonne santé à coïncidé avec les débuts de l'utilisation de l'AZT. Cela dit, si les tests avaient été disponibles un an plus tôt, ça n'aurait fait que reculer d'un an ou six mois la mise sous AZT des séropositifs en bonne santé. Donc, les premiers séropositifs détectés grâce au test vih auraient été tués par l'AZT de toute façon.

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Voilà la traduction en français de l'extrait que j'ai cité plus haut :

"L'Azathioprine était expressément utilisée comme une drogue immunosuppressive pour les patients des transplantations d'organes, afin qu'ils restent suffisamment immunosupprimés pour accepter une greffe étrangère sans réponse de rejet. L'Azathioprine était connue pour déclencher des infections opportunistes, des sarcomes de kaposi, et des lymphomes, chez de tels patients transplantés.* c'était ces mêmes maladies qui étaient présentes dans la première cohorte des patients du sida.Il était aussi connu par la littérature relative à la transplantation que ces cancers peuvent régresser spontanément et que les infections opportunistes s'améliorent après arrêt de la drogue en question. Comme Burroughs Wellcome produisait cette drogue et avait accès à quelques uns des meilleurs chimistes de la planète, il est improbabable qu'ils n'étaient pas conscients de la capacité native de cette classe particulière de composants chimiques à produire le sida des transplantations. La littérature était solide sur le fait que l'aziothioprine pouvait causer un syndrome de déficience immunitaire acquis et que c'était un état réversible même chez des patients de transplantation d'organes très malades. Cela était certainement connu des gars et des filles des Centres de contrôle des Maladies (CDC) et des Instituts nationaux de la Santé (NIH) [...]

[...] il faut bien comprendre que la profession médicale incluait déjà le sida comme "effet secondaire" de l'aziothioprine dans les transplantations du rein et que les patients immunosupprimés n'étaient pas une anomalie [...]

[...] Les prognostics de mort étaient l'expression d'une application limitée de l'information médicale dont on pouvait avoir connaissance. [...]"

* En france, il y avait eu vers 84-85 sous l'égide de Georgina Dufoix une expérimentation sur 6 sidéens à un stade très avancé de soins avec de la cyclosporine. C'était je crois le médicament le plus utilisé, et plus ou moins bien maîtrisé, en France, en vue d'éviter le rejet des organes transplantés. La thèse était, dans ces cas de sida, qu'il fallait neutraliser une sur-réaction immunitaire. Les 6 patients n'avaient pas survécu plus de quelques jours.

C'est vrai que toutes proportions gardées ça ne change pas fondamentalement la suite, mais quand même, le fait qu'entre l'apparition des tests fin 1984 et fin 19886 où l'AZT a commencé à être administré, il y ait eu un certain nombre de dépistés séropositifs sans symptômes de sida n'est pas tout à fait négligeable. Compte tenu de la "narrative" qui s'était construite et de la publicité faite autour des cas de sida des premières cohortes, c'étaient des sujets entièrement convaincus d'être atteints d'une maladie contagieuse à évolution plus ou moins rapide, mais mortelle au mieux à moyen terme, donc des demandeurs potentiels de toutes les médications éventuellement disponibles, fût-ce à titre purement expérimental et sans la moindre la garantie quant aux risques d'effets négatifs - bref, un réservoir tout trouvé de cobayes du 3 ème type. Je m'explique sur cette dernière image : pour la pèriode de mise en circulation illégale de l'AZT, c'était une transgression à résultats prometteurs de s'en procurer et d'en consommer, et comme les "cibles du marché" avaient depuis longtemps une culture de transgression du fait de leur homosexualité... - même schéma à peu près pour le poppers, sauf qu'il n'était pas illégal et donc renforçait à la fois le goût de la transgression et une illusion de liberté, mais aussi pour les drogues dures et le cannabis qui eux étaient illégaux... au même titre que l'AZT, mais à la différence que les fournisseurs de l'AZT appartenaient au milieu médico-hospitalier, qui n'aura peut-être jamais mieux porté ce nom de "milieu" aus sens particulier du terme.

C'est ce genre de considérations qui éveille tout mon esprit critique, sinon ma profonde indignation, chaque fois que des dissidents anglophones voire autres, y compris Nancy Turner-Banks, parlent comme des perroquets de "Life Style Choice" dès qu'ils évoquent les gays de cette époque là et ce qui leur est arrivé.

