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forum sidasante

Si le bien, c’est le « bios »...


Jardinier
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*/ La disparition des hyliques !!?

Avec le principe hylique, Démiurge organisa le monde matériel

L’Eon de ce monde matériel est Satan,

Sans doute que, parce qu'il est diffus partout, il ne soit voit plus !

Cet organigramme est issu du livre « Pensées humaines-Pensées cosmiques » de Steiner, ou tout cela est expliqué .

Puisque tu le soulignes, j'en profite pour préciser, que lorsque je parle de l'amour de soi, ici et ailleurs, il ne s'agit évidement, nullement de l'égoïsme .

L'égoïsme n'a rien à voir avec aucun amour . Il se rattache plutôt à une forme de peur, une peur atavique qui appartient plutôt au monde « animal » et qui, transféré au stade humain, devient cette chose qui participe à l'inhumanisme sans scrupule .

Cet amour de soi, est une autre façon de parler de l'autonomie de conscience . Ce qui sous entend une confiance en soi que l'on offre au monde .

*/ Avec plaisir Kill élisa .

J'espère effectivement, que tout ceci inspire des méditations fructueuses à nos amis, notamment à ceux qui font des «  prises de sang ».

Quand à cette des-intégration de SA nature, l'homme est là au sommet de son orgueil auquel il donne forme sous l'aspect de la complexité . Peut importe la vérité, pourvu que cela soit très compliqué et incompréhensible et que l'orgueil puisse pavaner au sommet de son inaccessibilité .

Le sida et son « irrésolvabilité » chronique, en est l'œuvre colossale et monstrueuse !

Bien à vous

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  • 2 weeks later...
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A la suite d'une demande d'enquête émanant de l'orthodoxie du sida, l'Université de Berkeley vient de conclure que la publication d'un article dans Medical Hypotheses par Peter Duesberg ne constitue pas une violation de sa part du code de conduite de la faculté :

Peter Dusberg_Medical Hypotheses_Berkeley

Sheldon Zedeck, vice-provost pour les affaires académiques, a écrit à P. Duesberg : "Votre droit à publier et diffuser vos vues est protégé par le parapluie de la liberté académique."

Modifié par Jardinier
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  • 4 weeks later...

FONDATION BETTENCOURT-SCHULLER ET SIDA :

Ici, pour comprendre un peu comment ça marche.

(voir en particulier la rubrique "ORVACS", et les autres à titre... épistémologique)

__________________________________

Et aussi, pour mieux comprendre diverses questions d'organigramme et autres concernant l'histoire franco-française du sida et de la santé publique, voir Le Monde de vendredi 23 juillet, page 3, articles de Marie-Pierre Subtil, en ligne sur l'édition abonnés ou dans la version papier.

__________________________________

ET POUR LES HISPANISTES, UNE SYNTHESE ASSEZ DECAPANTE SUR LE THEME "POUVOIR, SANTE ET MALADIES" :

El Rapto de Hygea, Mecanismos de poder en el terreno de la salud y la enfermedad

(plus spécialement sur le sida, pages 225 à 311)

Modifié par Jardinier
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A très juste titre, Brume me fait remarquer dans son dernier post dans le fil "20 minutes" l'existence d'une

FONDATION SCIENCES CITOYENNES

Je recommande ausi, bien sûr, le blog PHARMACRITIQUE, qui comporte dans une colonne à droite de la page d'ouverture du site 3 liens vers des rubriques concernant les conflits d'intérêt.

J'appelle tous les responsables, membres et visiteurs du forum à étudier attentivement les aspects politico-juridiques, en vue d'une éventuelle action commune, du conflit d'intérêt entre Gilead Science et l'organisation d'origine suédoise-britannique Health Consumer PowerHouse, auteur d'une enquête de référence sur le sida dans les Etats de l'Union européenne publiée en 2009. (voir à ce sujet mon fil HAS-HCP-Gilead Science)

Amitiés

Modifié par Jardinier
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Réduction des populations, suite : Pour ne rien dire des camps de stérilisation en zones rurales en Inde, etc., qui en disent très long sur la détermination et le peu d'embarras des reponsables à l'oeuvre sur ce plan là et de leurs exécutants.

La vérité ? C'est entre autres qu'il y a eu un très long conflit politique de tartuffes à fleurets mouchetés entre l'élite eugéniste/malthusienne anglo-saxonne et le Vatican, conflit qui dure encore.

La plupart des mouvements anti-avortement que nous connaissons vus de France sont d'obédience passablement chrétienne et parfois sinon souvent "intégriste" - ils sont dogmatistes par rapport à la religion. Mais il y a aussi des antiracistes afro-américains aux Etats-Unis qui élèvent des protestations contre le réseau privé Familial Planning Parenthood, quelque chose comme ça, assez spécialisé dans la contraception et la stérilisation des populations féminines noires.

En gros, 2 poids, 2 mesures : une des tendances euro-américaines profondes est d'utiliser les moyens du Contrôle de la Population... en les modulant proportionnellement à l'européanité raciale des populations.

Bien sûr, là où le noeud des contradictions apparentes et de l'illisibilité de la réalité se compliquent, c'est par exemple dans le fait que les chrétiens croyants, pratiquants et engagés ont nettement tendance à vouloir proscrire l'homosexualité, en la taxant de maladie, etc. - soit au fond en la taxant d'obstacle à la réalisation de l'adage prescriptif biblico-christique : "croissez et multipliez"... Donc, les chrétiens en question, pour peu qu'en plus on les pousse au crime comme l'a fait Health Consumer PowerHouse, seront dans l'ensemble plutôt anti-avortement, mais plutôt pro-sida, le sida fût-il au fond un moyen de réduction des populations.

Dans cette logique, le sida dans les pays riches et en Afrique... Contrôle social ou contrôle des populations ? Principe de la guerre de l'opium ? Iatrogénocide délibéré ? Autre chose ? Autre chose et aussi un peu de tout ça ?

Au fond, en prenant la métaphore du négatif photographique pour affiner le regard qu'on peut y porter, le sida tend aussi, bel et bien, à limiter - et les "déviances", - et la liberté sexuelle en général, - et la mixité raciale (Dans les 3 cas de figure à l'encontre notamment du droit à disposer librement de son corps). Ce qui peut se comprendre à plusieurs niveaux, à commencer par celui de l'inconscient culturel et social. La composition de la nation et de la société américaines, qui ont atteint le niveau de puissance que l'on sait, repose, en dépit de son racisme natif, sur le métissage (le melting pot), d'où sans doute quelque part, de la part des uns et des autres, désirs, voire nécessités en termes de conceptualisation para-consciente, de limiter à des échelles diverses le métissage à des fins ambigües : conservation d'un monopole de la puissance, peur de l'inconnu, sinon de la disparition de soi, face à une généralisation possible du métissage en dehors des Etats-Unis et de diverses structures politico-sociales de contrôle en place ici et là - frontières, barrières socio-économiques, apartheids à l'occasion -, etc.

Il n'empêche que le dispositif du sida tend aussi, de toute façon et de surcroît, à opérer un rapt du binôme santé-maladie au profit d'une biocratie, ou plutôt peut-être d'une technobiocratie. Ce qui n'est en aucun cas acceptable.

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  • 7 months later...

Je voulais signaler dans ce fil la parution d'une revue de sémiologie sur La Langue des Idéologies qui de manière générale peut permettre une utile mise en perspective critique - soit une autre compréhension - de l'historique du sida... et de la Dissidence du sida :

Le numéro 30 de la revue Semen est paru. Il porte sur "Les langages de l'idéologie. Etudes pluridisciplinaires".

Tous les articles sont consultables et téléchargeables ici : Semen.org.

Semen. Revue de sémio-linguistique des textes et discours

(Besançon, Presses Universitaires de Franche-Comté)

numéro 30

novembre 2010

coordonné par Céline Lambert et Philippe Schepens

Présentation :

"L'analyse du discours, avant même de supposer des méthodologies

linguistiques, se rallie au projet de philosophie critique dont les

Lumières ont été les premiers artisans, et que Canguilhem, Foucault et

quelques autres ont renouvelé si brillamment. Dans ce cadre, nous qui

nous revendiquons de cette discipline, ne pouvons qu'être

particulièrement sensibles aux discours, aux manoeuvres, aux dévoiements

qui construisent certaines strates de la vie politique d'aujourd'hui.

Nous avons voulu faire coup double : remettre sur le métier l'examen du

concept d'idéologie ; analyser des éléments sectoriels de l'idéologie

(néo)libérale tels qu'ils se déploient dans le contexte tendu des

affrontements sociaux d'aujourd'hui.

"[...] On espère avoir fait surgir /le point d'arrêt/ que la notion a subi dans

la reformulation tentée par Althusser et les voies d'un dépassement et

d'une reprise possible et opératoire en analyse du discours de la

notion, notamment à partir du point de vue phénoménologique, développée

d'abord par Ricoeur puis par le penseur allemand : Axel Honneth, ainsi

que la multi-compositionnalité de la notion."

"L'originalité de ce travail réside dans le choix pluridisciplinaire fait initialement : on y trouvera

- la relecture de travaux issus de la philosophie politique (Ricoeur et Honneth, par Ph. Schepens),

- les contributions

- d'un sociologue : A. Bihr (Lasa, UFC) sur l'idéologie néo-libérale,

- d'un psychanalyste : R. Gori, (Marseille) initiateur de

l'Appel des appels (entretien avec Ph. Schepens),

- d'une historienne : C. Blandin (Céditec et Centre d'histoire de Sciences Po, Paris) sur

l'idéologie familialiste de la droite),

- d'une spécialiste en sciences

politiques : Corinne Gobin, (FNRS, Bruxelles) sur la langue de bois et

la langue de coton pratiquées par le personnel politique de l'Europe,

- et de plusieurs linguistes : Th. Herman (CRLTAD, Lausanne), sur la

rhétorique d'extrême droite en Suisse, dans la votation sur les

minarets, A. Rabatel (ICARE, Lyon), sur les modes de dissolution de la

critique politique dans la peopolisation du rapport au pouvoir, F.

Dufour, (Praxiling, Montpellier) sur le fonctionnement de divers

formules qui ont cours dans la saisie méprisante des processus

politiques africains, C. Lambert (Laseldi, UFC), à propos de

l'utilisation polémique et anti-sociale du discours nationaliste des

grands éditorialistes)."

En particulier peut-être, dans l'optique dissidente, on pourra lire utilement l'entretien du directeur du numéro, Philippe Schepens, avec Roland Gori, le psychanalyste iniateur en 2008 de L'Appel des Appels .

Je me permets de reproduire l'intégralité de cet entretien ici :

Les dispositifs de réification de l’humain

(entretien avec Philippe Schepens)

Roland Gori

Philippe Schepens : Dans ce numéro de Semen, nous avons souhaité revenir sur le concept d’idéologie, interroger notamment les lieux de création des doctrines idéologiques et les canaux de circulation du discours de la droite, réfléchir aussi aux aliénations que sa présence et son action entraînent. Nous avons souhaité le faire en interrogeant des chercheurs issus de plusieurs disciplines, visant ainsi non tant une définition précise qui comblerait une lacune dans les sciences politiques, qu’une réflexion ouverte sur ce qu’on nomme ici « Novlangue », là « propagande », là « fausse conscience », « tromperie », « mensonge » ou « supercherie intellectuelle », interrogeant ainsi les activités langagières qui, dans la sphère socio-politique actuelle, nous laissent dépossédés de nous-même ou d’une part de nous-même.

Roland Gori, vous êtes psychanalyste et vous êtes aussi un homme profondément engagé dans les combats sociopolitiques de votre temps, ou au moins dans certains combats qui se déroulent dans la Cité. Ainsi en 2005, pour ne prendre qu’un exemple, vous m’avez demandé de partager l’un d’eux : il s’agissait de faire barrage à une tentative scientiste 1, la publication d’un rapport de l’Inserm qui visait rien moins que l’évaluation des psychothérapies ; dans celui-ci, les auteurs soutenaient la thèse selon laquelle la psychanalyse était une psychothérapie, une psychothérapie comme une autre, et qui justifiait dès lors d’une comparaison avec les autres psychothérapies, notamment comportementalistes ; le second temps de la thèse consistait à montrer qu’elle était finalement moins efficace que celles-ci, sans trop se soucier par ailleurs d’une méthodologie même simplement de bonne foi. Vous avez mobilisé beaucoup de monde autour de vous à cette occasion 2, et je pense que cet épisode a au moins eu le mérite de rediscuter à neuf les bases les plus fondamentales du rapport qui lie analysant et analyste dans le dispositif de parole qui autorise l’exploration de l’inconscient. Le travail et l’engagement organisé en réplique à cette entreprise frauduleuse a finalement réussi à y faire échec, l’Inserm ayant même dû retirer cet honteux rapport de son site.

Aujourd’hui, vous êtes à nouveau à la pointe d’un engagement proprement politique : vous êtes l’un des initiateurs de L’Appel des appels (décembre 2008), pétition qui a rencontré l’adhésion de centaines de milliers de consciences, et qui continue à représenter un pôle de mobilisation et de réflexion socio-politique extrêmement vivant et fécond 3. Mais à vrai dire, vous n’avez jamais cessé de travailler et d’écrire, notamment dans la lignée de Michel Foucault, pour dénoncer les formes contemporaines d’imposture et d’assujettissements. Les titres de quelques uns de vos ouvrages suffiront à le faire entendre : L’empire des coachs. Une nouvelle forme de contrôle social (avec Pierre Le Coz) 4, La santé totalitaire. Essai sur la médicalisation de l’existence 5 (avec Marie-José Del Volgo), Le consentement, droit nouveau ou imposture 6, (ouvrage collectif que vous avez dirigé avec Jean-Paul Caverni), ou récemment encore, et avec Marie-José Del Volgo, Exilés de l’intime. La médecine et la psychiatrie au service du nouvel ordre économique 7.Votre activité éditoriale se préoccupe aussi beaucoup de clinique psychanalytique 8, mais ça insiste tant du côté du combat qu’on pourrait se demander si, pour vous, ce n’est pas l’exercice même de la psychanalyse qui relève d’un engagement permanent de cet ordre, un peu comme si on parlait de révolution permanente ?

