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SIDAKITOSE


Invité artilleur
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Invité artilleur

SIDAKITOSE

Sida, Ebola, grippe aviaire, Chikungunya , superbes virus nouveaux qui complètent une gamme ancienne de fléaux comme la peste, le choléra, la malaria, les méningites Etc...Certaines de ces infections se transmettent par contagion simple sans quil soit besoin dun agent de transmission ou dun support quil est à la mode dappeler un « vecteur ». Depuis que la géométrie moderne a mis ce mot à la mode, on lutilise aussi pour figurer un moyen de transport.

Le Sida dispose de plusieurs « vecteurs » qui seraient, soit le sperme, les excréments ou même le sang contaminé. La grippe aviaire utilise les migrations des oiseaux et le Chikungunya les moustiques comme une vulgaire Malaria. Quelque fois on ignore le « vecteur ». Cest le cas de la myxomatose, infection sélective du lapin qui a réussi à quitter lAustralie pour gagner la terre entière. Aucun vecteur particulier na été inventé pour franchir si facilement les océans.

La guerre bactériologique fait lobjet de recherches, comme pour les gaz de combat. Si lon peut espérer que le fameux « équilibre de la terreur » limitera à une pure défensive lemploi de ces armes danéantissement planétaire, on ne peut pas contrôler les initiatives privées qui peuvent conduire aux mêmes catastrophes.

Ces initiatives privées existent potentiellement. Ce sont les idéologies, les religions conquérantes et les groupements philosophiques plus ou moins illuminés au point de se considérer comme les « rédempteurs » de lhumanité. Il suffit quun gourou lève les bras au ciel en clamant : JÉSUS EST REVENU, soutenu par les amplificateurs médiatiques, pour que la foule des fidèles le suive et se gonfle pour senflammer au moindre événement qui semble avérer ses prophéties.

Imaginez une religion conquérante, assez violente pour imposer son autorité, où les consommations de viande de porc et dalcool seraient interdites. Il lui suffirait dutiliser la race porcine et les ferments alcooliques, comme « vecteurs » pour éliminer tous ceux qui ne respectent pas ses préceptes et interdictions. Cest limage même dune procédure sélective efficace. Ainsi, le virus de la peste porcine, génétiquement modifié pour contaminer les hommes, représentera quelque chose de beaucoup plus efficace quun voiture ou quun avion piégés. De la même façon le Saccharomyces cérévisiæ modifié empoisonnera toutes les boissons fermentées. On notera, cependant, une difficulté avec les alcools obtenus par distillation. Le poison devra résister aux températures de cette distillation.

Le sang contaminé par le virus du Sida fit des ravages chez les hémophiles transfusés pour survivre, comme sil avait été inventé pour éradiquer la tare héréditaire de lhémophilie. Les « COMPAGNONS DE JEHOVA » qui interdisent les transfusions sanguines, démontrèrent ainsi le bien fondé apparent de leur pensée et firent de nouveaux adeptes.

Dautres philosophes humanitaires, dans le cadre de la régulation des naissances et de la lutte contre la surpopulation, ou pour éviter quune ethnie essaie de dominer une ou plusieurs autres ethnies, pourront vouloir organiser scientifiquement le monde. La Chine a bien imposé à chaque foyer de se limiter à un seul enfant. Cétait une démarche identique. On peut donc imaginer quelle recherche un moyen de stériliser les hommes ou les femmes si elle narrive pas à imposer une loi.

Déjà, on peut trouver étonnant que le Sida affecte surtout les drogués et les homosexuels de sexe masculin et quil aide à éradiquer la tare de lhémophilie. Au cours du vingtième siècle on a vu cela érigé en doctrine et rien ne prouve quil nexiste pas une organisation secrète qui poursuit scientifiquement les mêmes buts.

Bientôt, les catastrophes qui sannoncent dans les désordres humains de la mondialisation, obligeront lO.N.U. à animer lO.M.S. dans un but très voisin. On le sait mais on ne veut pas y penser. On nanticipe rien, la prévention ne serait pas politiquement correcte. Alors, on attend en se limitant à subir le fait accompli, au coup par coup, toujours en « retard dune guerre ». La nature se chargera donc de la régulation, sans états dâme, avec sa violence coutumière illimitée. Ce sera autre chose que la poésie de leffet de serre.

SIDAKITOSE

« Toute ressemblance avec ... Etc. » nest quune formule juridique. Cela ne peut pas masquer la réalité qui veut que limagination de celui qui écrit ne soit quune broderie sur un tissu de vérités. Les broderies peuvent être lumineuses, blanches ou noires mais le fond restera quelque chose qui a un peu existé.

Les personnages de la broderie sont comme le fond du roman et les faits relatés. Si on les présentait tels quils furent, ils manqueraient souvent de relief. Quelquefois, il faut le reconnaître, ils nont jamais existé.

Les grandes guerres mondiales ont déplacé autant les fortunes que les populations. Dans les deux camps, le commerce fut florissant : « la bourse marche au son du canon ». Quand on fait le métier de brasser des sommes énormes, les notions morales comme le patriotisme et autres idéalismes, sont des choses sans autre intérêt que de pousser à la consommation, à toutes les consommations. Vous pensez bien que les besoins militaires, en temps de guerre, ne permettent pas de faire des appels doffres. On ne discute plus les prix. Cest encore pire quand le fournisseur appartient au camp adverse. Là, il y a des risques et tout doit se faire dans une discrétion absolue si on ne veut pas être accusé de trahison. En temps de guerre, cest puni de la peine de mort.

Ces marchés internationaux ont continué, pendant toutes les guerres, à approvisionner des belligérants qui navaient pas la possibilité de marchander. Par le biais des royalties des brevets et licences de fabrication ou de « transferts de technologies », des capitaux apatrides circulaient. Un simple jeu décritures, les relais des banques dun pays neutre, des participations diverses, et bien dautres astuces encore, permettaient de profiter des ruines que tant de pauvres types accumulaient avant dêtre couchés sous des croix de bois.

Ils pouvaient essayer de se révolter. Cela finissait en chanson :

« La butte rouge cest son nom.... »

Déjà en 1870/1971, ils sen étaient aperçus.

Les traces, qui ne sont que les mémoires des témoins, doivent être effacées, impérativement, quel quen soit le prix en argent ou en sang. Tout cela pour recommencer, plus scientifiquement, plus discrètement, mais le but reste le même. La myxomatose pour les lapins et la SIDAKITOSE pour les humains.

Cest cela la « broderie » ci-après.

CHAPITRE I - LA MORT

Le matin de chaque exécution c'était le tintamarre habituel. Une presque unanimité dans la participation qui n'avait rien à voir avec le comportement final du condamné. Certains, partaient résignés comme s'ils s'étaient préparés à l'inéluctable. D'autres, hurlaient leur refus de la mort, pleuraient, s'agenouillaient suppliants. Il fallait les ceinturer, les ligoter au poteau, un bâillon sur la bouche, pour que cessent l'affreuse panique et son concert de hurlements et de supplications. Les plus terribles étaient les silencieux qui refusaient la mort, espéraient toujours la grâce du dernier moment ou le cataclysme qui permettrait la fuite. Après, leur regard fixe gardait leur étonnement que la chose soit quand même arrivée. On en a vu aussi, debout, apparemment stoïques au bord de la fosse qu'on leur avait fait creuser, bondir juste dans un moment d'inattention, et réussir à s'enfuir au milieu des gerbes de balles mal ajustées par des tireurs surpris, trop pressés.

Lorsque la sentence de mort est prononcée par la blessure ou la maladie c'est un peu la même chose, mais si les espérances de sauvetage existent aussi, quelque chose d'inéluctable nécessite une préparation au départ définitif.

La religion aide beaucoup puisqu'elle vous garantit uns suite souvent idyllique. Les églises ont très bien travaillé dans la formation à la mort. Elles ont même prévu l'entraînement collectif au départ. Dès l'entrée de la chambre à gaz, malgré les larmes et surmontant la peur, ils n'avaient jamais chanté aussi juste; même les mécréants se prenaient au jeu, entraînés par la majorité, rassurés en se forçant à y croire un peu.

"Ce n'est qu'un au revoir, mes frères, ce n'est qu'un au revoir

" Oui, nous nous reverrons, mes frères.............."

Ceux qui gardaient la porte devaient être "blindés" pour ne pas broncher.