Modifié par Jardinier
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C'est ce genre de considérations qui éveille tout mon esprit critique, sinon ma profonde indignation, chaque fois que des dissidents anglophones voire autres, y compris Nancy Turner-Banks, parlent comme des perroquets de "Life Style Choice" dès qu'ils évoquent les gays de cette époque là et ce qui leur est arrivé.

Oui, mais on sait que les anglo-saxons ont tendance à raisonner à travers le prisme de l'individualisme méthodologique (et de la morale protestante). Alors qu'en Europe, le holisme (la vision globale, ou plus précisément la vision des choses considérant les grands ensembles et leur influence sur l'individu. Donc, le fait de considérer que le comportement des gens est influencé par leur milieu) a plus voix de citer. Ca n'est pas la même culture. En plus, toi, en tant que sociologue (si j'ai bien compris), tu baignes dans l'approche holiste. Alors que les dissidents anglo-saxons (et même les autres) ne sont pas formés à ce genre de façon de penser. Ils analysent les choses en partie au travers du prisme de l'approche dominante dans les pays anglophones (donc, l'individualisme méthodologique), et en partie via leur approche personnelle du monde, tout ça de façon inconsciente.

Donc, tant qu'à faire la démarche de comprendre le comportement des gays de l'époque, il faut aussi faire celle de comprendre l'univers mental des anglo-saxons dissidents. Sinon, c'est un peu deux poids deux mesures. On ne peut pas dédouaner en partie les gays et dans le même temps s'indigner contre la façon de penser des dissidents anglo-saxons.

Je crois qu'il faudrait plutôt discuter avec eux pour leur faire voir la valeur de ton approche des choses. Cela dit, ça n'est pas évident. Parce que l'approche de l'individualisme méthodologique a une forte cohérence, et certaines forces. Ce sont en plus des approches qui influent sur les façons d'appréhender les choses en matière politique (exemple, 1) le chômeur est responsable de son sort et 2) le chômeur est une victime de l'évolution de l'économie, de la société, etc...). Donc, les deux types d'approches se heurtent.

Mais bon, tout ça nous éloigne fortement du problème de la cause des morts avant l'ère AZT.

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Mon petit paragraphe de conclusion fait état d'un ressenti personnel si l'on veut. Il se termine par une attaque très vive à l'encontre d'un des tics de langage des dissidents anglo-saxons qui a peu été relevé pour ce qu'il était. En termes plus savants, un tel tic de langage (Life Style Choice) s'appelle un syntagme figé. En d'autres termes, il s'agit d'une formulation récurrente que l'on retrouve telle quelle dans un grand nombre d'énoncés dont on peut constater la présence dans une quantité de productions discursives relatives à des ensemble de thématiques plus ou moins identiques. Et ce n'est nullement par hasard que j'ai parlé de "perroquets", parce qu'en terme savants, la récurrence des syntagmes figés porte parfois un nom précis décrivant une forme de pathologie du langage, ou du moins une déficience caractéristique repérable au niveau de la performance linguistique : le psittacisme.

Je croyais que depuis le temps tu avais compris, Aixur, que je tentais de développer quelque chose qui passait prioritairement par la linguistique en tant que base pour un travail relevant de la sémiologie et de l'analyse discursive. Donc, pour te répondre clairement sur un point, non, je ne suis en aucun cas sociologue, et ma démarche relative au sida et à la dissidence se situe plutôt dans une perspective de critique des sciences dites sociales, qu'elles soient anglo-saxonnes/américaines ou françaises/européennes. C'est Econoclaste, par ailleurs économiste, qui a introduit une référence très appuyée à la sociologie (celle des sciences entre autres), ce dans une optique sensiblement différente de la mienne, même si nous pouvons parfois nous trouver en convergence sur tel ou tel point dans la complexité de nos raisonnements et de nos intentions discursives respectives. A l'occasion d'un échange avec Econoclaste sur ce forum, j'ai d'ailleurs mis en ligne une copie d'un article que j'ai publié autrefois dans une revue fondée par des gens de la faculté de mathématiques de Bordeaux sur un ouvrage de Patrick Tort, La raison classificatoire, qui entre autres pose les bases d'un théorie des complexes discursifs (TCD), et explique de manière très détaillée en quoi le darwinisme social tel qu'il a émergé des travaux de Charles Spencer est un dérivé idéologique de la théorie de l'évolution. C'est sur cette page, dans mon post du 4 novembre 2011, 10 h 14 : http://www.sidasante...oi/page__st__80