Accepteriez-vous de retrouver ce qui a été gagné sur l’indistinction par l’activité de pensée et d’écriture que vous avez mené ces dernières années, activité souvent collective d’ailleurs ; et quand je dis « gagné sur l’indistinction », j’ai le sentiment à la fois d’être au cœur du sujet que Semen essaie de traiter, et à la fois proche de votre démarche. Est-ce le cas ?

Roland Gori : Si j’ai bien compris votre question, il y a effectivement pour moi une véritable unité entre ma pratique psychanalytique, l’interrogation épistémologique et théorique qu’elle suscite et l’engagement socio-politique qui en découle. L’unité de ces engagements ne m’est apparue qu’après-coup. Elle s’est révélée fondée par la conviction intime que le « sujet historique » fabriqué par la psychanalyse se trouvait inséparable de certaines formes de démocratie qui reconnaissent à la mémoire et à la parole leur pleine et entière valeur, fondements d’un monde humain que nous aurions en partage, en commun et dont l’espace public aurait à prendre soin. Ce sujet historique existe malgré, avec et contre le flux incessant des évènements qui frappent sa conscience mais ne s’inscrivent dans sa mémoire comme histoire qu’à la suite d’un travail particulier, psychique autant que social, bref symbolique 9. Dés lors la haine ou le mépris que la psychanalyse suscite aujourd’hui proviendrait moins de ses limites thérapeutiques ou épistémologiques, qui existent et qu’il importe de connaître bien sûr, que des conditions sociales, politiques et culturelles de notre civilisation, de ses dispositifs de subjectivation, de la manière dont ils fabriquent ce que Michel Foucault nomme « un sujet éthique ».

L’unité de ces engagements provient aussi d’une autre conviction tout aussi intime, acquise par plusieurs décennies de pratiques thérapeutiques : la manière dont une culture accueille et traite la vulnérabilité, symbole d’une « humanité dans l’homme », conditionne culturellement les formes du lien social, autant que du savoir 10. Je ne crois pas à l’Immaculée Conception des Savoirs. Ils émergent de la « niche écologique » d’une culture qu’ils participent en retour à recoder. La manière de soigner comme celle d’informer, de juger, d’éduquer, de faire de la recherche, révèle la substance éthique d’une civilisation, la hiérarchie de ses valeurs, son horizon philosophique, c’est-à-dire politique. Parviendra-t-on encore à soigner demain, à faire de la politique, à enseigner, à juger, à chercher, à informer ?

La manière de penser le singulier et le collectif dans une civilisation n’est pas sans conséquences morales, politiques et psychologiques. Cette manière de penser le sujet singulier dans notre culture comme une simple copie, un exemplaire de la série, un segment de population à laquelle statistiquement il appartient, se trouve profondément liée aux processus d’industrialisation qui affectent non seulement les rapports sociaux de production mais plus encore tous les secteurs de l’existence sociale : santé, éducation, information, culture, justice, recherche, travail social, relations sociales, etc. Nous avons montré avec l’Appel des appels que la souffrance au travail aujourd’hui émerge chez des professionnels qui concevaient jusque là leurs pratiques selon le modèle de l’artisan, médecins, psychologues, juges, artistes, enseignants, journalistes, travailleurs sociaux, etc. 11 Professionnels qui se trouvent brutalement mis en demeure de recomposer leurs pratiques sur la base des valeurs de la production industrielle des services qu’ils rendent. Cette recomposition des champs 12 opère sous la double injonction idéologique et politique d’une rationalisation économique et d’une rationalité technico-administrative, modélisées par la pensée statistique. Cette manière de penser le sujet singulier autant que collectif est constituée de pied en cap, dans sa nature et sa fonction, par nos pratiques sociales qui permettent notamment au pouvoir politique de gouverner et de faire des choix idéologiques sans les avouer comme tels en les justifiant au moyen de la rationalité statistique, comme une administration objective et scientifique du vivant. Le sujet n’est plus alors que l’élément exemplaire d’une loi des grands nombres, un effet de cette notion hybride économico-morale de « populations 13 » qui le fait apparaître comme une unité numérique et disparaître en tant qu’être concret, irréductible à toute typologie, à toute force égalisatrice des nombres et à toute poussée homogénéisante des normes. Le sujet se trouve alors réduit par l’instrumentalisme qui n’est pas seulement l’application pratique d’une manière de penser l’humain mais devient la forme et l’essence même de toute pensée, de toute pensée « calculante », à des années-lumière de ce que Bourdieu nommait la « pensée pensante ».

La « tarification à l’activité » qui recompose l’ensembles des pratiques professionnelles ne procède pas seulement d’une rationalité économique ou technique, elle est devenue le moyen par lequel le Pouvoir politique institue la matrice permanente d’une « servitude volontaire »14 au moyen des « expertises ». L’expertise se trouve promue opérateur d’un nouveau paradigme de civilisation, d’une nouvelle morale positive et curative, et produit des mutations sociales et culturelles profondes, comparables à celles que le concept d’« intérêt » avait su produire dès le XVIIe siècle dans l’art de gouverner. C’est une étape supplémentaire dans la « mathématisation » du monde conduisant à laisser aux « spécialistes de la résolution des problèmes », spécialistes issus de l’univers de l’économie expérimentale et de la théorie des jeux 15, « scribes » privilégiés des « expertises » le soin de « décider » à notre place. Non sans devoir laisser aux médias le soin de convaincre les individus de se soumettre librement à cette manière de voir le monde comme un ensemble de situations-problèmes à résoudre.

C’est de ce « rationalisme morbide » dont procèdent nos idéologies et les pratiques actuelles qu’elles légitiment 16. De ce fait, lorsque nous adoptons les valeurs et les critères des « spécialistes de la solution des problèmes » pour penser le monde et notre existence à partir de leur calcul et si cette transmutation des valeurs s’avère inappropriée à notre vie, ce n’est pas seulement tel ou tel problème qui demeure sans solutions, mais c’est bien le monde comme notre existence que nous risquons de perdre. Ce que les analyses d’Hannah Arendt ont montré à partir des « documents du Pentagone » qui rendaient compte de la manière dont aux États-unis la guerre du Vietnam avait été préparée, à partir des scénarios des spécialistes de résolution de problèmes et de leurs ordinateurs. Ce n’est pas seulement la Guerre que ces experts ont perdu, mais c’est aussi le monde, notre monde, auquel ils avaient substitué un monde virtuel, perdant au passage le goût de la vérité, du jugement et de la responsabilité pour leur substituer cet art du mensonge, au centre des rhétoriques de propagande, de communication et de marketing politiques, culturels et sociaux.

Cette perte de la substance éthique, sociale et psychologique de nos sociétés de masse et des modes de gouvernement politique qui les contrôlent et les normalisent, constitue sans nul doute le grand défi de la démocratie à laquelle ces mêmes sociétés prétendent. Ce sujet singulier et collectif, ce « pluriel des singuliers » dont parle Hannah Arendt, dès lors qu’il passe à la trappe de l’individualisme et de la massification – deux versants du même phénomène – se trouve recouvert, aliéné, ou au moins falsifié par une vision du monde qui en l’objectivant le façonne comme une marchandise et un spectacle, spectacle où la marchandise se contemple elle-même dans la consommation des illusions collectives qu’elle produit.

Donc m’intéressant à la pragmatique comment aurais-je pu ne pas me préoccuper des dispositifs de subjectivation qui oeuvrent dans la culture et participent aux enveloppes formelles des symptômes au nom desquelles les patients viennent nous consulter ?

Philippe Schepens : Je crois savoir que vous occupez, en tant que psychanalyste et parmi les psychanalystes, une place un peu à part, du fait de l’attention que vous portez de manière effective à la matérialité de la parole, ce qui d’ailleurs vous rend plus qu’un autre attentif aux travaux actuels des linguistes. En effet, je crois pouvoir dire que la plupart de vos confrères préfèrent se cantonner à la « linguisterie » lacanienne, dans la refonte qu’elle opère des travaux saussuriens et jacobsonniens. C’est, bien sûr, déjà considérable. Cependant, en dehors de votre attention au tournant pragmatique de la linguistique, c’est à l’archéologie des discours tentée par Foucault que vous reliez votre travail. Quelques-uns dont je suis appellent cela l’analyse du discours, et tentent d’en formuler les arrière-plans et les méthodologies. Vous le reliez également au projet de philosophie critique de l’École de Francfort. Voudriez-vous préciser la pensée qui est la vôtre à cet égard, votre rapport avec ces éléments que j’évoque intentionnellement de manière un peu vague ?

Roland Gori : Depuis près de 40 ans, j’ai dans mes travaux divers et variés essayé d’ancrer la théorisation de mes pratiques dans le cadre d’un matérialisme discursif qui rappelle que nous n’avons que la parole et le langage pour dire le monde et agir sur lui. L’évidence des faits ne mérite pas qu’on les néglige. Vous vous souvenez sans doute des débats que nous avions eus à propos de l’interprétation des rêves quand j’affirmais que pour le psychanalyste, elle procédait de jeux de paroles et de langage et qu’à ce titre « le rêve n’existe pas »17.

Je demeure adossé à cet opérationalisme méthodologique qui veut que les faits dont une pratique et une science peuvent rendre compte, sont davantage créés par une méthode que révélés ou découverts par elle. À distance de toute prétention transcendantale, la psychanalyse ne peut rendre compte que de ce qu’elle prend dans son dispositif et que d’une certaine façon elle fabrique. La psychanalyse est pour moi la mise en acte d’une méthode dans une pratique où la fonction symbolique joue un rôle essentiel. Je me méfie de la notion de « causalité psychique » qui ouvre tôt ou tard la porte à cette idéologisation du discours psychanalytique qui a fait beaucoup de dégâts. C’est la raison pour laquelle j’ai essayé de savoir à quelles conditions, la psychanalyse risquait de se dégrader en conception du monde, en idéologie et en rhétorique d’influence. Par exemple, j’ai essayé de montrer comment dans l’histoire du mouvement psychanalytique Freud et ses disciples ont été « roussis au feu du transfert », transfert que les conditions particulières de la méthode produisent. Ces relations passionnelles naissent de l’usage particulier que la psychanalyse fait du langage et de la parole, de leur pouvoir de révélation et de leur fonction symbolique. Pouvoir et fonction que les sciences actuelles tentent de récuser en « naturalisant » l’humain et en destituant la « preuve par la parole »18. À partir de là, vous comprendrez aisément comment nous nous sommes intéressés, avec Marie-José Del Volgo, à la manière dont dans nos sociétés la médicalisation de l’existence accouplée à un langage de plus en plus économique risquait de conduire à un gouvernement de plus en plus totalitaire des individus et des populations. C’est-à-dire comment par le langage et dans le langage, la médicalisation de l’existence recodait le sujet éthique et le lien social, pour conduire à une administration scientifique et technique du vivant au sein de laquelle des dispositifs de servitude volontaire conduisaient à une soumission sociale librement consentie. La santé devient un enjeu éthique et politique essentiel dans nos démocraties et le langage pour la saisir et l’instrumentaliser révèle une forme particulière de civilisation.

La santé a d’autant plus préoccupé les différents systèmes de gouvernements politiques que ces systèmes ont dû répondre à la nécessité de rationalisation du corps et du temps des individus. Je quitte ici la théorie de Georges Canguilhem pour en venir à celle de Michel Foucault. Dans le cadre de la nécessité d’une rationalisation des conduites, et en particulier de l’utilisation du corps et du temps, à des fins d’accroissement de productivité et de performance, on a requis la médecine et les sciences du vivant, du bien être en général, à devoir répondre à cette réquisition politique des pratiques professionnelles de santé. Donc, c’est historiquement daté. Les exigences de rationalisation des conduites afférentes à l’esprit capitaliste et l’éthique protestante, selon Max Weber 19, se sont accrues. Rationaliser notre vie quotidienne au nom de la science est un mode de pensée occidental. Le XIXe siècle est le siècle majeur de l’industrialisation normative des comportements. Ce ne sont pas seulement les industries qui « se sont fabriquées » avec des agencements normatifs, c’est l’ensemble de la société. On pourrait presque dire, je prends ici un risque de provocation à l’égard des sociologues, que la sociologie est le concept qui se déduit de cette massification. C’est au moment où se délite le lien social qu’apparaît le spectre de la sociologie afférant, bien évidemment, à l’organisation, à la mise en place des manufactures et des productions industrielles. Alors, les sciences du vivant se trouvent invitées, en quelque sorte, à conceptualiser, à réguler – en tant que pratiques sociales et pas uniquement en tant que rationalité scientifique – cette normalisation des individus et des populations. À partir du moment où c’est au nom de la science que l’on peut imposer des normes – c’est-à-dire des exigences à des existences pour ne pas quitter la pensée de Canguilhem, puisque c’est sa définition – au nom de la science, de la raison, il est d’autant plus difficile de contester ces exigences et d’ouvrir un débat politique. Au début du XXIe siècle, le drame est le totalitarisme qui s’installe au nom des sciences et qui fait que rien n’est débattu puisque c’est scientifique... Revenons au XIXe siècle, Michel Foucault montre que la France a normalisé ses canons et ses professeurs, que l’Allemagne a normalisé ses médecins. C’est le siècle qui installe les dispositifs de normalisation. D’ailleurs, je n’emploierai pas le terme de « norme » : la norme est en effet seconde par rapport au dispositif de normalisation qui la produit. Il est aussi intéressant de noter qu’au niveau linguistique, le terme de norme est peu utilisé dans le sens qui est le nôtre jusqu’au XIXe siècle. Bien sûr, on parlera de norme, dans le sens latin norma, l’équerre, ou de norme grammaticale, etc. Mais l’extension linguistique se fait vraiment au XIXe siècle. Cette extension est le reflet de ce qui – socialement et psychologiquement – se met en place. Aujourd’hui, on ne parle plus de norme, mais d’anomalie ou de « trouble » ou encore de « vulnérabilité ». On ne peut pas détacher la manière de se penser sujet et celle dont le sujet se fabrique. C’est une des raisons pour lesquelles la « santé mentale » actuelle constitue l’acte de décès de la psychiatrie : il n’y a plus exigence d’une psychopathologie authentique pour pratiquer, comprendre le sens et l’histoire des symptômes, le vécu du patient, l’importance de ses idiosyncrasies, de son style ; l’hygiénisme du corps social suffit : repérer les individus appartenant statistiquement à des populations à risques, suivre leur trajectoires et les coacher toutes leurs vies, si nécessaire par des méthodes rééducatives ou chimiques. Politiquement parlant c’est aussi le retour aux « classes dangereuses », mais avec en prime une « naturalisation » des déviances grâce à la neurobiologie et à la génétique des comportements. On ne peut pas rêver mieux pour cette nouvelle forme de darwinisme social qui disculpe la société de la part qui est la sienne dans l’émergences des déviances : les compétences affectives, sociales, comportementales sont prédéterminées par des « vulnérabilités génétiques » qui, activées ou inhibées par des facteurs « environnementaux » (on ne parle plus d’Autre ou de Politique !), produisent des dysfonctionnements neuro-cognitifs à l’origine des « troubles » de toutes sortes !