Au début; oui ! Il fallait des anciens bien rudes pour "amariner" les nouveaux. Ils y étaient aidés par les détenus qui assuraient les lavages et les manutentions des cadavres. Ces derniers n'avaient pas intérêt à faiblir pour ne pas se faire attribuer une entrée gratuite aux festivités.

Dans la vie courante, tous les cas se présentent dans le déroulement du processus inéluctable.

Le fortuit, l'inattendu, et l'arrêt brutal des fonctions vitales ne méritent pas beaucoup qu'on s'attarde à ce genre de fatalités. Par contre, la lente dégradation de la dégénérescence normale de l'âge, peut s'accélérer de manière sensible et évidente. Ce n'est pas la peine d'épiloguer sur le sujet, tellement il a été décrit, avec plus ou moins de bonheur.

Vérolé jusqu'à la moelle, GUY DE MAUPASSANT, une force de la nature, véritable taureau humain, a pris le nom de BEL AMI pour en parler mieux que personne. La syphilis connaît une évolution qui permet de bien réaliser l'accélération de la dégénérescence. STANISLAS était en parfaite communion avec Maupassant. Il se sentait incapable de vaincre sa pudeur pour en parler à ses interlocuteurs. Il avait mieux à faire pour leur faire comprendre quil était conscient de son état de santé et quil était inutile de se sentir obligé de lui donner de vains espoirs. Il lui suffisait de lire ce que le grand conteur normand avait écrit. Posément, sensibilisé jusquà lâme, au point de vivre ce quil leur lisait, sa voix était juste et troublante :

(Extrait de Bel Ami de Guy de Maupassant)

Avec son ami DUROY, après quelques idées générales sur les bassesses et les médiocrités du monde politique, il revenait à ses amertumes autrement sérieuses que les mesquineries de la politique.

« Il semblait surexcité et triste, d'une de ces tristesses qui tombent parfois sur les âmes et les rendent vibrantes comme la terre sous la gelée. Il reprit :

"Quimporte, d'ailleurs, un peu plus ou moins de génie, puisque tout doit finir !»

Et il se tut. DUROY qui se sentait le coeur gai, ce soir-là, dit, en souriant :

"Vous avez du noir, aujourd'hui, cher Maître."

Le poète répondit :

"Jen ai toujours, mon enfant, et vous en aurez autant que moi dans quelques années La vie est une côte. Tant qu'on la monte, on regarde le sommet, et on se sent heureux; mais, lorsqu'on arrive en haut, on aperçoit tout d'un coup la descente, et la fin qui est la mort. Ça va lentement quand on monte, mais ça va vite quand on descend. A votre âge on est joyeux. On espère tant de choses, qui n'arrivent jamais d'ailleurs. Au mien, on n'attend plus rien...que la mort."

DUROY se mit à rire :

"Bigre, vous me donnez froid dans le dos."

Norbert de VARENNE reprit :

"Non, vous ne comprenez pas aujourd'hui, mais vous vous rappellerez plus tard ce que je vous dis en ce moment.

"Il arrive un jour, voyez-vous, et il arrive de bonne heure pour beaucoup, où c'est fini de rire, comme on dit, parce que derrière tout ce qu'on regarde, c'est la mort qu'on aperçoit.

"Oh ! Vous ne comprenez même pas ce mot-là, vous, la mort. A votre âge ça ne signifie rien. Au mien, il est terrible.

"Oui, on le comprend tout d'un coup, on ne sait plus pourquoi ni à propos de quoi, et alors tout change d'aspect, dans la vie. Moi, depuis quinze ans, je la sens qui me travaille comme si je portais en moi une bête rongeuse. Je l'ai sentie peu à peu, mois par mois, heure par heure, me dégrader ainsi qu'une maison qui s'écroule. Elle m'a défiguré si complètement que je ne me reconnais pas. Je n'ai plus rien de moi, de moi l'homme radieux, frais et fort que j'étais à trente ans. Je l'ai vue teindre en blanc mes cheveux noirs, et avec quelle lenteur savante et méchante ? Elle m'a pris ma peau ferme, mes muscles, mes dents, tout mon corps de jadis, ne me laissant qu'une âme désespérée quelle enlèvera bientôt aussi.

" Oui, elle m'a émietté, la gueuse, elle a accompagné doucement et terriblement la longue destruction de mon être, seconde par seconde. Et maintenant je me sens mourir en tout ce que je fais. Chaque pas m'approche d'elle, chaque mouvement, chaque souffle hâte son odieuse besogne. Respirer, dormir, boire, manger, travailler, rêver, tout ce que nous faisons, c'est mourir !

"Oh ! Vous saurez cela ! Si vous réfléchissez seulement un quart d'heure, vous la verriez

"Qu'attendez-vous ? De lamour ? Encore quelques baisers, et vous serez impuissant.

"Et puis après? De largent ? Pour quoi faire ? Pour payer des femmes ? Joli bonheur ? Pour manger beaucoup, devenir obèse et crier des nuits entières sous les morsures de la goutte ?

"Et puis encore? De la gloire ? A quoi cela sert-il quand on ne peut plus la cueillir sous forme damour ?

"Et puis, après ? Toujours la mort pour finir.

"Moi, maintenant, je la vois de si près que j'ai souvent envie d'étendre les bras pour la repousser. Elle couvre la terre et emplit l'espace. Je la découvre partout. Les petites bêtes écrasées sur les routes, les feuilles qui tombent. Le poil blanc aperçu dans la barbe d'un ami, me ravagent le coeur et me crient : « la voila !»

"Elle me gâte tout ce que je fais, tout ce que je vois tout ce que je mange et ce que je bois, tout ce que j'aime, les clairs de lune, les levers de soleil, la grande mer, les belles rivières, et l'air des soirs d'été, si doux à respirer!"

Il allait doucement, un peu essoufflé, rêvant tout haut, oubliant presque qu'on l'écoutait. Il reprit :

"Et jamais un être ne revient, jamais...On garde les moules des statues, les empreintes qui refont toujours les objets pareils; mais mon corps, mon visage, mes pensées, mes désirs ne reparaîtront jamais.

Et pourtant il naîtra des millions, des milliards d'êtres qui auront dans quelques centimètres carrés un nez, des yeux, un front, des joues et une bouche comme moi, et aussi une âme comme moi, sans que jamais je revienne, moi, sans que jamais même quelque chose de moi reconnaissable reparaisse dans ces créatures innombrables et différentes, indéfiniment différentes bien que pareilles à peu près.

"A quoi se rattacher? Vers qui jeter des cris de détresse ? A quoi pouvons nous croire ?

"Toutes les religions sont stupides, avec leur morale puérile et leurs promesses égoïstes, monstrueusement bêtes.

"La mort seule est certaine."

"Pensez à tout cela, jeune homme, pensez-y pendant des jours, des mois et des années, et vous verrez l'existence d'une autre façon. Essayez donc de vous dégager de tout ce qui vous enferme, faites cet effort surhumain de sortir vivant de votre corps, de vos intérêts, de vos pensées et de l'humanité tout entière, pour regarder ailleurs, et vous comprendrez combien ont peu d'importance les querelles des romantiques et des naturalistes, et la discussion du budget."

Il se remit à marcher d'un pas rapide.

"Mais aussi vous sentirez l'effroyable détresse des désespérés. Vous vous débattrez, éperdu, noyé, dans les incertitudes. Vous crierez "à l'aide" de tous les côtés et personne ne vous répondra. Vous tendrez les bras, vous appellerez pour être secouru, aimé, consolé, sauvé; et personne ne viendra.

"Pourquoi souffrons-nous ainsi? C'est que nous étions nés sans doute pour vivre davantage selon la matière et moins selon l'esprit; mais à force de penser, une disproportion s'est faite entre l'état de notre intelligence agrandie et les conditions immuables de notre vie.

"Regardez les gens médiocres : à moins de grands désastres tombant sur eux ils se trouvent satisfaits, sans souffrir du malheur commun. Les bêtes non plus ne le sentent pas.".................

Puis levant la tête vers le firmament, où luisait la face pâle de la lune, il déclama :

Et je cherche le mot de cet obscur problème

Dans le ciel noir et vide où flotte un astre blême.

La morphine commençait à agir. L'élocution devenait de plus en plus lente, de plus en plus faible. Discrètement, on le laissa en repos dans une demi obscurité.

Le rabbin vint aux nouvelles :

"A-t-il parlé? Avez-vous réussi à le cuisiner adroitement ?

SAMUEL se retenait, gonflé de colère devant tant de rapacité. Il avait envie de botter les fesses de cet odieux individu, indifférent à la mortelle détresse du malade. Cétait pourtant son père adoptif, celui qui lui avait tenu la main pendant quil grandissait. Mais cétait aussi un soldat qui savait soublier pour remplir ce quil pensait être son devoir.