Entre parenthèses : j'ai essayé de retrouver le post où j'ai inséré cette copie de mon article par tous les moyens possibles, et je me suis rendu compte qu'on n'a plus accès à une archive complète, ni des messages postés par chacun des membres du forum, ni des sujets qu'ils ont créé. Désormais, seul les messages postés et les sujets créés les plus récents sont accessibles par une recherche dans l'archive de chacun des membres. De même, l'outil de recherche générale ne fournit a priori que des résultats très incomplets ou nuls. C'est bien gênant...

C'est la première fois que j'entends parler de "l'individualisme méthodologique". Le raccourci n'est pas inintéressant, mais cette formule est-elle une création ex nihilo de ta part, ou bien d'où la tiens-tu ? Quant au holisme qui selon toi caractériserait les sciences sociales européennes, je dirais que pour le moins c'est beaucoup plus compliqué que ça, et que l'horizon des responsabilités individuelles n'en est jamais totalement exclu, loin de là. Il y a effectivement d'énormes différences culturelles de fait entre les USA et l'Europe, mais il y a aussi une tradition d'intenses échanges qui n'a cessé de perdurer entre eux. Pour ne citer qu'un exemple, voir les liens historiques de fait entre l'Ecole de Francfort et l'Université de Berkeley. Mais en effet, l'audience de certains philosophes, penseurs et savants européens aux Etats Unis a souvent donné lieu à des réinterprétations ad hoc qui tendaient à infléchir dans certaines directions sociopolitiques l'apport de ceux-ci, parfois sans nul doute au détriment de la portée potentielle de leur oeuvre, ou du moins de certains de leurs aspects. Dans les années 1970, Michel Serres et d'autres faisaient remarquer, assez justement je pense, que les Europpéens étaient un peu aux Américains ce qu'avaient été les Grecs à la civilisation latine constituée en empire englobant du précédent empire grec...

Ensuite, je ne comprends pas bien ta logique quand tu écris : "On ne peut pas dédouaner en partie les gays et dans le même temps s'indigner contre la façon de penser des dissidents anglo-saxons." Ce que j'essayais d'expliquer, c'est que "Life Style Choice" sous-entend le plus souvent "Free Life Style Choice", alorsqu'en fait, "free" ou pas, il y a des explications éludées qui montreraient facilemnt qu'il s'agissait et s'agit de styles de vie induits autant que choisis, et que les dissidents américains et autres semblent souvent parler comme s'ils n'en tenaient pas compte et/ou comme si ils n'y avaient pas pensé. Pour un mien commentaire à chaud en anglais, voici comment j'ai annoté un passage du 1er chapitre du bouquin de Nancy Turner-Banks : "The development of opportunistic diseases and of Kaposi’s sarcoma was a predictable consequence of chronic and irresponsible use of nitroso and other immune suppressing drugs combined with a lifestyle choice" [No! It was not actualy a free choice, neither even a choce, but a partly induced way of life, through behaviourist and repressive methods engineered by “social sciences” (in fact biosocial “sciences”), which conceptual bases were deeply related to a social-darwinist ideology and to a specific instrumentalization of the freudian discoveries].

Dans la petite tentative de démonstration de mon post ci-dessus, qui me semblait d'une grande clarté explicative, j'ai parlé de transgression et même de "culture de la transgression", ce qui n'est pas neutre et que je regrette un peu. On pourrait peut-être parler aussi de culture de la dissidence, ou de culure dissidente par rapport aux représentations et aux normes sociales comme option sinon inévitable, du moins logique. Mais pour ma part, je dédouane totalement une immense majorité des populations gay-lesbiennes, hétérosexuelles, blanches, noires, etc., qui auraient pu faire l'économie d'une durée de vie considérablement écourtée comme de toutes sortes de séquelles biophysiologiques et psycho-sociales dramatiques.

Après tout, on a pu voir avec l'affaire Lambros Papantoniou qu'il y avait bien dans le vih et le sida quelque chose comme une possible dimension assumée d'arme plus ou moins conventionnelle, puisqu'en dernier ressort les autorités qui couvraient Gallo dans cet épisode à composantes fortement paranoïaques auraient invoqué le secret défense.