Comment ne pas s’intéresser aux langages et aux dispositifs qui fabriquent les savoirs dominants autant que l’opinion à laquelle on demande par la mise en spectacle des « expertises » d’adhérer à ce qui contribue à les asservir ?

Philippe Schepens : Dans la rédaction que vous avez faite de L’Appel des appels, j’ai été frappé par le fait que vous utilisiez à plusieurs reprises le mot idéologie. Pendant un temps, j’ai pensé que vous ne l’utilisiez pas de manière pleinement notionnel, mais plutôt pour caractériser l’imposture intellectuelle, le dessein stratégique qui se tapit à l’arrière-plan de telle mesure juridique, de tel discours de méfiance, ou même dans la conjoncture la plus récente, de tel discours de ségrégation et de haine, tel qu’il vient du plus haut sommet de l’État. J’ai pensé que pour un psychanalyste, ce qui est idéologique, c’est tout ce qui vient recouvrir l’humain d’inhumain. Cependant lorsque j’ai lu votre ouvrage Exilés de l’intime, j’en suis venu à modifier ce jugement et je crois maintenant que vous explorez la fabrique du discours médical et psychiatrique comme la fabrique même d’un naturalisme triomphant et d’un discours de pouvoir, et en cela pleinement idéologique, au sens le plus marxiste que le terme recèle. J’aimerais qu’on y revienne plus loin, mais en attendant, y a-t-il une anthropologie psychanalytique à partir de laquelle il devient possible d’apercevoir les recouvrements de l’humain auxquels ce naturalisme conduit ? Y a-t-il une Ratio, issue de la clinique psychanalytique, qui permette de renouveler aujourd’hui le combat des Lumières ?

Roland Gori : L’idéologie est pour moi une forme de discours, de savoir et de dispositif qui assure une prescription sociale au nom d’une description prétendument scientifique ou du moins objective de la réalité. Elle s’incarne dans le matérialisme des pratiques sans lesquelles elle ne serait qu’une abstraction en quête de croyance !

Aujourd’hui il y a un renouveau des idéologies « totalitaires » qui fabriquent cette « fiction anthropologique » d’un « homme neuro-économique » : individu stratège, froid calculateur, cynique, intériorisant les normes du marché et régulant sa conduite comme dans un jeu d’économie expérimentale, s’instrumentalisant lui-même et autrui pour optimaliser ses parts de jouissance. Compétences émotionnelles et sociales prédéterminées génétiquement mais améliorables par l’apprentissage. Cette fiction actuelle au croisement des sciences économiques et des neurosciences assure la liquidation du sujet tragique construit par la psychanalyse et la philosophie politique, sujet divisé en conflit avec lui-même et les autres, ordonnateur de son propre destin par le récit et l’histoire.

Ces idéologies néolibérales qui recomposent aujourd’hui nos savoirs et nos pratiques, dont la souffrance au travail est le symptôme, tendent depuis une trentaine d’années à devenir totalitaires en recodant l’ensemble des champs de nos existences avec le langage de l’économie (Gary Becker) et des théories de l’information. Quand je dis « totalitaire », c’est à la suite des travaux comme ceux de Hannah Arendt et Theodor W. Adorno qui ont montré que les germes des États totalitaires se déduisaient de la condition de l’homme moderne dans sa prétention à organiser rationnellement le monde, c’est-à-dire que rien n’échappe à la raison.

Dans mon dernier ouvrage 20 notamment, je forme l’espoir que cette « humanité dans l’homme » est cela même dont la psychanalyse pourrait être le nom aujourd’hui, à condition sans doute que les psychanalystes ne cèdent pas trop aux sirènes de notre époque et à la tentation sans cesse renouvelée de se transformer en idéologie ou en religion. Dans une société où règne la tyrannie de la norme, faire de la psychanalyse le site de résistance du singulier, du contingent, du hasard et de l’inattendu aux dispositifs de chosification de l’humain peut surprendre. Mais c’est cette thèse que je soutiens.

Philippe Schepens : Revenons à cet ouvrage écrit avec Marie-José Del Volgo, Exilés de l’intime. Vous interrogez de manière très acérée une série de concepts que le discours médical et psychiatrique charrie. Parmi ceux qui vous mobilisent, celui de « consentement ». Pour ma part, je n’avais effectivement jamais entendu, jusqu’au moment de vous lire, ce que ce terme comportait d’équivoque. Sur quel mode sommes-nous « éclairés », et à quoi donc est-ce que nous consentons, lorsque nous remettons notre corps entre les mains de la médecine d’aujourd’hui, ou simplement lorsque nous consentons à l’ensemble de plus en plus étendu de ses prescriptions et de ses représentations ? Vous décrivez une sphère de discours et de pratiques dont l’importance n’a cessé de croître, et qui se renforce compte tenu de la légitimité acquise grâce aux succès thérapeutiques des 50 dernières années et grâce au lien organique qu’elle a tissé avec le pouvoir politique. Vous soulignez la naissance d’un empire législatif structuré par un nouvel hygiénisme qui encadre, « coache », surveille, norme, vise une « rationalisation des moeurs », construit l’addiction à la performance, et finalement même en vient à produire des politiques de dépistage qui sont en fait des ségrégations aussi précoces que féroces des gens fragiles. Vous montrez que faute d’apercevoir ce consentement au naturalisme, nous risquons finalement de nous représenter nous-même comme animal, comme « exemplaire de l’espèce », hypostase de la pensée scientifique de Mengele. Mais ce sur quoi vous insistez particulièrement, c’est sur la reconfiguration de notre rapport à nous-même que cette idéologie et ces pratiques parviennent à tisser insidieusement (vous utilisez même les termes de « mutation anthropologique », de « désymbolisation du monde »). Cette reconfiguration naturaliste, attestée et étayée par les nouveaux discours bio-scientifiques que vous identifiez nettement 21, y compris dans leur convergence conceptuelle, tend à nous faire adhérer à une représentation de nous-même comme organisme biologique autonome, comme cerveau ne calculant dans ses rapports à autrui que des gains et des pertes, comme « entrepreneur de soi-même ». Pourriez-vous, pour les lecteurs de Semen, revenir sur ce que ce naturalisme à l’œuvre recompose en nous, et que le psychanalyste est peut-être plus particulièrement en position de nommer ?

Roland Gori : Nous sommes aujourd’hui dans une société du spectacle et de la marchandise dont nos dispositifs de subjectivation ne sauraient rester indemnes. J’évoque, et après Bourdieu, dans mon dernier ouvrage ce pouvoir invisible et anonyme de la télévision qui manipule d’autant mieux son public et ses journalistes qu’ils en sont inconscients, qu’ils en intériorisent les normes en usage et finissent par penser comme on le leur demande. Comme on le leur demande, c’est-à-dire selon une logique de marché mise en œuvre par les prescriptions de l’audimat. Ce faisant, si aux dires d’Hegel l’époque moderne se caractérise par le fait que la lecture quotidienne du journal a remplacé la prière du matin, on mesure l’impact de la télévision et de ses annexes sur l’opinion. Dans une civilisation où les jeunes français passent plus de temps avec ces « industries de programmes 22 » qu’avec leurs parents, on peut légitimement s’inquiéter du rôle et de la fonction de ce dispositif de transmission culturelle dans la formation des esprits. On sait par exemple que la télé reste allumée en moyenne 5H30 par jour dans les foyers français, que les enfants de 11-14 ans passaient en 2008 en France en moyenne 2 H par jour devant la télévision 23. Si la télévision tend à occuper une place essentielle dans les systèmes de transmission, le rapport privilégié qu’elle entretient à l’urgence, au scoop et aux nouvelles, heurte frontalement les exigences de la tradition et de la mémoire. Or comme le remarquait déjà Alexis De Tocqueville « le passé n’éclairant plus l’avenir, l’esprit marche dans les ténèbres. » C’est donc la formation même des esprits qui se trouve mise en question par cette « corruption structurelle », comme écrivait Bourdieu 24, de la télévision comme canal privilégié de communication, organisé par le court terme des scoops et des nouvelles dont le flux incessant objecte à la « pensée pensante ».

Cette civilisation de l’opinion heurte structurellement le travail de la culture en exigeant du sujet singulier autant que collectif des formes de temporalité propres à l’urgence des « nouvelles » nouvelles, à la structure de leur message et au mode d’attention qu’elles requièrent. Nous sommes ici en contrepoint de la temporalité de la pensée réfléchie ou du rêve, qui nécessite un temps d’après coup pour incuber l’actualité dans une mémoire qui transforme les événements en histoire. Que devient le « sujet historique » dans une civilisation du court terme, où l’individu est soumis à des flux incessants d’informations et de nouvelles ? Alors même que les informations exigent pour prendre sens et trouver une valeur d’être triées, sélectionnées, unifiées, mises en récit, inscrites dans une histoire. Pour qu’un événement fasse histoire il faut qu’il « dure », qu’il « dure » dans une mémoire collective autant qu’individuelle, structurée par des traces, des archives, des souvenirs, des réminiscences et des objets matériels autant que symboliques. Que l’on puisse se rappeler de quelque chose sans en avoir le souvenir, c’est ce dont témoigne l’expérience psychanalytique avec ses concepts de transfert, de répétition et d’inconscient. C’est ce qui fait d’ailleurs de la psychanalyse une création analogue à la rencontre amoureuse telle qu’André Breton l’évoque au moment où il écrit : « C’est comme si je m’étais perdu et qu’on vint tout à coup me donner de mes nouvelles ».

Cette mémoire qui fait histoire, c’est aussi celle que Marx découvre avec le matérialisme historique en coordonnant les croyances et les idéologies aux conditions sociales de l’existence et à leurs métamorphoses. Chacune à leur manière, la psychanalyse, la sociologie marxiste, les connaissances historiques et les humanités heurtent frontalement les « valeurs » de notre civilisation qui prônent la culture du potentiel, la rentabilité du court terme, la flexibilité des expériences, l’idéalisation des instants et des évènements, la liquidité des relations et le speed dating avec les œuvres et les partenaires. Dans mon dernier ouvrage je vois dans le succès des livres de Michel Onfray un de ses symptômes propres au « pétainisme culturel » de notre temps, retour d’une révolution conservatrice toute « grosse » des valeurs néo-libérales de potentiel, de concurrence, de liquidité, d’immanence et de cynisme, « animal » écrivait Nietzsche, dans lesquels se consume le sujet en consommant ses expériences vitales !

Philippe Schepens : Je voudrais finir cet entretien en vous interrogeant sur la vague tragique de suicides qui ont eu lieu récemment à France Telecom, et à la manière dont ils ont été saisis dans le terme de « stress », stress au travail. C’est un concept curieux, à mi-chemin du biologique et du social. Ce concept évoque-t-il pour vous, et là encore, une dépossession naturaliste ?

Roland Gori : Le « stress » c’est ce qui reste d’une civilisation qui a oublié le caractère tragique de l’existence au profit de la fuite éperdue dans l’instant, la mort au profit du « semblant », l’Autre au profit de l’« environnement », le sujet singulier et collectif au profit de l’individu et des communautés, la subjectivité du travailleur au profit de la « victime » (de la souffrance au travail), le citoyen au profit du consommateur et de ses droits… Bref c’est un cache-misère d’une pensée qui a perdu ses dimensions politiques, intersubjectives, historiques. Une notion-fétiche pour ne pas reconnaître tout ce que notre civilisation désavoue de la dette que chacun a vis à vis de l’Autre et de l’Histoire, en somme du réel qu’elles bordent. Mais c’est une autre histoire…

26-28 septembre 2010

Notes

1 . … et aussi bien misérable : il s’agissait bel et bien de récupérer une clientèle qui, en France, a plutôt tendance à faire confiance aux psychanalystes.

2 . « Soigner, enseigner, évaluer ? », Cliniques méditerranéennes N° 71, 2005, Éditions Erès.