"Oui, il a beaucoup parlé. Il m'a même lu deux ou trois pages de MAUPASSANT avec lequel il se trouvait en parfaite communion."

Sifflant de rage comme un crotale, le rabbin se mit en colère :

"On ne vous paie pas des fortunes pour faire de la littérature ou de la philosophie. Vous êtes psychologue et on attend de vous qu'il nous révèle où les titres et les archives ont été cachés."

Le rabbin, peu enclin à subir la violence habituelle de SAMUEL, s'empressa de filer avant de déclencher une riposte.

Bien sûr, il se sentait fort, car il connaissait les conditions et encore mieux les commissions prévues pour avoir toute autorité sur le psychologue. En réalité, SAMUEL était diamantaire et si on lui avait attribué le rôle du psychologue auprès de STANISLAS, cétait simplement parce quil avait été son élève et son associé.

Rémission.

Dans son lit, calmé par la morphine, STANISLAS avait retrouvé son calme. Les stigmates de la douleur s'effaçaient peu à peu. Pendant que la préposée remettait de l'ordre dans la chambre, SAMUEL s'endormit dans son fauteuil.

Au petit matin, ils se retrouvèrent dans la même position. STANISLAS se réveilla joyeux, car, toute douleur avait disparu. Le médecin ne s'étonnait pas de la chose :

" Voyez, tout va mieux. Encore quelques semaines de traitement et vous repartirez guéri."

Il prit SAMUEL en aparté pour lui murmurer :

"Ce genre de rémission est fréquent, on va tout faire pour que cela dure."

La préposée entra, opulente, la croupe solide tendait la blouse quand elle se penchait. Il faisait chaud et on voyait bien qu'elle était pratiquement nue sous le nylon blanc qui devenait presque transparent quand il était traversé par un rayon de soleil.

STANISLAS ne put s'empêcher de lui dire combien il la trouvait belle. Il lui précisait les raisons de son admiration.

Elle protesta, en riant et en le traitant de vieillard égrillard et cochon; elle trouvait que le "shwein" qui sommeillait en lui aurait justifié une bonne absorption de bromure.

"Je n'ai pas le temps d'écouter vos âneries, si je ne veux pas faire des heures supplémentaires gratuites."

Il protesta en prétendant que c'était elle qui avait "l'esprit mal placé" et il l'invita à venir prendre le thé après son service. Elle n'avait rien répondu à son invitation, mais elle était à l'heure avec son plateau et les trois tasses fumantes.

En servant le thé, son décolleté s'entrebâillait et STANISLAS y plongeait un regard admiratif.

"A pile ou face, vous êtes toujours gagnante. A mon âge et dans mon état, vous ne pouvez douter de ma sincérité. D'ailleurs, quand je regarde une femme qui mérite d'être regardée je l'imagine toujours faisant l'amour. N'en concluez rien de lubrique. Cest un exercice étonnant, car, certaines beautés échouent à cet examen imaginaire, alors que d'autres très modestes le passent avec succès. Je n'ai, malheureusement, pas fait assez d'expériences pour en tirer des conclusions très sûres."

Instinctivement, elle redressait le buste et laissait sa jupe remonter sur ses belles cuisses, comme si elle voulait être avantagée dans la sélection proposée.

"Je ne croirai jamais à vos histoires, vous êtes un vicieux et on voit bien que vous aimez les femmes pour en tirer du plaisir sexuel."

Il ne lui donnait pas tout à fait tort, mais il essayait de lui faire comprendre que s'il aimait les femmes ce n'était pas que pour des raisons sexuelles.

" Bien sûr que j'aime les femmes, presque toutes les femmes. Pensez donc que c'est une femme qui m'a fait, qui m'a nourri, protégé, soigné, consolé. Elle n'était pas seule, il y avait des grand-mères, puis plus tard des logeuses, des repasseuses, des lavandières, des cuisinières, des infirmières et tout un monde d'amour qui dépassait la conscience professionnelle.

Tenez, les grands cuisiniers, ceux qui ont pignon sur rue, des étoiles dans les guides, me font bien rigoler. Ils ne seront jamais que des artistes de la cuisine collective. Celles qui m'ont nourri sont autrement brillantes. Et même vous qui me soignez, vous appartenez inévitablement à toutes celles que j'aime.

"Je vous ai déjà connue, ou plus exactement vous êtes la réincarnation de ce que j'ai le plus aimé. J'aime imaginer que vous êtes la fille d'une d'entr'elles."

Autant hier, il était désespéré comme le « BEL AMI » de Guy de Maupassant, autant aujourd'hui il voyait du soleil dans sa vie. L'opulence de son interlocutrice y était pour beaucoup. Même, sanglée dans son tailleur strict, cette beauté était impressionnante de féminité. Ce qu'elle entendait ne tirait pas à conséquence, quelle que soit l'audace des propos, venant d'un vieux mâle neutralisé par l'âge et la maladie. Elle pouvait donc se laisser bercer par la douceur des mots qui ne pouvaient que la flatter, en vantant sa beauté puissante.

"Vous prétendez que je ne vois dans les femmes que des engins de fornication avec un égoïsme purement masculin. Détrompez-vous et apprenez à mieux choisir et comprendre les hommes que vous aimerez. Avec les facultés de récupération de l'adolescence, ce que vous pensez est un peu vrai. Cela dure peu l'âge des "lapinades" et on en a vite fait le tour. Après, on se gaspille moins, surtout si la dame n'est pas une chipoteuse difficile à "émouvoir".

"C'est la différence qu'il y a entre le gourmet et le gourmand, entre la qualité et la quantité. Le gourmet quitte la table en gardant encore un peu d'appétit. Le gourmand se sature jusqu'au vomissement

Avec la femme aimée on ne peut qu'être gourmet, même si pour cela on doit résister pour ne chercher que la conclusion du bonheur de son aimée. Tant pis si, pour soi-même, on ne va pas jusqu'au bout. Ainsi, en la quittant, l'appétit reste entier. On sait bien que ce n'est que partie remise."

Il commençait à faire sombre. La belle cavale, émue par ces propos, n'avait pas vu le temps passer. SAMUEL fut invité à reconduire la dame.

Dans la voiture, elle voulut reprendre un peu bon sens :

"Dites donc? Ce vieux cochon ne s'y serait pas pris autrement s'il avait été en état de me faire la cour. Il a dû être un sacré cavaleur pour parler aussi bien de l'amour."

Il la laissa méditer ce qu'elle venait de dire, puis doucement, d'une voix charmeuse qui ne semblait pas lui appartenir, il lui confia :

"Je connais depuis vingt ans ses principes qu'il m'a inculqués. Il semait dans une terre fertile puisque nous avions les mêmes goûts. Il vient donc de parler pour moi. Si je vous en avais dit autant vous ne m'auriez pas écouté."

Il connaissait assez de choses de la vie privée de la dame pour ne pas prendre au sérieux son courroux de principe :

"Mais cher Monsieur, je suis une femme mariée."

Sans tenir compte de sa remarque, Il l'invita à dîner pour le lendemain, ce qu'elle accepta avec une réserve feinte qui ne trompait personne. Bien entendu, il imaginait la jubilation de STANISLAS lorsqu'il lui racontera, comme d'habitude, la belle aventure.

L'affaire ne fut pas aussi rapide qu'il l'avait pensé. Cela correspondait parfaitement avec la théorie des gourmets et des gourmands. L'attente ne fait qu'exacerber les désirs. Il lui fallut répondre à une sorte d'interrogatoire expliquant la fantastique amitié qui unissait le mourant et son disciple.

Pour cela, il fallait remonter le temps, bien avant la naissance de SAMUEL.

Le ghetto polonais

Comme dans un conte de fées, il était une fois une jeune fille du ghetto, presque hémiplégique à la suite d'une poliomyélite. Un remarquable prothésiste polonais qui avait développé son art à la suite des énormes mutilations subies par les soldats pendant la première guerre mondiale, fut appelé à son chevet.

Elle était d'une grande beauté. Il s'attacha à elle au point de se surpasser dans son art. Elle montrait bien que son infirmité ne lui permettrait pas d'espérer connaître l'épanouissement normal de sa féminité. C'est peut-être pour cela qu'elle tomba si facilement amoureuse de son dévoué Polonais malgré les interdits familiaux et religieux.