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Juste des remarques ou des clarifications très secondaires par rapport au sujet de départ.

L'individualisme méthodologique est une méthode très utilisée en sciences sociales, que ce soit en économie (microéconomie) ou en sociologie, où la notion fut introduite par Max Weber. Elle repose fondamentalement sur l'atomisme logique et l'analyse de la prise de décision de l'agent. Je ne sais pas si on peut dire que l'individualisme méthodologique est dominant dans les pays anglo-saxons au niveau académique : c'est évidemment vrai en économie mais ça l'est pour tous les pays, en revanche en sociologie il y a de nombreuses écoles anglo-saxonnes qu'on ne peut véritablement classées comme telle. D'ailleurs, Bourdieu a été plutôt bien accueilli dans les pays anglo-saxons. Quoiqu'il en soit, il faut différencier tout de même le point de vue académique de la pensée "spontanée" des acteurs. Les sociétés modernes et capitalistes produisent structurellement une représentation de l'individu comme maître de ses propres choix, que ce soit en France ou aux Etats-Unis. Alors c'est probablement plus vrai aux Etats-Unis qui se définit comme patrie de la liberté et de l'initiative individuelle (aussi bien au niveau du discours, des structures économiques et juridiques) que la France, où on considère en effet que l'individu ne précède pas la société et que ce sont les lois qui font les hommes. De même les mythes originels sont différents : d'un côté le mythe de la frontière et de colons qui produisent dans une nouvelle terre vierge de civilisation (bien sûr, ce n'était pas le cas puisqu'il y avait tous les peuples amérindiens...) vs le mythe d'un peuple qui se révolte et transforme collectivement/politiquement les institutions du passé.

Donc sur l'histoire du "Life style choice" : évidemment que les modes de vie ne sont pas libres. Ils ne le sont jamais et ne le seront jamais d'un strict point de vue ontologique. En effet, toute action est déterminée par quelque chose et l'individu est façonné par une myriade de causes sociales, psychologiques, biologiques ou autres. Donc j'ai tendance à dire que ce que nous appelons choix n'est rien d'autre que l'action résultante de causes qui ont façonné notre décision, notre manière de penser et notre désir. Donc il n'y a jamais de choix. Ce que nous appelons choix libre n'est rien d'autre que l'ignorance des causes qui animent notre désir et nos affects et l'absence d'exercice de la contrainte de la coercition pour réaliser un désir (en gros la défense de notre liberté juridique). Les modes de vie sont liées à l'habitus, son contexte social, de l'appartenance de classe, communautaire, des contraintes économiques... Que l'on puisse acquérir des pathologies du fait de certaines de nos pratiques ne fait à mon avis pas débat : nous pouvons tomber malade ou nous blesser par notre travail, nos loisirs. Se droguer est bien une pratique, qui s'inscrit dans un mode de vie. Le débat ne porte donc pas sur "life style disease" à mon avis, mais bien sur "choice".

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Oui, mais c'est difficile de tout résumer en quelques mots sans se contredire un peu tant la question complexe du libre arbitre relève de la philosophie. S'il y attribution d'une valeur à la décision selon divers critères et modalités, s'il y a des manières différentes de penser, c'est qu'il y a des processus de conceptualisation rendant posible une reconnaissance commune de la pensée et de la culture en tant que faits réels et efficients par/pour l'ensemble des sujets de l'ontologie. Et s'il y a désir, c'est qu'il y a fondamentalement des formes d'affranchissement du besoin inhérentes à ce que Michel Serres appelle l'hominiscence. A partir de là, tout peut dépendre, à quelque stade que ce soit de l'histoire de l'humanité, d'un véritable choix politique et dans les conduites entre les bénéfices de la spéculation sur l'ignorance (spéculation consistant en la réduction du sacré à "la part maudite", en quelque sorte), et les bénéfices principiels de la défense éclairée des possibilités de progrès de la connaissance (second choix qui dans les faits, une fois les enjeux bien analysés, peut s'avérer assez rigoureusement incompatible avec les lignes de force et les conséquences pratiques d'une option très en vogue ici et là actuellement, celle du cognitivisme et de toutes ses hypothèques néo-darwinistes).

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