3 . L’une de ses réalisations, c’est l’édition d’un ouvrage collectif : L’appel des appels. Pour une insurrection des consciences, sous la direction de Roland Gori, Barbara Cassin, Christian Laval, 2009, Paris, Mille et une nuits.

4 . Albin Michel, 2006.

5 . Denoël, 2005.

6 . In Press, 2005.

7 . Denoël, 2008.

8 . Par exemple La preuve par la parole. Sur la causalité en psychanalyse, PUF, 1996, rééd. 2001 et Erès, 2008, ou encore Logique des passions, Denoël, 2002, Flammarion, 2005.

9 . Cf. De quoi la psychanalyse est-elle le nom ? Démocratie et subjectivité, Denoël, Paris, 2010.

10 . Les formes de savoir sont indissociables des formes de pouvoir mises en œuvre comme pratiques sociales et construction d’un monde commun.

11 . Roland Gori, Barbara Cassin, Christian Laval (sous la dir.), L’Appel des appels. Pour une insurrection des consciences, Paris, Mille et une nuits, 2009.

12 . Au sens de Bourdieu. Cf. Pierre Bourdieu, Le sens pratique, Paris, Minuit, 1980 et Pierre Bourdieu, Les structures sociales de l’économie, Paris, Seuil, 2000.

13 . Michel Foucault, Sécurité, territoire, population, Cours au Collège de France. 1977-1978, Paris, Seuil, 2004 ; Michel Foucault, Naissance de la biopolitique Cours au Collège de France. 1978-1979, Paris, Gallimard, 2004.

14 . Roland Gori, « De l’extension sociale de la norme à l’inservitude volontaire », in : Gori R., Cassin B., Laval Ch., (sous la dir. de), 2009, op. cit., p. 265-278.

15 . Roland Gori, Marie-José Del Volgo, 2008, op. cit.

16 . Cf. « De quoi la psychanalyse est-elle le nom ? », op.cit.

17 . Cf. Le N° 15 du Bloc Note de la psychanalyse, 1997-1998, et en dialogue avec Roland Gori, le texte de Philippe Schepens dans le Bloc-Note de la psychanalyse N° 16, 1998-1999 : « En réponse à Roland Gori : le rêve comme interdiscursivité au travail », et « Réponse de Roland Gori aux commentaires de Philippe Schepens ».

18 . Roland Gori, La preuve par la parole, PUF, 1996.

19 . Max Weber, L’Éthique du protestantisme et l’esprit du capitalisme, Paris, Gallimard, 2003.

20 . Roland Gori, De quoi la psychanalyse est-elle le nom ? Démocratie et subjectivité, Paris, Denoël, 2010.

21 . Vous citez notamment le conjointement des concepts de comportement, d’interaction et d’information, qui se retrouvent en cybernétique, et l’extension métaphorique à une cybernétique sociale. Vous citez également les travaux de Gary Becker, sociologue et économiste, qui reconstruit une sociologie en pure termes économiques ; la radicalisation de la théorie des jeux, dans les travaux d’Axelrod, pour modéliser les situations et les rapports humains en termes de stratégies égoïstes, les travaux de Kosfeld, neurobiologiste, ou ceux de Kahneman, psychologue et économiste, et finalement les programmes de recherche en neuro-économie, neuro-finance, neuro-marketing, économie comportementale, qui sont fortement subventionnés dans un nombre croissant d’universités, pour ne citer que quelques aspects saillants de vos travaux.

22 . Bernard Stiegler, La télécratie contre la démocratie, Paris, Flammarion, 2006.

23 . Aux USA les enfants passent en moyenne 4-5H par jour devant la télévision.

24 . Pierre Bourdieu, 1996, op. cit.

Pour citer cet article

Référence électronique

Roland Gori, « Les dispositifs de réification de l’humain », Semen [En ligne] , 30 | 2011 , mis en ligne le 01 janvier 2011, consulté le 08 mars 2011. URL : http://semen.revues.org/8970

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  • 7 months later...

L'EPISTEMOLOGIE DU PARI... et la suite

(Toujours ce fichu rasoir d'Ockham !)

LE STYLE ÉPISTÉMOLOGIQUE DE LOUIS HJELMSLEV

http://www.revue-texto.net/Inedits/Inedits.html

Ivan ALMEIDA

Université d'Aarhus

SOMMAIRE

1. L'épistémologie du pari

2. Le pari de la forme

3. Le pari de l'immanence

4. La suite du pari

Ouvrage fondateur en linguistique, Prolégomènes à une théorie du langage, de Hjelmslev est sans aucun doute révolutionnaire sur le plan de l'épistémologie pure. Et c'est sur cet aspect que je voudrais centrer mon étude. Mon projet est d'aborder quelques aspects essentiels du style épistémologique de Hjelmslev.

Discourir du style épistémologique ce n'est pas rechercher certaines constantes de la rhétorique langagière d'un texte scientifique. C'est mettre en relief les principes non-thématisés mais mis à l'oeuvre qui guident la pratique scientifique en tant que travail. En d'autres termes, et suivant l'acception que Gilles-Gaston Granger a donnée à la stylistique en épistémologie, il s'agit de rechercher les conditions les plus générales de l'insertion des structures dans la pratique individuée. L'essence donc, de la notion de style est la mise en oeuvre du général dans le particulier.

Cette notion ne coïncide pas avec la terminologie interne de Hjelmslev lui-même, qui adopte l'acception classique de style en tant que connotateur. Elle s'approche, en revanche, en la transposant sur un plan conceptuel, de la notion hjelmslevienne d' « accent » : un sens d'expression apporté par des conditions fonctionnelles d'origine individuelle.

Le style épistémologique de Hjelmslev est particulièrement décisif en tant que prise de position par rapport aux deux problèmes fondamentaux que pose la constitution de sciences à objet signifiant telles que la linguistique.

Le premier de ces problèmes concerne les rapports entre le formalisme et le sens, et peut se résumer par le désormais célèbre paradoxe de Thom : tout ce qui est rigoureux est insignifiant.

Le deuxième problème concerne les rapports entre immanence et exhaustivité et est à peu près l'application au domaine de la signification du théorème de Gödel selon lequel dans tout système il faut choisir entre cohérence et complétude.

Le style épistémologique de Hjelmslev s'avère profondément révolutionnaire dans le traitement de ces deux problèmes.

Avant d'essayer de décrire sa position, je voudrais appliquer à ma propre démarche le principe de simplicité, si essentiel à la méthode de Hjelmslev, en cherchant le plus petit commun dénominateur des caractéristiques inventoriées. Ce plus petit commun dénominateur du style de Hjelmslev peut se résumer dans la notion de pari.

1. L'épistémologie du pari

La caractéristique commune des épistémologies modernes au sujet de ces deux problèmes peut se résumer à un principe que l'on pourrait appeler le principe de renoncement, et qui dirait, globalement, que l'on ne peut jamais tenir tout à la fois. Si l'on choisit la rigueur, on doit sacrifier une partie de la signifiance et vice-versa. Si l'on choisit la cohérence on doit sacrifier la complétude, et vice-versa.

Le style d'une telle épistémologie est devenu, tout naturellement, celui de l'epokhé , de la mise entre parenthèses, soit sous forme d'abstraction, soit sous forme d'Ausschaltung, d'écartement. Or, une mise entre parenthèses n'est possible que sur la base d'une reconnaissance préalable de ce qu'on exclut. Et cela au risque de retenir à l'intérieur de la parenthèse, sous forme de différents types de contamination, la mémoire du domaine exclu.

Dans le cas des sciences de la signification, le résultat de cette option sera que pour choisir la forme on commence par définir le sens, et pour choisir l'immanence on commence par circonscrire la transcendance. Ainsi, Saussure délimite le champ de l'immanence linguistique par l'Ausschaltung d'un territoire de transcendance qu'il relègue à d'autres sciences. Ainsi, Greimas propose des catégories formelles qu'il obtient, en fait, par abstraction du langage objet, et qui restent fortement sémantisées, voire mimétiques par rapport au sens qu'elles décrivent.

Au contraire le principe du pari, que l'on peut attribuer implicitement au style de Hjelmslev consiste, quant à lui, dans la radicalisation dynamique du principe de renoncement : parier qu'une radicalisation de la rigueur formaliste peut mener à une visualisation du sens, parier qu'une radicalisation de l'immanence peut, par besoin interne, déboucher dans la complétude. En d'autres termes, que le sens est une prolongation de l'horizon du formalisme, et que la transcendance est une conséquence dynamique de l'immanence.

Cela signifie que d'emblée la position de Hjelmslev sera beaucoup plus radicale, précisément parce que plus confiante. Plus radicale, par exemple, par l'évacuation immédiate de la densité de l'objet. Aucune catégorie linguistique, par exemple, ne sera retenue pour faire une description du langage. Ce sera la notion, absolument neutre, de grandeur qui constituera la catégorie de base. Aucune mise entre parenthèses, non plus, d'une quelconque zone de non-pertinence du linguistique pour préserver l'immanence. L'immanence n'est pas l'obtention d'un champ de pertinence par découpage à partir d'un autre champ plus vaste, mais la délimitation de l'applicabilité théorique d'un appareil formel.

En essayant de suivre le parcours d'application du principe du pari aux deux problèmes mentionnés, nous verrons se dégager une autre zone d'applicabilité de ce même principe à la forme même qui régit les Prolégomènes. A la question s'agit-il d'un livre de linguistique, s'agit-il d'un livre d'épistémologie ? on sera autorisé à apporter la réponse suivante, paradoxale mais juste : C'est un véritable livre d'épistémologie parce que ce n'est qu'un livre de linguistique.

2. Le pari de la forme

L'essor de la logique des prédicats de Frege, tout en représentant un immense progrès par rapport à la logique d'Aristote, a contribué a créer un malentendu dont les épistémologies modernes ont du mal à se libérer. Il comporte, en effet, le risque de considérer la forme logique comme une abstraction de la matière linguistique.

La conséquence inévitable de cette option est l'impasse sémantique des sciences de la signification. L'appareillage théorique de Greimas, malgré sa relative fécondité, ne sort pas de cette impasse. Pour lui, le langage contient sa forme comme un fruit contient son noyau. Mais lorsqu'on arrive à obtenir ce noyau par abstraction, à la place d'une forme on retrouve un autre élément du même niveau du langage objet, voire même un élément plus complexe que l'analysé. Un sème n'est alors rien d'autre qu'un exercice d'imagination pour attribuer à un élément lexical le rôle d'une catégorie abstraite.

De ce point de vue, il semblerait injustifié de qualifier la sémiotique greimassienne de néo-hjelmslévienne, car l'option de Hjelmslev, en ce qui concerne le formalisme, se place précisément aux antipodes.

Pour Hjelmslev le langage ne contient rien que du langage. La sémantique n'existe pas. Il n'existe qu'un plan d'expression et un plan de contenu, appliqué à un inventaire. Mais rien ne dit que l'expression doive être nécessairement sonore ni le contenu nécessairement conceptuel. Ces deux niveaux ne sont définis que relationnellement, et ne s'appliquent qu'à tout inventaire qui en est doté. Il n'y a donc rien à abstraire, car il n'y a pas de noyau, pas de sèmes, pas de classèmes, pas de traits pertinents.

Il n'y a, somme toute, qu'un inventaire, et tout se trouve dans l'inventaire.

La notion d'inventaire est précisément celle qui manque aux linguistiques dites post-hjelmsléviennes, et c'est, pourtant, l'élément déterminant du style épistémologique de Hjelmslev. Ce n'est que par une opération de catalyse appliquée à un inventaire donné, que l'on peut arriver à avoir une notion de la langue comme entité virtuelle.

Un inventaire se compose de grandeurs. C'est le terme français pour traduire le danois størrelse , que l'anglais traduit malencontreusement par entity . Les grandeurs entretiennent, à l'intérieur de l'inventaire, une série des rapports. Ces rapports peuvent être in præsentia, c'est-à-dire analytiques, ou in absentia, c'est-à-dire catalytiques. Et c'est de ces rapports que se dégage la forme comme un dessin. Mais aucune grandeur n'entretient des rapports avec autre chose que des grandeurs.

Un exemple nous permettra de saisir l'importance de cette remarque. C'est ce que Hjelmslev appelle l'application du principe de généralisation.

Si, par exemple, l'inventaire établi mécaniquement à un stade donné de la procédure conduit à l'enregistrement des grandeurs de contenu : `taureau', `vache', `homme', `femme', `garçon', `fille', `étalon', `jument', `boeuf', `humain', `enfant', `cheval' `il' et `elle', les grandeurs `taureau', `vache', `homme', `femme', `garçon', `fille', `étalon' et `jument' doivent être éliminés de l'inventaire des éléments, puisqu'on peut les interpréter univoquement comme des unités de relation qui comprennent exclusivement `il' ou `elle' d'une part, et d'autre part, respectivement, `boeuf', `humain', `enfant', `cheval'. (90-91).

Cet exemple, qui fait pendant à un autre exemple sur le plan de l'expression, nous montre l'aspect superflu de catégories sémantiques extérieures à l'inventaire pour rendre compte du plan du contenu. La procédure d'analyse consiste à ramener des inventaires illimités à des inventaires limités et ceux-ci au nombre le plus réduit d'éléments indispensables. Ce qui en résulte, c'est, soit des signes, soit des figures, c'est-à-dire des éléments de signes, mais en aucun cas des abstractions.