Il était déjà marié quand il s'abandonna à sa passion. Au début, il nétait pas très emballé par une aventure avec une infirme. Techniquement, cela posait des problèmes. Il crut sen tirer en rendant plus intimes les massages quil pratiquait pour décontracter les jambes irrégulièrement paralysées. Cest alors quil saperçut que la jeune femme avait besoin de reconstituer une musculature pelvienne pour retenir ses urines quelle ne maîtrisait pas dans les moments démotion. Par ailleurs, les efforts de tension quelle faisait pour résister à ces relâchements, lempêchaient de connaître la plénitude dun orgasme normal.

Il pratiqua ses massages affectueux en la mettant sur le siége des toilettes et en lui ordonnant de se laisser aller sans se soucier de rien. Pendant que sa main faisait les mouvements nécessaires, il lencourageait de la voix à sabandonner en la suppliant de lui inonder lavant bras. Elle obéit et ce fut si fort quil en fut tout ému. A force de répéter lexercice, il y prit goût et la pénétra en lui donnant de lui tout ce quelle voulait. Pour cela, il devait faire appel à toutes ses connaissances en anatomie afin de sadapter à la morphologie de linfirme. Lapplication quil y mettait recevait sa récompense dans la reconnaissance de sa patiente qui navait jamais espéré connaître ces choses-là. Cette passion, nourrie durines, était étrange, un peu irréelle, au point de ne pas ressembler, pour lui, à un adultère.

Il ensemença, presque en même temps, son épouse légitime et sa « cliente » et maîtresse. Il reconnut son fils illégitime. Ce double ménage connaissait une double réprobation religieuse. Les deux demi-frères grandirent sans se connaître. Leur ressemblance était celle de deux jumeaux.

Lorsqu'un vent d'antisémitisme emporta l'Europe dans le tourbillon de la guerre, le prothésiste envoya son fils légitime dans une ferme de la famille, perdue dans la campagne. Par le Danemark, il expédia sa maîtresse dans un hôpital, en Angleterre, et garda près de lui le fils illégitime avec l'identité de son demi-frère. Peu de temps après, son épouse décéda dune mauvaise pneumonie. Lui-même sentait ses forces décliner. Il recherchait toutes les solutions capables de protéger son fils juif.

Ce fils illégitime était STANISLAS et son père, par la substitution d'identité, assura sa protection autant auprès des Polonais que des Allemands, lorsque la Pologne fut envahie.

Pour assurer une sécurité maximum au garçon, il lui fit contracter un engagement dans l'armée allemande. Automatiquement, puisqu'il n'était pas de nationalité allemande, il fut embrigadé dans la SS.

Il eut droit à l'entraînement plus que sévère dont s'enorgueillissait la SS et fut affecté dans les "tottenkopf ", après avoir été blessé sur le front russe. C'est ainsi qu'il devint gardien d'un camp d'extermination.

Elevé dans la religion du peuple élu, il dut participer à l'extermination de ses coreligionnaires.

Lorsqu'il venait en permission, son père devait l'aider à surmonter ses répugnances en lui faisant ressortir combien il pouvait agir pour apporter un peu d'humanité à ses victimes obligées. Là où il était placé, STANISLAS était le mieux protégé.

Quand il était de service aux gazages, il n'y avait plus avec lui que des détenus qui agissaient pour procéder aux corvées de déshabillage, de chargement puis de déchargement des chambres à gaz, de leur ventilation et de leur lavage au jet d'eau. C'est là qu'on s'apercevait qu'à l'effroi des débuts succédait la résignation de la routine.

Dans les balayures de la chambre à gaz, on trouvait des doigts de mains ensanglantés. C'est ce qui restait après sectionnement à la pince coupante en vue de la récupération des bagues de valeur qui avaient échappé aux investigations du déshabillage. Ces récupérations étaient réalisées par les détenus qui étaient affectés à l'évacuation et au lavage des faux bains-douches.

Le sauvetage de SAMUEL.

Il avait fallu un étrange hasard pour qu'un bébé puisse survivre à l'épreuve de la chambre à gaz. Peut-être que les chutes de sa mère et de ceux qui étaient près d'eux, l'avaient assommé et maintenu en syncope jusqu'au moment où les ventilations ont pu le réoxygéner.

A ce moment-là, les autres gardiens étaient en train de fouiller les bagages et vêtements des victimes du gazage. Il n'y avait que STANISLAS pour surveiller la sortie de la chambre mortelle. Il appela un détenu en lui montrant le bébé et en lui expliquant, par gestes, qu'il fermera les yeux pendant qu'ils mettront l'enfant en sécurité.

Il n'entendit jamais parler de l'affaire et fut ainsi certain de la réussite du sauvetage jusqu'au jour ou, pendant sa surveillance d'un commando de défrichage, un détenu lui glissa dans la main une boule de papier contenant une bague portant un gros diamant.

Son enquête discrète lui apprit que ce détenu était un prisonnier politique allemand dont les connaissances linguistiques assuraient la protection. En effet, on lutilisait comme « Kapo » pour diriger les commandos de travail parlant tous les dialectes dEurope. STANISLAS se rapprocha de lui en se portant volontaire pour la surveillance de ces commandos.

Lorsque l'avance des troupes russes se précipita, les évacuations déjà commencées furent arrêtées par le manque de moyens de transport. Les essais d'évacuations par colonnes pédestres ne pouvaient plus être envisagés pour des gens physiquement diminués par les brimades et les privations.

Quand l'encadrement, réduit par les désertions, se trouva submergé par la masse des détenus, les représailles commencèrent. Ceux qui en avaient encore la force se mettaient à plusieurs pour faire subir à leur tortionnaires ce qu'ils méritaient. Quand STANISLAS se retrouva sous le gibet, mains liées derrière le dos, il eut la chance de voir se dresser ses défenseurs. Il les reconnut. C'était l'équipe des détenus chargés des chambres à gaz à qui il avait confié le bébé, miraculeusement sauvé de l'asphyxie collective. Celui qui lui avait offert la bague semblait être leur chef.

Il eut beaucoup plus de difficultés pour convaincre les troupes russes qui libérèrent le camp.

Avec son uniforme et le tatouage de son groupe sanguin, il était bon à fusiller. Par bonheur, un juif russe put plaider sa cause auprès d'un Officier Russe. Considéré comme prisonnier de guerre, il réussit à survivre dans la cohorte famélique qui partait vers l'Est.

Son père mit tout en oeuvre, avec l'aide de la communauté israélite, pour obtenir son rapatriement à la faveur d'un échange de prisonniers.

A partir de ce jour, cet exceptionnel témoin des horreurs des camps d'extermination vit sa vie facilitée jusque dans les Amériques.

Il revint en Europe pour se mettre au service d'un financier qui faisait fortune en achetant à bas prix les billets de cinq mille francs en cours d'échange en France.

Par le plus grand des hasards, il retrouva à Anvers le jeune SAMUEL devenu apprenti diamantaire. De ce jour, ils ne se quittèrent plus et des rapports filiaux s'établirent naturellement entre le vieux soldat et le jeune homme qui lui devait un peu la vie.

Avec beaucoup d'omissions, c'était presque leur vraie histoire. Elle l'écouta, très émue, pénétrant sans s'en rendre compte dans l'intimité de son interlocuteur.

Il guetta, patiemment, toutes les occasions qui pouvaient lui permettre de connaître la dame. Lorsqu'elle lui proposa de lui rendre son invitation en organisant un dîner dans son appartement, il commença par refuser :

"Non ! Madame, ce ne serait pas honnête de ma part, avec les sentiments que je vous porte, d'imposer ma présence à votre mari."

Cette façon détournée de déclarer sa flamme pouvait le conduire à l'échec. Il en prit le risque et ce fut bien joué.

"N'ayez aucun souci à ce sujet. Mon mari m'a quittée, il y a presque un an. Il était très beau, très élégant mais un peu vaniteux. Je l'aimais sincèrement, mais il ne supportait pas que je sois un peu plus grande que lui. Il prétendait que je le dominais et ne pouvait l'admettre."

Elle acceptait donc la déclaration en maintenant son invitation. Le lendemain, STANISLAS était toujours dans l'euphorie de la rémission. Il accueillit SAMUEL avec un sourire égrillard qui posait en silence une question évidente. Il eut droit au rapport :

"Non, STANISLAS, pas encore, mais les choses sont en bonne voie, notre JUNON est libre et les opérations d'investissement de la forteresse se feront demain sur son terrain. J'espère me montrer à la hauteur."