Cela mène Hjelmslev à revisiter la plupart des lieux communs de la linguistique et, en l'occurrence, la notion de définition, qu'il conçoit comme une simple division, c'est-à-dire comme une réduction de grandeurs sans changer ni de langue ni de plan :

Par cette réduction de grandeurs du contenu en 'groupes', le contenu d'un signe simple se trouve identique à celui d'une chaîne de contenus de signes qui contractent des relations mutuelles données. Les définitions qui rendent compte des mots dans un dictionnaire unilingue sont en principe de cette nature, bien que les dictionnaires jusqu'ici ne se soient pas donné pour but la réduction ; c'est pourquoi ils n'offrent pas de définitions qui puissent être reprises dans une analyse systématique. Mais ce qui est établi comme équivalent d'une grandeur donnée ainsi réduite, c'est en réalité la définition de cette grandeur, formulée dans la langue et dans le plan même de cette grandeur. Nous ne voyons, sur ce point non plus, aucun obstacle à nous servir de la même terminologie pour les deux plans ; et à employer aussi le terme de définition lorsque l'expression du mot taureau est analysée comme composée de la consonne t , de la voyelle o , de la consonne r et de la voyelle o . Ceci nous amène à la définition de la définition; par définition nous entendons une division soit du contenu d'un signe, soit de l'expression d'un signe (p. 92-93).

On voit que la procédure est presque arithmétique. Lorsqu'il est question de trouver le plus grand commun diviseur d'une série de nombres, le résultat est un nombre. Analyser n'est donc pas changer de niveau et ce n'est nullement innocent si les unités adoptées par la théorie s'appellent des grandeurs :

Le procédé consiste donc pratiquement à analyser les grandeurs qui entrent dans des inventaires illimités en grandeurs qui entrent dans des inventaires limités.[...] Notre tâche consistera donc à poursuivre l'analyse jusqu'à ce que tous les inventaires soient aussi restreints que possible (p. 92).

Analyser et définir sont donc des synonymes. Tout comme, par conséquent, analyse et dictionnaire. Le dictionnaire idéal serait donc un dictionnaire simplement diagrammatique, dans lequel les relations entre les grandeurs ne serait que signalée, voire dessinée.

Et c'est là un trait essentiel du style des Prolégomènes. La théorie y a été planifiée comme un grand dictionnaire diagrammatique, où rien n'est démontré, rien n'est défini dans le sens traditionnel du terme, mais où tout est montré, comme un geste se montre en se dessinant. Voilà, la forme c'est la disposition de l'inventaire. Elle se montre.

Hjelmslev donne d'ailleurs la raison interne de cet auto-étalement de la forme. Lorsqu'il fait la distinction entre processus et système, il prévoit des cas où un même ensemble peut être considéré soit comme processus, soit comme système, selon le point de vue d'approche. Il donne pour exemple la théorie :

La théorie en est un exemple : on peut considérer la hiérarchie des définitions comme un processus où est énoncée, écrite ou lue une définition, puis une autre, et ainsi de suite, ou bien comme un système qui potentiellement sous-tend un processus possible. Il y a détermination entre les définitions puisque celles qui doivent en précéder d'autres sont présupposées par celles qui les suivent mais que la réciproque n'est pas vraie. Si la hiérarchie des définitions est vue comme un processus, il y a sélection entre les définitions; si au contraire on la considère comme un système, il y a entre elles spécification (p. 39).

Le caractère révolutionnaire de cette conception de la théorie saute aux yeux. En tant qu'étalement d'une forme, la théorie du langage ne peut être que le système lui-même, linéarisé. La théorie propose des définitions, c'est-à-dire des divisions, et non pas des gloses ou des démonstrations. Elle n'a du texte que le strict nécessaire pour temporaliser les hiérarchies. Elle ne peut donc se justifier que par elle-même.

C'est à partir de là qu'on peut mesurer l'originalité du style épistémologique de Hjelmslev en relation au formalisme. Le paradoxe de Thom, il l'érigera en pari. Pari pour la rigueur, sans mention de la signifiance. La rigueur s'oppose à la signifiance seulement lorsque la rigueur est imaginée comme une abstraction d'une signifiance déjà acceptée. Ici, en revanche, on ne présuppose pas la signifiance. On ne présuppose que la fonction sémiotique, qui n'est que le rapport, non thématisé, entre une expression et un contenu. La forme n'apparaît pas, par conséquent, comme une abstraction mais comme une division . Et on ne peut diviser que des grandeurs. Voilà pourquoi la théorie linguistique n'a pas besoin d'axiomes ni de postulats. Car son point de départ est un inventaire et sa façon de définir, une division :

Cette manière de procéder par définitions à outrance semble devoir contribuer à libérer la théorie du langage d'axiomes spécifiques. Il nous semble que, dans toute science, l'introduction d'une stratégie appropriée de définitions permet de restreindre le nombre d'axiomes et parfois même de le réduire à zéro. Une tentative sérieuse d'éliminer les prémisses implicites conduit à remplacer les postulats soit par des définitions, soit par des propositions conditionnelles posées théoriquement qui font disparaître les postulats en tant que tels. Il semble que dans la plupart des cas, les postulats purement existentiels puissent être remplacés par des théorèmes de forme conditionnelle. (p. 34)

Une conséquence de cette attitude sera le souci de Hjelmslev de reprendre ab ovo toute la terminologie linguistique, pour éviter d'y introduire une sémantisation procédant de postulats nullement nécessaires. Il refuse ainsi, par exemple, de reprendre la classification des voyelles à partir de leur position dans la bouche, et propose en échange une autre classification à partir de leur position dans le mot, car celui-ci est un élément interne à l'inventaire.

On peut dire, par conséquent, que pour Hjelmslev il n'y a pas de langage formel. La forme, pour lui, ne se lit pas, elle est une forme de lire qui coïncide avec ce que Hjelmslev lui même appelle l'algèbre immanente (102) d'un inventaire donné.

On peut résumer cette option par la belle formule de Wittgenstein dans son Tractatus : J'exprime l'égalité des objets par l'égalité des signes et non au moyen d'un signe d'égalité.

Voici comment, à partir de cette position épistémologique, on peut considérer le problème du sens. Le sens peut être considéré comme immanent à la linguistique et aussi comme extérieur. À l'intérieur de la linguistique, le sens est une grandeur indéfinissable qui permet les différences et la traductibilité entre les langues. En tant que tel, il apparaît plus comme point de fuite que comme objet, et il change de forme dans chaque actualisation sémiotique : Le sens devient chaque fois substance d'une forme nouvelle et n'a d'autre existence possible que d'être substance d'une forme quelconque. (70)

D'autre part - et c'est là la conception extrinsèque du sens - si le sens est de nature référentielle, il appartient au domaine de la physique ; s'il est intentionnel, il appartient au domaine de l'anthropologie (100). Mais la linguistique ne peut pas reconnaître ce type de sens, car c'est en cela que, selon Hjelmslev, elle se distingue des autres sciences. Qu'est-ce donc que la physique sinon la science du sens du langage physique, sans s'occuper de sa forme ?

Hjelmslev conçoit ainsi une division simple des sciences en deux classes, ayant comme point de référence le langage : il y aurait, d'une part, les sciences référentielles (leur objet est le sens de leur langage) et, d'autre part, la science formelle qui est la linguistique.

De ce point de vue, on doit conclure que, tout comme les autres disciplines scientifiques peuvent et doivent analyser le sens linguistique sans prendre la forme linguistique en considération, la linguistique peut et doit analyser la forme linguistique sans se préoccuper du sens qui s'y rattache dans les deux plans. (p.101)

Selon cette conception, une linguistique qui s'occuperait également du sens, coïnciderait avec le savoir universel. Mais cela n'est qu'une vision utopique, car chaque science, à son niveau, n'est que formelle, si bien que, aussi loin que l'on pousse les niveaux de référence, on constatera toujours qu'il n'existe pas de formation universelle, mais un principe universel de formation. (98).

Autrement dit, une fois que l'on considère l'intérieur du système des sciences référentielles, ce qui vu depuis la linguistique apparaissait en elles comme sens s'évanouit à son tour, comme un nouveau type de forme propre au système qui l'incorpore. Le sens en tant que grandeur sera toujours différé, car aucune science ne peut s'occuper de sa propre substance : "C'est pourquoi le sens lui-même est inaccessible à la connaissance, puisque la condition de toute connaissance est une analyse, de quelque nature que ce soit." (p. 98)

Nous sommes donc en présence de la position la plus extrême qui soit imaginable en ce qui concerne l'exclusion du sens par une théorie linguistique, et non seulement du sens, mais également de tout ce qui, y compris du côté de l'expression, renverrait à autre chose qu'une forme : "Il se constituerait ainsi, en réaction contre la linguistique traditionnelle, une linguistique dont la science de l'expression ne serait pas une phonétique et dont la science du contenu ne serait pas une sémantique. Une telle science serait alors une algèbre de la langue qui opérerait sur des grandeurs non dénommées." (p. 101-102).

Comment une telle sévérité dans l'exclusion du sens peut-elle en même temps être un pari en direction du sens ? La réponse se trouve en fin de chemin, lorsqu'on aura parcouru l'autre flanc de la rigueur, celui qui concerne l'immanence.

3. Le pari de l'immanence

L'audace sans précédent avec laquelle Hjelmslev a abordé la question de l'immanence en linguistique a été souvent banalisée et parfois même comprise de travers. Il suffit pour s'en convaincre de lire les interprétations de Greimas & Courtés dans leur dictionnaire. C'est ainsi que, par exemple, sa métasémiotique sera vue comme une application de la théorie des types, c'est-à-dire comme un cas particulier de métalangage, et que la non-scientificité de la connotation sera considérée suivant des canons de scientificité absolument étrangers à l'épistémologie de Hjelmslev.

L'effort de table rase que l'interprétation de l'épistémologie de Hjelmslev exige par rapport aux interprétations du néo-hjelmslévisme devient tout de suite payant s'il nous permet de constater que, à la différence de Saussure, Hjelmslev conçoit la substance non pas comme un préalable de la forme, mais comme sa conséquence.

Le point de départ de Saussure, qui a besoin de séparer une forme d'une substance, a certes pour Hjelmslev une valeur pédagogique, mais pèche, selon lui, du point de vue épistémologique, par excès de postulats, c'est à dire, en fin de compte, par excès d'imagination : "Mais cette expérience pédagogique, si heureusement formulée qu'elle soit, est en réalité dépourvue de sens, et Saussure doit l'avoir pensé lui-même. Dans une science qui évite tout postulat non nécessaire, rien n'autorise à faire précéder la langue par la "substance du contenu" (pensée) ou par la "substance de l'expression" (chaîne phonique) ou l'inverse, que ce soit dans un ordre temporel ou dans un ordre hiérarchique. Si nous conservons la terminologie de Saussure, il nous faut alors rendre compte - et précisément d'après ses données - que la substance dépend exclusivement de la forme et qu'on ne peut en aucun sens lui prêter d'existence indépendante." (p. 68).

Le point de départ de Hjelmslev, en revanche, est un inventaire et sa forme est biplane. L'immanence d'un inventaire est un point de départ absolu, qui ne se découvre comme immanence que lors de son dépassement, au bout du chemin. La substance n'est pas ce dont on extrait la forme, mais ce qui est au bout de la forme. Le tout est de trouver par la suite le geste par lequel l'analyse, dans sa procédure de division, touchera le niveau où le dépassement est postulé.

C'est à partir de là qu'il devient aisé de suivre le développement des hiérarchies sémiotiques. On constatera d'abord que le mot « sémiotique » est utilisé par Hjelmslev, avant tout, précédé d'un article indéfini. Il n'y a pas la sémiotique, mais des sémiotiques. Une sémiotique n'est donc pas d'abord une science, mais une hiérarchie à deux niveaux. Là où l'on peut identifier un inventaire de grandeurs quelconques, si ces grandeurs possèdent un plan d'expression et un plan de contenu, si bien qu'elles deviennent interprétables, il y a une sémiotique.

Pourquoi appeler alors également sémiotique la théorie des sémiotiques ? N'est-ce pas là un équivoque impardonnable chez un théoricien de la rigueur de Hjelmslev ? Pas du tout, si l'on accepte d'une fois pour toutes que la vision que Hjelmslev a sur la théorie est à l'opposé du schéma traditionnel langage-objet/métalangage.

La théorie est, pour Hjelmslev, à la fois système et processus. C'est-à-dire que la théorie sémiotique n'ajoute absolument rien à la hiérarchie sémiotique qu'elle découvre. Elle n'est, en fait, que cette mise à découvert en tant que telle.

Et c'est là, et pas ailleurs, qu'intervient la distinction hjelmslevienne entre sémiotique scientifique et sémiotique non-scientifique. Tout simplement, la sémiotique non-scientifique est la sémiotique comme hiérarchie immanente, et la sémiotique scientifique est la même hiérarchie vue comme théorie.

Il suffit pour s'en convaincre de suivre la structure enchâssée des définitions données par Hjelmslev. D'abord, une sémiotique est : "une hiérarchie dont n'importe quelle composante admet une analyse ultérieure en classes définies par relation mutuelle, de telle sorte que n'importe quelle de ces classes admette une analyse en dérivés définis par mutation mutuelle." (p.135) [...] "En pratique, une langue est une sémiotique..." (p.138).

Voici, ensuite, la distinction entre sémiotique scientifique et sémiotique non scientifique : "Nous appellerons sémiotique scientifique une sémiotique qui est une opération et sémiotique non scientifique une sémiotique qui n'en est pas une." (p.151).

Poursuivons par la notion d'opération : "Nous définirons une opération comme une description en accord avec le principe d'empirisme." (p.46).

Et quant au principe d'empirisme : "La description doit être non contradictoire, exhaustive et aussi simple que possible. L'exigence de non-contradiction l'emporte sur celle de description exhaustive, et l'exigence de description exhaustive l'emporte sur celle de simplicité. Nous prenons le risque d'appeler ce principe le principe d'empirisme." (p.19)

Tout se résume donc en ceci : une sémiotique non-scientifique est une hiérarchie décrite, et une sémiotique scientifique est la même hiérarchie mais prise en tant que décrivante.

Ainsi, lorsque Hjelmslev dira ensuite qu'une sémiotique connotative est une sémiotique non-scientifique, cela ne veut pas dire, comme semblent l'entendre Greimas & Courtés, qu'elle est laissée en dehors du champ de la scientificité (fait que nos auteurs trouvent embarrassant), mais tout simplement qu'elle n'est pas une opération, qu'elle est prise comme décrite et non pas comme décrivante, donc qu'elle n'est pas une théorie.

À partir de là, on peut entamer le parcours qui convertira la restriction en pari.

Le point de départ est que la hiérarchie qui constitue une sémiotique n'est pas faite d'ensembles mais de relations. De ce point de vue, la théorie de types est à écarter, et les niveaux objet/méta ne peuvent pas être pris comme des systèmes d'inclusion. Il n'y a pas une série indéfinie mais stable de couples langage-objet métalangage, ce qu'il y a, ce sont des positions entre niveaux qui peuvent à leur tour contenir des hiérarchies sémiotiques. Il est donc indispensable de prendre au sérieux l'avertissement de Hjelmslev : "Comme le plan de l'expression et le plan du contenu ne se définissent que par opposition et relativement l'un par rapport à l'autre, il s'ensuit que les définitions proposées ici de sémiotique connotative et de métasémiotique ne sont que des définitions "réalistes" provisoires auxquelles on ne peut pas accorder de valeur opérationnelle." (p.144).

Ce qui nous reste entre les mains, donc, c'est toujours, pour commencer, un texte. Par catalyse (et non pas par abstraction) ce texte nous renvoie à son système : c'est cela une sémiotique. Une sémiotique a un plan d'expression et un plan de contenu.

Mais cela n'est qu'un minimum. À son tour, cette sémiotique peut tout entière prendre, à l'égard d'un autre plan, la position soit d'expression, soit de contenu.

Si elle est expression, son contenu sera fatalement une sémiotique non-scientifique, c'est-à-dire une sémiotique qui n'est pas une opération. En général, si tout un système sémiotique prend un nouveau plan de contenu, cela entraînera également un changement de système : la fonction sémiotique de base renvoie à des connotateurs, qui déterminent en général des catégories anthropologiques. Les deux plans d'un texte donné, peuvent, par exemple, renvoyer au connotateur français.

À l'autre extrême, si tout le système sémiotique de base sert de contenu à un autre plan, ce nouveau plan sera nécessairement une opération sur la sémiotique de base. Ce sera donc une sémiotique scientifique, chargée de mettre en relief la forme de la sémiotique de base. On l'appellera également métasémiotique, ou sémiologie.

Cependant, à la différence de la notion ensembliste de métalangage, une métasémiotique selon Hjelmslev n'a pas besoin de présenter un nouvel inventaire de grandeurs. En général, elle ne change pas de système. Elle n'est pas une inclusion de la sémiotique-objet. Elle peut en contenir exactement les mêmes grandeurs. Souvent, cependant, une métasémiotique allonge quelque peu l'inventaire de base, ne serait-ce que pour se donner des outils plus précis de description. Imaginons alors qu'une autre sémiotique lui serve à son tour de plan d'expression, c'est-à-dire de description. Cette nouvelle sémiotique - qui constituerait une métasémiologie - serait elle aussi scientifique. Mais elle ne devrait retenir de la sémiologie qui lui sert de base que l'inventaire complémentaire par rapport à la sémiotique première.

Ainsi, l'enchâssement de sémiotique en sémiotique se produirait non pas comme l'inclusion d'un ensemble dans un autre, mais par dynamisation et par addition : la sémiotique décrivante dynamise la forme de la sémiotique décrite, et n'apporte comme grandeurs propres que les quelques éléments supplémentaires dont elle se sert pour décrire la sémiotique de base. Il n'y a donc ni répétition ni abstraction de ces grandeurs de base, mais seulement une légère augmentation progressive, qui, en changeant de niveau, irait, ralentissant, jusqu'à toucher finalement une certaine limite.

C'est là que se trouve l'élément essentiel de la nouveauté de Hjelmslev :

D'ordinaire, une métasémiotique sera (ou pourra être) entièrement ou partiellement identique à sa sémiotique-objet. La linguistique, par exemple, qui décrit une langue, aura elle-même recours à cette langue dans sa description. De même, les sémiologies qui décrivent des sémiotiques qui ne sont pas des langues pourront faire cette description dans une langue. Si cela n'est pas le cas, la sémiotique dont elles se serviront pourra toujours être traduite dans une langue [...] Il en résulte que si la métasémiologie devait fournir une description complète de la sémiotique de la sémiologie, elle en arriverait à répéter en grande partie les résultats mêmes de celles-ci. Le principe de simplicité invite cependant à suivre un procédé qui permette de l'éviter [...]

La métasémiologie doit donc concentrer ses efforts non sur la langue déjà écrite par la sémiologie, langue dans laquelle cette sémiologie est aussi faite, mais sur les modifications éventuelles de cette langue ou sur les additions qu'elle y apporte pour produire son jargon spécial. (p. 152).

On constate alors que du côté de la sémiotique connotative , les grandeurs deviennent de plus en plus générales et de plus en plus grandes. Tout un texte peut renvoyer à un seul connotateur de style ou de physionomie. En revanche, du côté de la métasémiotique et de la métasémiologie, les grandeurs deviennent de plus en plus précises et de plus en plus petites. Dans les deux cas, la marge d'augmentation de grandeurs d'une sémiotique à l'autre subit un amenuisement progressif.

Et c'est alors que, presque insensiblement, l'épistémologie de Hjelmslev montre l'accomplissement de son pari. Les grandeurs que retient la métasémiologie deviennent de plus en plus des véritables objets irréductibles, qui rejoignent ainsi le champ de ce que, dans un sens large, on peut appeler la physique .

La déclaration de Hjelmslev ne laisse pas de place à la moindre mauvaise interprétation : Grâce au changement de point de vue qu'implique le passage d'une sémiotique-objet à sa métasémiotique, la métasémiologie acquiert de nouveaux moyens pour reprendre et pousser plus avant, par l'application des méthodes sémiologiques mêmes, l'analyse qui, du point de vue sémiologique, était épuisée. Ce qui veut simplement dire que les variantes ultimes de la langue sont soumises à une analyse particulière ultérieure sur une base entièrement physique.

Autrement dit, dans la pratique, la métasémiologie est identique à la description de la substance (155-156).

Un texte, donc, pris dans son immanence radicale, et soumis au traitement le plus formel qui soit, donne, par une simple opération de catalyse progressive, des résultats différents selon la direction prise : a) dans le sens de la concentration, des connotateurs affectifs et conceptuels font déboucher la catalyse dans l'anthropologie ; b) dans le sens de l'expansion, la catalyse débouche directement sur des objets et des sons appartenant au référentiel physique.

La forme atteint ainsi la substance, par exigence interne, et non pas par axiomatique. L'ensemble de la science deviendra, non pas par décision mais par déduction, intégrable dans le processus sémiotique : "Par suite, il n'existe pas de non-sémiotiques qui ne soient composantes de sémiotiques et, <span style='font-size:21pt;line-height:100%'>en dernière instance, il n'existe aucun objet qui ne puisse être éclairé à partir de la position-clef qu'occupe la théorie du langage. La structure sémiotique se révèle comme un point de vue à partir duquel tous les objets scientifiques peuvent être examinés ." (p.159).

4. La suite du pari

L'attitude de Hjelmslev devant le paradoxe de Thom a consisté à parier pour la rigueur de la forme, sans préjugé et sans crainte. Et elle récupère le sens comme une nécessité interne de la dynamisation de la forme.

Et par rapport au théorème de la complétude, Hjelmslev choisit l'immanence cohérente, sans peur de perdre la complétude. La complétude lui advient alors comme dépassement exigé par la catalyse de l'immanence.

Dans les deux cas, le pari s'appuie sur deux options : le radicalisme et le dynamisme. Radicaliser la réduction du point de vue, mais avec une exigence sans précédent quant à ce qu'une description doit avoir de dynamique. C'est peut-être dans la dynamisation des formalismes et des immanences que se trouve le secret ultime de leur fécondité. Les formalistes et les empiristes de jadis avaient été sans doute moins formalistes et moins empiristes que Hjelmslev, mais également plus sceptiques. La forme et l'immanence ne sont pas pour Hjelmslev des états mais des parcours. Voilà la différence.

Hjelmslev parle même d'une générosité de l'immanence : "La théorie du langage remplit donc d'une manière insoupçonnée au départ toutes les obligations qu'elle s'était imposées. À son point de départ, elle s'était fondée dans l'immanence, se donnant pour seul but la constance, le système et la fonction interne; apparemment, cela devait se faire aux dépens des fluctuations et des nuances, aux dépens de la vie et de la réalité concrète, physique et phénoménologique. Une limitation provisoire de notre champ visuel était le prix qu'il fallait payer pour arracher son secret au langage. Or, c'est grâce à ce point de vue immanent que le langage rend généreusement ce qu'il avait d'abord exigé. [...] Au lieu de faire échec à la transcendance, l'immanence lui a au contraire redonné une base nouvelle plus solide. " (p. 159-160).

Cette foi dans la fécondité de l'immanence lorsqu'elle n'est pas une fausse immanence, est le véritable trait de style de l'épistémologie de Hjelmslev. Cependant, en rendant au terme « style » l'acception hjelmslevienne de connotateur, on peut observer que ce pari pour la fécondité de l'immanence est également, et très particulièrement, une caractéristique stylistique de l'épistémologie danoise comme entité idiosyncrasique. Kierkegaard, par exemple, ne peut affirmer le saut que constitue le stade religieux qu'en se plaçant lui-même, pour le dire, dans l'intra muros de l'esthétique. Il en va de même pour ce qui est des Prolégomènes. Il est possible de les lire entièrement - et c'est cela la suite logique du pari - comme un véritable traité d'épistémologie, et pourquoi pas d'ontologie, bien que, dans l'explicite il ne s'agisse d'autre chose que de linguistique. L'épistémologie ne serait autre chose que la linguistique vue comme une opération.

En quelque sorte, c'est une épistémologie qui met à l'oeuvre, par un fait de style, ce qui pour la Vienne du début du siècle était plutôt un idéal. On se souviendra que H. von Hoffmanstahl conseillait de ne trouver la profondeur qu'à la surface. On se rappellera aussi la lettre de Wittgenstein à Engelmann : Lorsqu'on ne s'efforce pas d'exprimer l'inexprimable, alors rien ne se perd. L'inexprimable est contenu - inexprimablement - dans ce qui est exprimé.

Et Hjelmslev, de conclure en écho : "L'immanence et la transcendance se rejoignent dans une unité supérieure fondée sur l'immanence." (p 160).

NB. Ce texte a paru également sur papier : Almeida, Ivan. Le style épistémologique de Hjemslev. Urbino: Centro Internazionale di Semiotica e Linguistica, 1998</span>

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  • 2 weeks later...

Je suis en train de lire actuellement un essai d'un chercheur de l'Université de Limoges qui, même si un peu ardu, pourrait stimuler utilement notre réflexion critique sur la philosophie des sciences :

Les sciences naturelles sont-elles culturelles ? Une lecture sémiotique de l’idéologie dans les discours scientifiques

Pour vous engager à y jeter un coup d'oeil attentif, voici le sommaire (je surligne les titres de chapitres et paragraphes qui indiquent un rapport le plus direct avec la question de la science, mais bien sûr le tout est à lire intégralement en suivant toute la chronologie, du moins pour une première lecture) :

3.3 Pratiques, interaction, diversification :

Les pratiques sociales interagissent les unes à côté des autres, communicant entre elles leurs objets de valeur (leurs axiologies). Ainsi les sciences sociales se sont construites dans le passage du xixème au xxème siècle en important les objets de valeur des sciences de la nature, telles qu’elles étaient à l’époque. Fonctionnant sur le mécanisme des sciences redevables d’une idéologie universaliste, nous avons vu que les sciences sociales ont fini par reproduire le problème du réductionnisme. En transposant très schématiquement ce mouvement aux niveaux sus dits dans la visée de prendre acte du statut de discours ou de pratique sociale de la science, nous dirons que le «style» scientifique se situe au niveau de l’idéal, alors que celui de la méthode, la démarche analytique dans son ensemble (comprenant l’expérimentation aussi bien que l’enquête et l’interprétation) se situe sur celui de la «procédure». Le premier niveau correspond en revanche au lieu de la formulation ou au choix d’un point de vue, site de l’établissement d’un cadre non pas philosophique mais opérationnel, fonctionnant autour des différentes dimensions de l’expérience plutôt que sur l’expérimentation : c’est le site d’institution d’un sujet-observateur réflexif assurant l’alternance ou les « allers-retours » entre niveaux.

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Jardinier,

je pense que si tu veux réfléchir à cette question (et moi aussi), il serait intéressant de lire l'ouvrage de Bruno Latour et Steeve Woolgar "Laboratory Life: The Social Construction of Scientific Facts" http://fr.wikipedia.org/wiki/La_Vie_de_laboratoire

Même si je ne suis pas un grand fan de Latour, c'est un ouvrage qui a fait date...

Sinon, j'ai trouvé ça que tu connais peut être... http://apad.revues.org/476

Pas suffisant, vu que ça en reste en partie à la surface du problème, mais pas non plus inintéressant

A lire aussi sur un champ qui m'intéresse plus (à voir aussi la biblio où la question du SIDA est évoquée dans certains travaux) rt6-afs.org/IMG/doc/LORIOL.doc

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Econoclaste,

Merci pour ces liens, intéressants à plus d'un titre. Ils donnent une idée beaucoup plus précise de ce que tu entends par construction sociale. J'ai archivé le document Loriol et le lirai attentivement.