Le vieux était déchaîné, vibrant d'enthousiasme, heureux pour son "poulain".

"Bravo, SAMUEL, mais n'oublie pas que c'est elle qui doit prendre l'initiative et conduire le bal.

Toi, tu ne décides rien, Comme à la pèche, tu attends la touche avant de ferrer le plus doucement possible et tu tefforces de tenir la distance. Tu es un veinard, je voudrais bien être à ta place, avec ton âge et ta santé."

Les épousailles bibliques;

STANISLAS avait vu juste ; dix mois de chasteté, la rendaient très "demandeuse". Dans l'intimité de leur dîner d'amoureux, il lui exprima son regret qu'elle ne soit pas dans sa tenue d'hôpital qui mettait, rien qu'en ombres chinoises, sa sculpturale beauté en valeur.

Entre deux plats, elle changea sa robe distinguée pour un déshabillé vaporeux encore plus suggestif que sa blouse de nylon. Il comprit alors que la "place" se rendait en abandonnant tout combat d'arrière-garde. Maintenant, il suffisait d'attendre qu'elle prenne l'initiative des opérations.

Elle les prit avec la précipitation de l'urgence, de la fringale contenue et avec une autorité à laquelle il eut été vain et néfaste de s'opposer. Pire, il fallait se comporter en "homme objet" en limitant la prestation à un accompagnement discrètement affectueux. Pour tenir la distance, devant cette force de la nature, un maximum de retenue était indispensable. Il suffisait à SAMUEL de penser à son vieil ami et à ses leçons pour assurer le contrôle indispensable à la réussite, donc au bonheur.

De toute évidence, des liens définitifs venaient de ce nouer par ce mariage biblique. Ils devinrent un vrai ménage profondément uni, tant par la passion charnelle que par une harmonie générale dans le couple.

"Pourquoi m'appelles-tu JUNON ?»

Elle lui posait cette question en sortant de son bain et l'image de sa nudité rendait la réponse évidente.

"Elle était une déesse, comme toi. C'était la déesse de la féminité, de la fécondité. Elle était forcément ta mère et, ce qui est encore plus certain, c'est que tu es une de ses rares descendantes."

Le rapport que le nouvel amoureux dut faire à son maître ne manquait pas de piquant malgré la pudeur qu'il apporta à sa narration. Il n'osa pas avouer la profondeur de ses sentiments et l'admiration qu'il portait à sa JUNON.

Fort du succès de son « poulain », et en connaissance de cause par la narration quil lui fit de ses exploits, il nhésita pas à pousser son infirmière à la limite de lexaspération. Le soleil du matin traversait la blouse blanche de nylon en dessinant les formes enveloppées dans les dentelles du slip. Il nhésita pas à lui en faire compliment.

« Voyez-vous cette lumière du soleil matinal moffre ce que vous avez de plus beau à moffrir.

Ce que voient les yeux nest rien en comparaison de ce quils composent en notre âme. Ainsi, vous memmenez sur votre mont de vénus, à peine ombré par la toison dor. Vous me donnez faim. Non ! Non ! Je nexagère pas, cest exactement ce qui occupe ma pensée. Ce nest pas facile à exprimer. Avec les raccourcis triviaux de la vulgarité des timides, jemploierais un autre langage. Par charité, pour un vieux bonhomme usé, en équilibre instable au bord de sa tombe, vous pourriez faire le don rêvé. Cela ne vous coûterait rien et jirais au paradis...enfin presque, puisque donner nest pas forcément désirer et que la charité na jamais rien eu dede très excitant.»

Elle aussi, voyait son imagination galoper au son de ces paroles dune telle sensualité quelle naurait pas pu dire si elle ne désirait pas lui donner un dernier bonheur. Qui sait ce que la passion dernière peut engendrer, autant dans ce quon reçoit que dans ce quon donne.

Elle donna tout ce quelle put à SAMUEL, qui bénéficiait ainsi de la préparation psychologique que STANISLAS lui faisait. Un grand bonheur se dessinait, ce qui le rendait inconsciemment inquiet pour lavenir.

Son seul regret, ou plus exactement son seul souci qui perturbait son bonheur, s'appelait "le rabbin". Tous les jours, il venait aux nouvelles et il fallait le tenir en haleine en imaginant des progrès dans les révélations attendues.

Les dossiers cachés :

Le Kapo polyglotte avait transmis à STANISLAS le secret de laccès à des dépôts de documents « explosifs ». STANISLAS avait exploité tous ceux qui contenaient des valeurs matérielles réalisables à court terme. Cela sétait su. Comment ? Cest difficile à dire.

SAMUEL savait que la révélation entraînerait sa condamnation. Tant qu'on aurait besoin de lui et tant qu'il garderait le secret, il aurait une chance d'échapper à ses bourreaux. La tentation était grande d'accéder aux dépôts et de lire les dossiers explosifs que la diaspora américaine redoutait, autant que ses correspondants germaniques et soviétiques. Que pouvaient-ils contenir ? Que révéleraient-ils d'inavouable des relations qui avaient existé pendant tout le conflit entre les Amériques, l'Allemagne hitlérienne et la Russie soviétique. Bien sûr, on savait que les royalties des brevets américains, exploités par l'Allemagne, avaient été régulièrement versées aux intéressés, via la Suisse ou même directement par les banquiers des Amériques. Une rumeur courait sur un refus de New York de fournir, gracieusement à l'Allemagne, les camions nécessaires au transfert des détenus juifs des camps de concentration jusquen Palestine. Etait-ce cette crainte de devoir reconnaître n'avoir pas cru au futur génocide qui expliquerait l'acharnement meurtrier à récupérer les dépôts cachés ? Ny avait-il pas un souci de se ménager le monde musulman déjà anglophobe ?

Seule, la lecture des fameux dossiers pouvait apporter une réponse. Compte tenu de la surveillance dont SAMUEL était l'objet, même si STANISLAS lui révélait l'emplacement des cachettes, il ne pourrait pas y accéder en toute sécurité.

Il décida d'informer STANISLAS des pressions quil subissait et d'agir de concert pour assurer sa protection, si toutefois c'était possible.

CHAPITRE II -

La vraie histoire

Il manquait beaucoup de choses dans ce que JUNON entendit de cette affaire. Elle navait pas besoin den connaître tous les détails.

Les "résistants" du camp avaient déjà eut, avant d'être arrêtés, une activité clandestine importante. Aidés par les sympathisants allemands qui se firent condamner avec eux, ils avaient mis à l'abri une véritable fortune en pierres précieuses, oeuvres d'art, titres au porteur et devises diverses, pour financer leurs projets démigration et dactions protectrices des minorités destinées à l'extermination. Les dossiers des négociations et d'autres archives secrètes accompagnaient les valeurs secrètement enterrées. Par ailleurs, ceux qui étaient condamnés à lextermination avaient aménagé des dépôts de valeurs, pour y dissimuler leurs fortunes, bien avant dêtre arrêtés et expédiés vers les camps.

Celui qui avait remis la bague à STANISLAS, peu avant de mourir sous les balles des gardiens, lors de la révolte finale des détenus, lui avait confié un document précisant les lieux et le montant des valeurs des dépôts. Il ne lui donnait aucune consigne quant à la destination souhaitée du document. Cette marque de confiance, il la lui accordait, car, il savait qu'il était juif par sa mère. Déjà, lors des corvées agricoles, ce prisonnier allemand était le KAPO de léquipe, ce qui lui permettait des contacts avec les gardiens. Il avait raconté son histoire au seul gardien en qui il avait confiance.

Un Allemand victime de la Gestapo

Ancien camarade décole de Joseph GOEBBELS, il lavait suivi dans sa recherche demploi de journaliste. Ceux qui tenaient alors les commandes de la presse allemande, ne recrutaient que dans leur milieu. Ce népotisme excessif, qui leur est habituel depuis toujours, ne fit quexacerber les griefs qui conduiront aux drames. Dès que GOEBBELS vit son étoile briller au firmament du nazisme, il fit entrer son copain au Ministère des affaires étrangères. Là, il apprit les secrets du « chiffre » et devint un homme de confiance aux fortes responsabilités. Il était même irremplaçable, car, sa connaissance des langues orientales, entre autres, en faisait une sommité dans ces spécialités.

Toutes les tractations secrètes entre les Amériques, la Russie et lAllemagne, passaient entre ses mains. Cétait une position dangereuse. Par précaution, il réalisait des microfilms quil planquait en vue de se constituer une monnaie déchange éventuelle. La montée de lantisémitisme, tant quelle navait pour objectif que lexpulsion des juifs de lEurope, lui était compréhensible. Il avait à leur égard ses griefs des années de galère et de chômage, mais cela ne lempêchait pas de refuser les généralisations à la mode. Cest ainsi quil protégea un excellent fonctionnaire de son ministère de la mise à pied dont il risquait dêtre menacé si on sapercevait de ses origines réelles. Cet adjoint zélé ne travaillait quavec lui et, tant quil en fut ainsi, il ne fut pas inquiété. Tout se précipita pour dinattendues questions de santé. En effet, on lui avait trouvé une anomalie pulmonaire qui savéra bientôt un début de tuberculose. Son état de santé le fit admettre dans un sanatorium du Tyrol. Cest là quil constitua une deuxième « cache » pour des microfilms. Pendant son absence, son adjoint, sans sa protection, fut interrogé par la Gestapo qui avait enquêté sur ses origines familiales israélites. Il avoua ce quil connaissait des prises de vues de documents opérées par son supérieur.

Au sanatorium, la gestapo larrêta. Il subit de lourds traitements visant à lui faire avouer des activités despionnage. Bien sûr, les copies photographiées furent facilement couvertes par les nécessités de service. Rien ne révélait quil en avait conservé des microfilms. Désormais, même si son innocence était prouvée, il en savait trop et fut envoyé dans un camp de concentration. Là, il nétait pas un détenu ordinaire, car, on lui donnait des responsabilités administratives et techniques.

Lorsquil fut affecté au camp dextermination, cétait pour remplir les fonctions dinterprète. Des réseaux sétaient organisés pour aider à la survie des plus faibles. De largent parvenait à ces réseaux et des complicités purent ainsi être achetées chez les gardiens. Un service médical clandestin était doublé par une section de ravitaillement. Des vivres, des sous-vêtements chauds et des médicaments parvenaient ainsi, avec bien des difficultés, à soulager quelques misères. Les récupérations des bijoux des victimes de la chambre à gaz constituaient une des ressources du réseau.

Il avait écrit une longue lettre à son ami Joseph GOEBBELS, en lui demandant de le sortir du camp de concentration. Il ne reçu aucune réponse mais il eut la visite dun homme de confiance du Ministre de la propagande. Il lui expliqua que son dossier était aux mains des services secrets et quaucune intervention en sa faveur nétait possible, sauf pour adoucir sa vie dans le camp. Cétait déjà beaucoup, car, il obtint un poste de confiance où sa culture linguistique le rendait indispensable. Sur le plan de la nourriture, de lhabillement et du logement, il fut privilégié.

Dans les sous-sols du ministère des affaires étrangères, à Berlin, abrité dans un véritable sarcophage de béton, dormaient les documents les plus étonnants de lhistoire de la deuxième guerre mondiale. Révélés au monde, ils renverseraient la récupération politique qui faisait la fortune de certains. Leurs copies, réduites en microfilms, étaient à labri dans les galeries techniques dun sanatorium tyrolien.

SAMUEL en concluait que les dépôts étaient de deux sortes : les valeurs dun côté et les dossiers politiques de lautre. Il eut était facile dabandonner à chacun ce qui lintéressait. STANISLAS navait pas lintention dagir en renégat et se contenterait des valeurs. Jamais le rabbin ne voulut de cette proposition et SAMUEL comprit quil les condamnait à mort, tous les deux, sitôt remises les cartes des dépôts. Le rabbin ne partageait pas cette idée. Il prétendait quau poste quil occupait, cétait lui seul qui décidait des éliminations physiques. Cétait peut-être vrai, mais pour combien de temps encore. Il était étonnant que pour un agent aussi expérimenté, il soit aussi peu clairvoyant et obnubilé par son affection pour son fils adoptif.

Libération du camp et retour à la vie civile

Aussitôt libéré et lavé des accusations de crimes de guerre généralisées à tous les SS, STANISLAS retrouva la vie civile. Son demi-frère, homosexuel notoire, navait pas été mobilisé mais il avait suivi le colonel avec lequel il sétait mis en ménage comme ordonnance privée. Il était mort à KATYN. Même après des recherches poussées, il ne retrouva pas trace de ses parents. Son père avait disparu lors de la libération manquée de Varsovie par la résistance polonaise. Les massacres qui suivirent navaient, on le sait, connu aucune opposition de la part des troupes soviétiques.

La vente de la bague lui assura des ressources importantes. Sa première tâche fut la recherche des fameux dépôts. Le document était extrêmement précis, mais les destructions de la guerre rendirent les recherches difficiles. Il les retrouva presque tous, sauf ceux qui étaient en zone soviétique.

Les emballages étaient soigneux et paraffinés pour résister à l'humidité. Ils étaient contenus dans une caisse en aluminium ou en alliage d'aluminium résistant à la corrosion et aux rongeurs. Ce métal non magnétique était difficile à détecter.

Seules, les valeurs l'intéressaient. Les documents d'archives prenaient un volume trop important et ne pouvaient servir que de matière à chantage. Le mieux était de les laisser dormir où ils étaient et d'oublier leur existence. Les microfilms étaient cachés dans le sanatorium du Tyrol, mais les plans daccès étaient contenus dans un boite noyée dans le béton dun blockhaus, construit auprès du camp de concentration.

L'inventaire des valeurs révélait une vraie fortune. Malheureusement, cela n'était pas négociable d'une façon discrète, par grandes quantités. La revente des pierres, au fur et à mesure de ses besoins, suffisait à lui éviter les soucis matériels. C'est à cette occasion qu'il fit la connaissance, à ANVERS, d'un financier spécialisé dans les diamants. Ce brillant israélite gagna beaucoup d'argent dans des opérations de change portant sur les fameux billets de cinq milles francs que le GPRF (Gouvernant provisoire de la République Française) retirait de la circulation.

Les anciens "collaborateurs" et les "profiteurs de guerre", spécialistes du marché noir, disposaient d'importantes quantité de ces billets et ne tenaient pas à en justifier l'origine. Beaucoup d'entre eux quittaient la France pour l'Amérique du Sud et devaient se débarrasser de cet argent sale. Le financier "belge" leur rachetait, en devises étrangères, tous leurs billets pour la moitié de leur valeur. STANISLAS se glissa dans le circuit en payant ses achats avec des titres au porteur, ou des diamants et autres bijoux, beaucoup moins encombrants, pour franchir les frontières, que des billets de banque d'authenticité difficilement contrôlable.

Il voyageait beaucoup pour disperser ses échanges dans le plus grand nombre possible dagences de la Banque de France. De Belgique, il transitait par la Suisse pour se constituer un magnifique portefeuille de valeurs mobilières américaines.

La traque permanente.

Il ne s'aperçut pas vite de la surveillance dont il devint l'objet. Sa fortune lui avait permis de reprendre ses études de minéralogie à l'université de Bruxelles. Il les continua dans une université américaine pour se spécialiser dans la recherche pétrolière. A New York, à la synagogue qu'il fréquentait, il retrouva d'anciens détenus de son camp d'extermination. C'est ainsi qu'il apprit que le bébé qu'il avait permis de sauver, avait été adopté par un haut fonctionnaire surnommé « le rabbin » et s'était engagé dans l'apprentissage du métier de diamantaire.

Leur rencontre fut organisée, soutenue, encouragée d'une manière curieusement insistante. Il mit cela sur une certaine émotivité exubérante, propre au milieu des rescapés des camps de la mort. Le Jeune SAMUEL était un beau garçon au regard franc et ouvert. Il avait pour STANISLAS beaucoup d'affectueux respect. Ils revinrent ensemble en Europe pour monter une affaire de pierres précieuses. A cette occasion, STANISLAS dévoila l'origine de sa fortune, sans se rendre compte que SAMUEL savait tout cela puisque sa mission consistait à connaître l'emplacement des fameux dépôts.

"STANISLAS ? Quand irons-nous visiter les dépôts ?»

La question était volontairement directe.

"Pour quoi faire? Ce qui y reste de valeurs est très réduit, et je ne vois pas l'intérêt de récupérer des documents d'archives."

SAMUEL s'était trop attaché à STANISLAS pour continuer sa mission d'espionnage. Au contraire, il voulait maintenant le protéger et l'informer des menaces qui pesaient sur lui. Il lui fit ses confidences et conclut :

"Il ne faut surtout pas y retourner, car, nous sommes sous surveillance et dès que le rabbin sera en possession des documents, notre peau ne vaudra pas cher."