Par rapport au livre de Latour et Woolgar, en m'en tenant au titre et aux données de Wikipédia, et sans en tirer de conclusions pour l'instant, je me rends compte qu'à travers ma démarche je tendrais à me placer dans une perspective inverse : celle de la construction "scientifique" de faits sociaux... Mais les 2 approches doivent pouvoir, sinon se compléter, du moins s'affiner mutuellement.

Pour l'Afrique, le document de l'APAD apporte en effet une mise en perspective et des enseignements importants.

Il me fait penser à deux choses :

- D'une part, une interview fournit des informations très précises sur les débuts des investigations américaines en Afrique : tout commence au Zaïre. Le passage concerné de l'interview en question débute en bas de cette page (réplique de Hannaway) et se poursuit sur la page suivante. L'intégralité de l'entretien est du reste très riche à tous égards en enseignements et pistes de recherche historique.

- D'autre part, un document militant a été publié récemment sur une site africain, qui prône une approche modérément dissidente de la politique du sida en Afrique, en se référant à Root-Bernstein, un dissident lui aussi très modéré qui ne nie pas l'existence du vih. Je ne sais pas les répercussions que pourraient avoir un tel article, qui se réfère à une initiative et une approche danoises. Comme tu le verras, la conclusion est quand même vraiment très politique, car elle remet explicitement en cause "la médicalisation du sous-développement" (dont témoigne à sa façon ton document de l'APAD) : HIV/AIDS flourishes as a result of social problems rooted deeply in global economic structures

Encore merci, à bientôt...

(Je ne sais si tu as vu mon autre post d'aujourd'hui dans le fil "les gays et le sida" : je résume à trop gros traits sur la question des théories de l'information comme modèle en biologie, il faudra que j'affine mon histoire de métaphore filée. Mais j'ai déjà expliqué qu'avec la transcriptase inverse on a glissé des concepts de codage ou de cryptage propres aux notions d'ADN et de chromosome vers un concept fatalement encore plus métaphorique de système d'écriture ramené à sa fonction "communicationnelle", ce en quoi on est perdant sur tous les tableaux en termes d'inconvénients du réductionnisme : réduction de l'approche scientifique à une démarche analogique qui va biaiser toute la validité épistémologique de la stratégie comme la déontologie des protocoles d'expérimentation et, en feedback, réduction du sémiotique et du champ symbolique au modèle de logique binaire de l'intelligence artificielle sous couvert de (re)naturalisation neurobiologisante de l'aptitude au langage - bref, c'est le problème du paralogisme cognitiviste...)

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Merci Jardinier,

je trouve le texte de Murphy assez intéressant. Etat économiste, si tu arrives à avoir les infos sur les économistes qui ont été "mobilisés" pour cette stratégie danoise et internationale, je pourrai voir facilement de qui il s'agit et d'où ils viennent (scientifiquement, idéologiquement etc). Pas si étonnent que cela de voir Lomborg dans le coup, son ouvrage hautement controversé (l'écologiste sceptique) finissait par dire que le réchauffement climatique est un faux problème et que l'environnement s'améliore, et donc qu'il vaut mieux réduire la pauvreté et améliorer la santé que de s'intéresser à sauver les bébés phoques (je caricature un peu)...

Sur la référence à Root-Bernstein & Co, je trouve que c'est tout de même intéressant, car cela peut peut être signifié une évolution du "traitement" du SIDA comme d'ailleurs dans la façon de poser le problème au moins en Afrique. Un de mes collègues médecin m'a indiqué qu'en Afrique du Sud, certains concepteurs des politiques de santé publique sur le SIDA (en partie probablement suite à la rencontre Mbecki/dissidents), ont compris que les "sidéens" meurent avant tout de tuberculose ou de malaria, et donc qu'il vaut mieux les traiter contre ces maladies plutôt que contre le VIH... A vérifier mais ça me paraît plutôt positif.

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De rien...

si tu arrives à avoir les infos sur les économistes qui ont été "mobilisés" pour cette stratégie danoise et internationale, je pourrai voir facilement de qui il s'agit et d'où ils viennent (scientifiquement, idéologiquement etc)

On trouve une belle brochette d'économistes, avec pour chacun l'énumération de leurs "affidavits" académiques et autres ici. (lien fourni sur cette page)

Quant à la version des choses de Lomborg lui-même, on peut s'en faire une idée un peu plus précise ici.

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Quant à la version des choses de Lomborg lui-même, on peut s'en faire une idée un peu plus précise ici.

Cette initiative danoise à laquelle vous faites référence, Rethink HIV, issue d'une organisation para-gouvernementale danoise et d'une pseudo-fondation lausannoise dirigée par un ex-trader et une ex-journaliste de chez Murdoch, qu'on imagine rongés par les remords, ce serait vraiment une blague totale, si le contexte n'était pas plus tragique. Rien que le nom qui parasite à dessein les "vrais" dissidents de Rehtinking AIDS n'est pas anodin.

La seule chose qui semble les intéresser, c'est de garantir aux pays "riches" qui financent le fonds mondial contre le sida que leur pognon sera bien utilisé. Et au passage, empêcher les Africains de reprendre le contrôle de ce qu'il leur arrive.

Les quelques contributions dites "prospectives" sont édifiantes sur leur perspective; comparer comme dans celle-ci, les coûts et bénéfices globaux d'un vaccin ou d'antirétroviraux (ARV), c'est économiquement simpliste (il n'y a même pas de "fourchette" dans les chiffres donnés, bien que ce domaine soit hautement spéculatif) et scientifiquement inepte (quand on connaît d'une part l'incapacité des chercheurs à avancer sur un vaccin ,et quand d'autre part ils ne sont même pas foutus d'évoquer le coût potentiel des effets secondaires des ARV ni même les questions de "co-infections" avec la tuberculose qui sont pourtant au coeur de la question en Afrique, y compris pour la plupart des orthodoxes)... C'est de la pure abstraction de mecs qui n'y connaissent rien, mais qui prennent leur fric au passage pour étaler leur ignorance. C'est juste aussi détestable que la pseudo-charité qui paye tout ce beau monde.

Il n'y a rien de moins dissident, de moins subversif; de moins inutile.

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Je reprécise mon post précédent où j'ai manqué l'essentiel.

Quant à la version des choses de Lomborg lui-même, on peut s'en faire une idée un peu plus précise ici.

Cette initiative danoise à laquelle vous faites référence, Rethink HIV, issue d'une organisation para-gouvernementale danoise et d'une pseudo-fondation lausannoise, Rush Foundation dirigée par un ex-trader et une ex-journaliste de chez Murdoch, qu'on imagine rongés par les remords, il y aurait déjà de quoi en faire une mauvaise blague, si le contexte n'était pas plus tragique. Rien que le nom qui parasite à dessein les "vrais" dissidents de Rehtinking AIDS n'est pas anodin. Mais comme le dit en creux Murphy dans son article, c'est en fait bien pire que ça.

C'est Rush Foundation qui est à l'origine du projet, comme l'indique cette page.

The Rush Foundation was set up in September 2010, when its founders were granted the right to negotiate an access agreement on behalf of UK company SEEK, whose HIV vaccine has successfully completed phase II human trials in July 2011. The foundation will negotiate, at the time of the licensing process, a low-income country distribution/pricing concession from the licensor which licenses the IP for commercial development. The Rush Foundation’s objective is to ensure that the vaccine is available at minimal cost to the most affected regions of the world, and in particular sub-Saharan Africa.

On apprend sur le site de SEEK que la phase II de ce projet de vaccin a été achevée selon avec succès. La phase II des essais cliniques permet de déterminer la dose optimale et de mesurer l'efficacité sur un petit groupe de patients. Ensuite vient la phase III, qui consiste en la phase d'essais cliniques à large échelle. Cette phase III est à la fois déterminante (son succès décide de l'avenir médical et financer du médicament) et très coûteuse (puisque sur un grand nombre de patients). Or SEEK est un jeune labo (ils annoncent une fondation en 2004), ne publient aucun chiffre financier de leur entreprise, n'est a priori pas affiliée directement à Big Pharma. On peut sans difficultés faire l'hypothèse qu'elle aurait bien besoin d'un coup de pouce financier pour lui permettre de mener sa phase III...

Vu sous cet angle, la seule perspective de Rethink HIV, c'est de bénéficier de dotations du Fonds Mondial contre le sida, et pour cela de convaincre les financeurs - essentiellement les pays riches - à accorder leur obole (enfin le terme est mal choisi vu les millions ou milliards en question). Comment faire ? En titillant les pays donateurs sur l'efficacité de leur contribution. C'est ainsi que Rethink HIV prétend avoir des analyses innovantes en matière de coût/efficacité des différentes pistes en matière de traitement, en repensant les priorités- de préférence en revenant vers la piste des vaccins... Ainsi parmi les autres contributions dites "prospectives", cette comparaison des coûts et bénéfices globaux d'un vaccin ou d'antirétroviraux (ARV) - et peu importe qu'elle soit économiquement simpliste (il n'y a même pas de "fourchette" dans les chiffres donnés, bien que ce domaine soit hautement spéculatif) et scientifiquement inepte (ils ne sont mêmes pas fichus d'évoquer le coût potentiel des effets secondaires des ARV ni même les questions de "co-infections" avec la tuberculose qui sont pourtant au coeur de la question en Afrique, y compris pour la plupart des orthodoxes)...

Mais il ne faut pas être trop voyant, il faut l'enrober de considérations politiques et sociales plus larges, comme ce fabuleux article qui propose de faire de la notion d'"espoir" un "outil de diagnostic" (sic!) qui puissent guider les politiques sociales en terme de VIH dans les différents pays d'Afrique sans s’embarrasser des différents contextes sociaux et culturels trop long et trop chers à analyser. Fortiche le mec...

Tout ça, c'est de la pure abstraction de mecs qui n'y connaissent rien, mais qui prennent leur fric au passage pour étaler leur ignorance, et servent d'idiots utiles à des intérêts très localisés et même pas très opaques - un éventuel jackpot du vaccin de SEEK. Enfin remarque, entre le labo qui ne publie pas ses comptes et une fondation avec son siège en Suisse (alors qu'aucun de ses fondateurs ne l'est), ça fleure bon des mouvements financiers pas très nets.

Le texte de Murphy va au-delà de ça, mais il est d'une grande timidité par rapport à ce type de démarches qui sont tout sauf scientifiques! Ses conclusions sont un peu plus audacieuses sur la nécessité de lutter contre la pauvreté et de mettre en place des systèmes de santé, mais il me semble loin de déconstruire quoi que ce soit de fondamental en tout cas dans le domaine du VIH.

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Tu as mis 2 liens qui ne marchent pas : "cette comparaison" et "ce fabuleux article". Dommage. Mais dans l'ensemble, je crois que tu analyses assez bien l'affaire. C'est un peu ce que j'avais entrevu, notamment pour cette expérimentation d'un vaccin.

Les cv des membres du panel d'experts aussi sont instructifs : 1 Ghanéen, 1 britannique, 3 américains, certains ayant travaillé pour la Banque mondiale et le FMI. A titre d'exemple des think-tanks auxquels ils sont liés, on trouve le Cato Institue ("The Cato Institute is dedicated to the principles of individual liberty, limited government, free markets and peace." - http://www.cato.org/about/), la Rand Corporation, la Brookings Institution, etc. Il se peut qu'ils soient représentatifs de courants différents en termes de doctrines économiques et d'options politiques.

Brian Murphy écorne un peu beaucoup au passage la politique orthodoxe du sida en Afrique, mais les gens dont il parle ne sont pas forcément sur la même longueur d'onde que lui. Il n'en rend pas compte et induirait même ses lecteurs en erreur à ce sujet. Mais il introduit quand même un outil important pour une réflexion critique d'ensemble, en avançant l'idée de "Médicalisation du sous-développement".

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  • 2 weeks later...

1995-1996 - LA FIN DES MONOTHERAPIES

EXTRAIT D'UN ROMAN CENSURE

A ce sujet de la fin des monothérapies, pour enfoncer le clou, j'ai retrouvé un élément d'explication dans un "roman" édité en 1999. En fait, il s'agissait bien d'un roman, sur le thème du sida, très trash sinon émaillé de passages carrément porno, mais qui n'en rapportait pas moins je pense beaucoup de faits réels avec l'alibi d'une forme romancée. J'ai dans ma bibliothèque un exemplaire de ce roman, qui m'avait été confié par l'éditeur. Mais peu après sa parution, tous les exemplaires imprimés de l'ouvrage ont été mis au pilon suite à un procés, sous le prétexte providentiel qu'il avait pour titre le nom d'un sauna parisien bien réel et bien connu, et que les propriétaires du sauna ont gagné le procés contre l'éditeur - bref, une de ces sordides affaires de censure comme il y en aura tant eues tout au long de l'histoire du sida.

En tout cas, ce dont atteste le roman en question, c'est que les trithérapies arrivent su le marché début 1996. Voilà un passage qui décrit assez précisément ce qui se passait chez certains médecins parisiens et du côté de la Pitié-Salpêtrière à l'époque :

"Pendant longtemps la recherche avait piétiné dans les laboratoires. Suivant l'exemple de confrères peu scrupuleux, des scientifiques cédaient aux malades les plus pressants des médicaments nocifs, conduisant certaines firmes pharmaceutiques à mettre la clé sous la porte après avoir promu au rang de solution miracle telle molécule, tel sérum rare à l'efficacité douteuse.