Il fallait donc temporiser, inventer des scénarios "bidon" et créer l'impression que les lieux des dépôts étaient bouleversés à la suite d'urbanisations. De ce jour, commencèrent de grandes activités touristiques. SAMUEL rendait compte régulièrement au rabbin, de l'avancement des recherches. Il lui fournissait les cartes et les plans, aussi vraisemblables que possible, de tous les lieux visités.

Le fait qu'aucun dépôt n'ait pu être trouvé, commença à faire douter du sérieux des recherches. Heureusement, vers les Pyrénées, existait un dépôt qui contenait des archives et des valeurs qui ne pouvaient pas être négociées dans l'anonymat. Il fut révélé au rabbin pour lui prouver la bonne foi des deux hommes et garantir la sincérité de leur concours.

A aucun moment il ne se douta de leur complicité, nécessaire pour ne pas révéler le secret qui constituait leur survivance.

SAMUEL insistait beaucoup pour convaincre les services du "rabbin", que STANISLAS ignorait complètement le contenu des documents. Jamais ils ne voulurent le croire, même après longtemps quand il était évident qu'aucune trace, ni aucune suite, ne découlaient de l'affaire.

Pour eux, l'existence des dangers potentiels constitués par l'existence des documents et le témoignage de l'ancien SS juif, justifiait la constance de leur mission. Il en est ainsi dans tous les "services secrets", surtout quand ils sont dirigés par des militaires professionnels. C'est pire encore lorsque des motifs religieux ou idéologiques animent ces services. En conséquence, la mission de SAMUEL était prolongée. Il percevait ses rémunérations et ses notes de frais étaient réglées sans discussion.

L'hospitalisation de STANISLAS entraîna un sursis et des prolongations. En effet, l'affection pulmonaire qu'il fallait soigner dans un établissement spécialisé changea la conduite de sa mise en condition.

Les deux compères se laissèrent abuser et ne comprirent pas que le médecin Chef réalisait un traitement visant plus à affaiblir le malade qu'à le soigner. Ils auraient pu remarquer les attentions du personnel pour le distraire avec des livres, du matériel pour écrire, des facilités de communications téléphoniques. Ce dernier point fut facile à surveiller, car, boursicoteur de première force, il n'arrêtait pas de passer des ordres à ses agents de change et à ses banquiers. Il est des natures pour lesquelles rien ne peut ralentir les affaires.

Bien entendu, ses communications téléphoniques étaient surveillées. C'est ainsi que fut connue la banque où il avait son coffre. De la même façon ses notaires, tant en Belgique qu'en Suisse et aux USA, purent être surveillés. Peu à peu, une résille enveloppa les affaires de STANISLAS sans qu'il s'en rende compte.

Il était quand même méfiant et en disait le moins possible à son futur héritier. Tout ce qui concernait le repérage des fameux dépôts, était confié à un seul notaire avec la consigne de diffuser, par voie de presse, les documents au cas où il lui arriverait malheur par action violente; empoisonnement ou accident volontaire. Tous les mois, il informait ce notaire de son état physique. SAMUEL connaissait ces dispositions, donc le rabbin savait, par lui, qu'il fallait y aller en douceur pour ne pas provoquer un scandale international. Le risque était limité puisque le contrôle de la presse était assuré. Un dérapage était toujours possible et l'objectif restait la récupération des documents de repérage des dépôts cachés.

Lanniversaire de JUNON

STANISLAS, abruti de médicaments sendormait tôt. SAMUEL partait vite faire ses courses pour préparer le repas du soir.

Gourmande en tout, elle était pleine dadmiration pour les talents culinaires de son amant. Le soir de son anniversaire, au beau diamant offert par STANISLAS, il se contenta dajouter un fantastique gueuleton.

Pourtant, elle avait une nouvelle inquiétante à révéler. Elle lui remit un tube de petites pilules marron en lui demandant de les faire analyser. Elle ne donnait plus ces médicaments à STANISLAS et cest ainsi quelle expliquait son étonnante rémission. Leuphorie permit doublier ce souci et il lui raconta son enfance.

« Jai été adopté par un soldat américain des services administratifs surnommé le RABBIN. Il nétait pas du tout rabbin, mais il en avait lallure. Il travaillait pour les services de renseignements de larmée américaine.

Mon enfance a été très heureuse et vagabonde, dune ambassade à lautre. Mes parents adoptifs ne mont jamais caché mes origines. Ils ne pouvaient pas avoir denfants et jai ainsi reçu de ma mère adoptive une affection sans concurrence. Mon père fut toujours un homme très secret, par déformation professionnelle. Mes changements décole ont été très nombreux et mimposaient un effort permanent ne serait-ce que pour assimiler les langues étrangères.

Javais quinze ans quand un cancer emporta celle qui fut ce que je chérissais le plus au monde. De ce jour, je ne connus que les pensions anglaises où je fis de sérieuses et agréables études. Pendant mes vacances, je rejoignais mon père avec lequel je ne passais que quelques semaines en voyages à caractères culturels. Cest ce qui mapparaissait alors quen réalité, il avait toujours une mission discrète à remplir. Cette mission devait tenir compte des circonstances et se confondre parfaitement avec les vacances. Je ne me suis jamais aperçu de rien. De la même façon, je nai jamais su sil avait une vie sentimentale ou « sexuelle ». Je ne lai jamais vu, non plus, regarder une belle femme avec léclat de lumière habituel à tous les hommes admiratifs. Les femmes ne semblaient pas lintéresser. Il était plus facilement ému par les choses artistiques, surtout larchitecture, la peinture et la sculpture. Les lettres ne lattiraient pas et il nécrivait jamais. Cétait, peut-être, une forme de déformation professionnelle, de discrétion obligatoire. Un jour, il ma expliqué que toutes les organisations humaines clandestines finissent par se trahir à cause dun excès décriture et dun goût immodéré pour la paperasserie. Il mencourageait à cultiver ma mémoire en prétendant que cétait ce qui constituait la part la plus importante de lintelligence. Cest ainsi quil était devenu une force de la nature dans le calcul mental. Malgré son peu dintérêt pour les « lettres », il était capable de réciter des poèmes, des fables et des tirades entières du théâtre classique.

Je nai jamais pu connaître ses sentiments à mon égard, ni séparer ce qui ressortait du devoir ou de laffection.

Le pèlerinage

Pour pénétrer lEst de lAllemagne, la meilleure solution était de sincorporer à un voyage organisé à loccasion dun pèlerinage de commémoration de la libération des camps de concentration. On était au mois de mai et le printemps était en avance. Plus on allait vers lEst et plus on avait de soleil. En arrivant dans la petite ville la plus proche du camp, les deux compères se rendirent à la mairie. Là, STANISLAS put apprendre que celle dont il avait quitté la couche, lorsque le mari était revenu du Front Russe, libéré de son camp de prisonniers pour soigner de graves blessures, habitait la même adresse. Le mari avait succombé rapidement à ses blessures. Il ny avait donc aucun obstacle à des retrouvailles. Le temps et les épreuves avaient transformé ce que le souvenir avait conservé. La petite fille quil avait bercée quand il remplaçait son papa, était devenue ce que sa mère était autrefois. Cest en tout cas ce quil dit à SAMUEL. Bonne occasion, sous prétexte de ne pas perturber les retrouvailles des anciens, pour sortir la belle blonde. Ce nétait pas lenvie qui manquait aux tourtereaux, mais le temps trop compté ne pouvait laisser que de doux regrets.

La première journée de visite collective des vestiges du camp fut complétée, pour SAMUEL, par les souvenirs de son mentor. Il se retrouvait dans létat physique du prisonnier « KAPO » dont il avait vu la rapide dégradation.

« Ce nest pas dans ce camp quil pouvait soigner sa tuberculose. Il était conscient, à chaque fois quil crachait ses poumons, de la proximité de léchéance. Il ny pouvait rien et la fréquentation quotidienne de la mort le conduisait à une certaine résignation.

Cétait un athée profond, mais de conscience et de morale chrétienne. Il expliquait quil se consolait de la brièveté de sa vie en aidant les autres et en ne reniant jamais ses convictions.

Cétait, exactement, la dégénérescence accélérée par la maladie, comme Maupassant la décrit.

Jétais son confident et son conseiller pour ses relations avec les gardiens dont il fallait particulièrement se méfier. Parmi les SS Tottenkopf, il ny avait pas que des salauds, mais surtout des froussards qui navaient pas envie de retourner sur le front Russe. A la moindre incartade, cétait la mutation assurée, ou le poteau dexécution.