De leur côté, les médecins cachaient difficilement l'admiration envers ces patients qui leur permettaient d'exhiber les trésors d'abnégation qui les poussaient à soigner encore. Ils faisaient ami-ami avec la moindre célébrité dans l'espoir d'une invitation au débat télévisé susceptible d'attirer en retour la clientèle chic manquant à leur cabinet en ville.

Si un malade comptait inspirer la convoitise et figurer sur le tableau de chasse du médecin, le moribond, à la question : "Que faites-vous dans la vie ?" avait tout intérêt à répondre "journaliste", "écrivain", ou "artiste", professions flatteuses qui, chez le praticien anonyme, donnaient envie de soutirer au patient quelque manifestation publique d'intime complicité. La mondanité consolait du malheur.

Début 1996, l'arrivée des trithérapies sur le marché a modifié les esprits et des études fiables ont annoncé la stabilisation relative de l'épidémie. C'est à peine si les patients décédés seront renouvelés. Une catastrophe pour les pontes. On les interviewe moins. Ils se voient condamnés à se disputer et à dorloter la clientèle restante en octroyant à chaque protégé un accès prioritaire aux trithérapies contre le droit d'apparaître à leur côté lors de prestations télévisuelles de plus en plus rares.

Il fut un temps où des commandos de militants hargneux prenaient parfois la défense des sidéens harcelés. Un médecin avait même été pris en flagrant délit au chevet d'un romancier à qui il tentait d'extorquer le droit de préfacer son prochain best-seller. L'écrivain préféra débrancher lui-même sa perfusion quelques heures plus tard, ayant enfin compris que les doigts d'or du médecin en question ne prolongeraient pas pour autant sa vie.

Elle n'est pas bien belle, ma salle d'attente à la Pitié, avec ses cendriers pleins, ses corbeilles renversées et sa peinture craquelée. Elle rassemble à la fois le tout-venant des malades en situation d'impasse thérapeutique et la cohorte des patients crédules à qui on continue de délivrer de la poudre de perlimpinpin, sous prétexte qu'ils n'ont que leurs infections pour les recommander et qu'il faut écouler les vieux stocks d'AZT.

A notre rez-de chaussée se retrouvent aussi les patients réputés difficiles, mauvais joueurs refusant tout traitement, mal disposés qu'ils sont à revivre du jour au lendemain pour devoir rechuter dix mois plus tard et mourir pour la nième fois. Tout le monde ne veut pas forcément connaître les frissons d'une vie de zombie.

La salle d'attente est surtout le théâtre où les mauvaises langues échangent avec gourmandise le nom des patients qui, par privilège, ont disparu du circuit de soins habituel, pour monter à l'étage huppé des trithérapies, le cinquième, loin des anonymes indélicats et bavards. Ils disposent d'un ascenseur à miroir.

[...] Franck [...] avait fait des pieds et des mains pour obtenir avant tout le monde une trithérapie - jusqu'à l'automutilation. Mais Franck n'a pas supporté le norvir, bolide des molécules, et il est mort d'un éclatement du foie sur la piste de danse du Queen, en pleine soirée Mousse. Le favoritisme accélère parfois le cours de la maladie."

Telle était donc l'ambiance de l'époque, apparemment assez surdéterminée par la nécessité d'écouler les vieux stocks d'AZT.

Il n'en reste pas moins que dans toute son extension, l'acronyme ANRS signifie toujours au jour d'aujourd'hui, avec au minimum une once d'ironie quand on connaît l'histoire, "Agence nationale de Recherche sur le Sida et les hépatites". Selon une édition récente d'un grand quotidien régional qui consacrait deux pages au sujet avec riches enluminures sur le thème du Médiator, seuls ont été indemnisés ou sont encore en voie d'indemnisation les hémophiles contaminés par le virus de l'hépatite C. Pour une fois, le quotidien en question a eu la pudeur - ou la prudence bien pensée ? -de ne pas mentionner une énième fois les méfaits du "vih" refilé aux populations "vulnérables" via la transfusion sanguine par les homo-monstres (ou homonstres, pourquoi pas ?) que nos bons eugénistes déguisés en concombres masqués ne "responsabiliseront" jamais assez... Mais pour autant, pas question de parler des victimes de l'AZT et des bi-trithérapies. Nada sur la question !..

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J'ai regardé en vitesse ce truc de Rethink HIV. Je confirme ce que dit Jibrail, cette évaluation coût-bénéfice, c'est du grand n'importe quoi. Outre la critique juste faite par Jibrail sur l'absence d'intervalle de confiance et de mesure de la sensibilité, tout ce délire repose sur le postulat propre à l'économie orthodoxe d'une possible évaluation monétaire de l'utilité (donc de la santé). Ensuite, aucune analyse des coûts sur l'ensemble de la filière. Et surtout utiliser le calcul des T4 comme proxi de l'amélioration ou de la diminution de l'espérance de vie, qui plus est sans comparer versus placebo. Deuxio Le panel d'économistes pourrait paraître impressionnant, mais c'est du pipeau. Il y a certes trois prix "d'économie en l'honneur d'Alfred Nobel", mais : Prescott est un macroéconomiste, qui n'y connaît absolument rien à l'économie de la santé et encore moins sur la médecine tout court. Idem pour Vernon Smith, dont les contributions principales relèvent de l'économie du droit et de l'économie expérimentale (discipline sur lequel il y aurait beaucoup à dire)...Quant à Schelling, ces contributions relèvent de la théorie des jeux et de l'émergence des conventions, donc encore une fois aucun rapport avec l'économie de la santé. Ce sont tous les trois des économistes orthodoxes, faut-il le préciser. En gros, ça fait joli sur le papier, mais comme le dit Jibrail, il n'y a rien de plus inutile...

Sur un autre sujet qui devrait intéresser plusieurs personnes, je viens d'apprendre qu'un groupe de recherche est entrain d'entamer des travaux pour étudier "in vivo" les possibilités d'utiliser les ARV de façon préventive en Afrique!!!! Du grand n'importe quoi, le rapport Yeni s'appliquera finalement en Afrique et pas dans les pays de l'OCDE, comme on pouvait s'y attendre cher Jardinier...

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Jibrail (dans le fil Traitements, 29 novembre) : "Pourtant, en avril 2011, une autre étude avec des femmes africaines, FEM PrEP , qui mesurait l'efficacité préventive du Truvada, avait déjà été abandonnée pour absence d'efficacité..."

Dans quelle région d'Afrique le groupe de recherche que tu signales interviendrait-il ? C'est un groupe français ?

En principe, il y aurait aussi en cours, impulsée par l'ANRS, une étude franco-canadienne du même type avec des cohortes recrutées sur Montréal, Paris et Lyon...

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Dans quelle région d'Afrique le groupe de recherche que tu signales interviendrait-il ? C'est un groupe français ?

En principe, il y aurait aussi en cours, impulsée par l'ANRS, une étude franco-canadienne du même type avec des cohortes recrutées sur Montréal, Paris et Lyon...

L'étude FEM - PrEP s'est déroulé au Kenya, en Tanzanie et en Afrique du Sud, exclusivement chez des femmes; avec des fonds américains (USAid et la fondation Bill & Melinda Gates).

L'étude l'ANRS est l'étude Ipergay, qui démarre début 2012, en France et au Canada, et comme son nom l'indique, uniquement chez des gays. Mais toujours à base de Truvada (Tenofovir+Entricitabine).

Mais comme les causes de la séroconversion au test dit VIH sont différentes chez les gays des pays du nord et chez les africains, il est possible que les résultats soient assez différents... L'étude IPrEX qui avait eu lieu chez des gays sur plusieurs continents (mais essentiellement en Amérique du Sud) avait eu des résultats mitigés.

Ce powerpoint de l'ANRS résume de nombreux éléments sur ces études.

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@Jibrail et tous

En tout cas, pour l'étude FemPrep, selon le lien que tu as fourni, Jibrail, vers le site vih.org (dans mon quote ci-dessus) :

¿Quién hay detrás de los programas de planificación familiar?.

Vamos al grano. Intentemos desenmarañar quiénes son los responsables de los programas de eugenismo y despoblación, una tarea nada fácil.

Tomemos el ejemplo de un anticonceptivo de larga duración: el caso del Norplant.

¿Quién está detrás de la experimentación del Norplant?. El Norplant es un anticonceptivo implantable que dura 5 años. Tiene terribles efectos secundarios, que hemos explicado anteriormente: ceguera, hemorragias, tumores cerebrales, inmunodeficiencia, etc.6.

Por supuesto, en primera línea de los responsables, aparecen los respetables laboratorios farmacéuticos que lo fabrican.

¿Quiénes son? American Home Products, que recientemente ha comprado a uno de los laboratorios más importantes de medicina natural: «Solgar7». Es distribuido por Hoechst Marion Roussel. El principio activo del Norplant es el levonorgestrel, que se encuentra en diversas especialidades comercializadas en el Estado español: Microgynon, Neogynona y Triagynon de Schering; Ovoplex y Triciclor de Wyeth Orfi8.

Pero los laboratorios no son los únicos implicados. Si tiramos un poco más del hilo, o como decimos aquí, «de la manta», comprobamos que el plan Norplant fue desarrollado por el Population Council de Nueva York y manufacturado en Finlandia por Leira Pharmaceuticals.

Los estudios se realizaron en varios miles de mujeres, las cuales usaron el método por un período de uno a cinco años en Estados Unidos, Chile, Finlandia, República Dominicana, Brasil, Jamaica, Egipto, Colombia, Dinamarca, Suecia, Tailandia, Ecuador, Indonesia, China e India. Las investigaciones se llevaron a cabo sin ningún tipo de control. En Brasil, por ejemplo, se colocaron implantes a adolescentes, mujeres embarazadas y mujeres que estaban amamantando; la mayoría de ellas desconocedoras de los riesgos a los que se les sometía.

Otras dos variantes fueron desarrolladas más tarde: Norplant 2 y Capronor.

Estos experimentos de la industria farmacéutica son financiados por una agencia oficial de ayuda al Tercer Mundo, que es una institución gubernamental norteamericana: la Agencia Norteamericana para el Desarrollo Internacional, AID (USAID).

Un informe oficial de esta agencia en 1993 sobre el Norplant cuando ya había sido experimentado en más de 40 estados del Tercer Mundo, lo calificaba de «eficaz, aceptable y sin efectos secundarios», ignorando sus terribles efectos secundarios.

En una entrevista del reportaje de TV «El laboratorio humano9», el responsable de la AID afirmó, por supuesto, que la agencia no estaba al tanto de las condiciones escandalosas en que se hacían los implantes, las cuales hemos denunciado anteriormente10.

Aseguró, con ojos de cordero degollado, que supervisaría los procedimientos.

Presionado por el entrevistador, tuvo que dar la entrevista por cancelada. Tras una llamada fuera de cámara, y con una sonrisa irónica, se excusó diciendo que le faltaban datos para responder...

La supervisión arrojó el resultado esperado: «los experimentos habían sido realizados correctamente».

Ante semejante cinismo, hay que preguntarse: ¿quién hizo esa supervisión?. ¡¡Vaya!!. Resulta que fue una asociación norteamericana denominada «Salud Familiar Internacional».

Su «independencia» está tan clara como el hecho de que recibe fondos de la AID y de las empresas farmacéuticas...

Para hacerse una idea de quiénes son estos energúmenos hay que saber quién es su fundador. El Doctor Stephen Mumford, un médico racista y nazi del «Centro para la Investigación de Población y Seguridad». Es un entusiasta promotor de un método más bárbaro todavía: la esterilización química, que pretende haber inventando, a pesar de que los médicos nazis ya lo habían hecho décadas antes que él.

El apoyo y la promoción del Norplant no ha venido sólo de los laboratorios que lo fabrican. También viene de organizaciones privadas, tales como «Salud Familiar Internacional» y el «Consejo de Población», así como de agencias gubernamentales norteamericanas tales como la AID y la «Food and Drug Administration» (FDA), que lo autorizó como un medicamento seguro en 1989. Su propagación tiene también como responsable a la Organización Mundial de la Salud, que lo ha promocionado en el Tercer Mundo afirmando «que es efectivo, reversible y apropiado12, 13».

El ejemplo del Norplant nos lleva desde los laboratorios farmacéuticos hasta asociaciones gubernamentales norteamericanas de ayuda y asociaciones privadas racistas, cuyas actividades son aceptadas por los organismos de control de fármacos norteamericanos (FDA) y organismos internacionales como la OMS.

Mantiene un programa de investigación de la Fertilidad Internacional (IFRP). Su presupuesto se basa en fondos de la AID y la industria farmacéutica.

[...]

La FHI fue establecida para gestionar la investigación de nuevos productos anticonceptivos, como es el caso del Norplant (en el que era la organización consultora de su aplicación), y para reducir el tiempo vacío entre el descubrimiento de los anticonceptivos y su implantación en las mujeres del Tercer Mundo, como en el caso de la esterilización química masivamente realizada sin ninguna aceptación de los organismos oficiales.

Esta organización tiene fuertes lazos con la industria farmacéutica. Está implicada en el falseamiento de los datos sobre el Norplant, como ya hemos explicado anteriormente en este trabajo.

Sur une autre page du même site - on peut comprendre un peu pourquoi compte tenu de ce qui précède -, on peut lire à propos du sida et de l'Afrique du Sud : "el SIDA es una evidente estrategia de control demográfico, diseñada en especial contra África y el tercer mundo."

Sans obligatoirement adhérer définitivemnt et sans réserve à la thèse ainsi énoncée, il y a quand même tout lieu de penser que Family Health International a sérieusemnt oeuvré dans le domaine du "contrôle des naissances" avant de s'investir dans celui du sida... On peut consulter le "Board of Directors" actuel de cette organisation ici. (Chief Executive Officer Chair : Albert J Siemens, PhD, Research Triangle Park, NC)

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