Lorganisation clandestine, à laquelle tu dois dêtre là, était exemplaire defficacité. Mon tuberculeux était organisateur officiel des commandos. Il sétait fait bien voir de la hiérarchie SS et en obtenant des suppléments de nourriture pour ses équipes. Avec des motivations de patriotisme, il fit un rapport basé sur un rendement maximum de la main duvre. Cétait étudié, à lAllemande, avec des calculs, des bilans énergétiques et un vibrant plaidoyer destiné à SPEER qui était responsable de la production allemande.

Il avait préconisé les distractions de plein air par du jardinage de tous le terrains favorables. Les pommes de terre et les haricots furent produits et récoltés de manière à en subtiliser la majeure partie pour sustenter ceux qui en avaient le plus besoin. Jétais volontaire pour surveiller les équipes de jardiniers bénévoles. Cela me permettait des contacts plus faciles. Cest comme cela que jai appris que les parterres, appuyés aux vides sanitaires des baraques, masquaient des travaux souterrains. Ils avaient été constitués à laide des déblais quil fallait cacher. De véritables caves voûtées servaient de planques, et aussi de logements clandestins, où le bébé SAMUEL put être élevé sans quon lentende de lextérieur.

Cest comme cela que jai appris tout ce qui nétait pas avouable dans cette guerre de lombre et des affaires.

Mon Kapo savait bien que sil était encore en vie, cest que son échéance finale était naturellement toute proche. Ses documents en microfilms étaient remplis de noms qui nappartenaient pas à la liste des futurs « criminels de guerre » du tribunal de Nuremberg. Des deux côtés de lAtlantique, ils pouvaient se donner la main, pour éliminer les dernières traces susceptibles de faire réécrire autrement lhistoire des deux dernières guerres mondiales.

Mieux encore, les documents faisaient ressortir que leur équivalent ne pouvait exister entre le Japon et les U.S.A. ».

Le lendemain, par le truchement de la vieille maîtresse de STANISLAS, ils purent louer une voiture et emprunter quelques outils, à savoir : marteaux et burins de maçon, une pelle, une pioche et, plus inattendu, une boussole.

Ils ne retournèrent pas au camp où les visites et les cérémonies se poursuivaient. STANISLAS guida la voiture jusquau marais. En cette saison, le lieu était plaisant et, comme tous les marais, peuplé dune variété colorée doiseaux.

« Oui ! Cest très beau un marais quand on sait le voir. Il suffit de sallonger dans les hautes herbes pour goûter le charme des reliefs inattendus. On peut, avec un peu dobservation, sy aménager des « caches ». Il y a des oiseaux, des odeurs et toute une vie qui grouille dans ce bouillon de culture végétale plein dhumidité.

En hiver, cest alors autre chose. Cest spongieux, à moitié gelé avec un ciel bas, sombre et lugubre. Les malheureux détenus, navaient pas grand-chose pour les couvrir. Cela toussait, crachait et seffondrait en titubant. On ramenait souvent des cadavres qui rejoignaient ceux de la chambre à gaz dans le crématoire.

Pour exécuter les travaux de construction dun central téléphonique bétonné, sur une éminence bien sèche qui émergeait du marais, javais eu à constituer un commando. Avec mon Kapo polyglotte, on avait sélectionné des gars qui parlaient tous les « sabirs » dEurope centrale et du Caucase. Ils posaient des problèmes linguistiques tels que seul mon kapo pouvait les diriger. Cela avait lavantage dune certaine garantie de discrétion.

Dans une boite en bois, tous les documents étaient serrés. Le plus important était constitué par les plans daccès aux caches du sanatorium tyrolien. Cest là que les documents les plus compromettants étaient stockés sur microfilms. Un aimant permanent était enfermé dans la boite, pour un repérage ultérieur. Autour de la boite, un enrobage en mortier de chaux peu résistant disposait de quatre broches en bois, destinées à traverser les planches du coffrage du béton. Ainsi suspendue, près de la surface du mur, la boite serait accessible sans grands travaux.

Ils stationnèrent la voiture là où le plan deau était assez dégagé pour permettre la pratique de la pêche à la ligne. Personne ne les avait suivis. La pelle, la pioche, la massette et ses burins, sans oublier la boussole, furent emportés jusquà la ruine du blockhaus noyée dans la végétation envahissante.

La construction navait jamais été finie et aucun équipement ne put y être installé, avant larrivée de larmée rouge. Après un débroussaillage sommaire, linvestigation avec la boussole fut dune grande facilité. Il fut plus difficile de repérer les orifices de pénétration des broches qui balisaient les quatre coins de la boite. La faible épaisseur de mortier qui recouvrait la boite, éclata facilement sous les coups de burin et de marteau.

Le mortier de chaux avait parfaitement conservé le bois de la boite. Le contenu était intact. Ils en firent linventaire et la question de la destination des documents les laissa perplexes. Fallait-il remettre aux gens du rabbin ces documents et leurs suites tyroliennes, ou fallait-il les détruire ? Le plus important des documents était celui qui donnait tous les détails, croquis compris, permettant de retrouver les dépôts du Tyrol.

Tant que la traque aux documents se poursuivrait, leur existence était protégée. Lorsquelle finira, ils resteront les derniers témoins à éliminer. En effet, jamais on ne pourra savoir sil existe des copies des documents compromettants.

Ils décidèrent de conserver les documents qui étaient leur seule sauvegarde.

La filature du motocycliste et le retour à lhôpital :

Pendant leur retour, SAMUEL, en conduisant, saperçut quune motocyclette les suivait. Il ne sen serait pas inquiété sil navait pas déjà remarqué cette motocyclette à laller. La fille de leur logeuse sétait aussi aperçue de la présence de cette moto stationnée prés de chez elle depuis que leurs invités étaient là. Il fallait donc tenir compte que le rabbin, ou son équivalent chez les Russes, seraient au courant de leurs recherches et jouer le jeu en conséquence.

Parmi les documents récupérés, ils éliminèrent tous ceux qui précisaient les positions géographiques et les adresses des caches contenant des valeurs. Ne restaient que les croquis des accès proches et immédiats des endroits où avaient été planqués les microfilms, sans préciser la position géographique de lendroit.

Dès leur retour, il remit au rabbin son rapport qui recoupait parfaitement celui du motocycliste. Il lui remit, aussi, les documents en précisant quil faudrait rechercher en Suisse le notaire qui disposait du renseignement contenu dans les testaments du prisonnier allemand et de STANISLAS. Bien entendu, en cas de mort violente dorigine criminelle, le testament serait rendu public.

Cest tout ce quils avaient trouvé pour retarder léchéance finale si facilement prévisible.

Le train des « pèlerins » les ramena sur PARIS dans des conditions difficiles pour STANISLAS. Son mal le reprenait et cela se voyait à ses difficultés respiratoires. Il nétait pas le seul du voyage à être en mauvais état. Un compartiment sanitaire avait été prévu. Il put ainsi, bénéficier dun apport doxygène suffisant, pour le maintenir en vie jusquà lhôpital des cancéreux.

Le rapport du laboratoire chargé de lanalyse des pilules douteuses y fut adressé. Cétait un médicament destiné aux inhalations susceptible dapporter aux bronches, par voie externe, des molécules de chimiothérapie. Lingestion par lestomac était très déconseillée et cest elle qui contribuait à affaiblir le malade.

Il revint seul à Bruxelles pour retrouver JUNON et la ramener sur Paris. Elle démissionna de la clinique belge et ils expédièrent leur petit déménagement sur Paris, dans un appartement loué par le rabbin. Cest aussi le rabbin, avec son réseau tentaculaire, qui la fit embaucher à lhôpital des cancéreux. Là, le rabbin neut aucune influence sur le corps médical. Au contraire, il souhaiter gagner assez de temps pour obtenir de STANISLAS les adresses de ses notaires.

Le malade déclinait. Abruti de traitements pénibles, il nétait conscient que pendant de courtes périodes. Il montrait alors une grande lucidité, comme si ses périodes de prostration avaient été des périodes dintense réflexion. On voyait bien que son souci dominant, véritable obsession, était la protection de SAMUEL.

« Je connais lentêtement des services qui ne nous lâcheront plus. Dès quils auront trouvé ce quils cherchent, ils élimineront tous les témoins de laffaire. Cela concerne aussi bien JUNON que toi-même. Tu auras à la protéger et tu ne pourras pas le faire autrement quen tirant plus vite que les autres. Tu vas tentraîner et je vais te mettre en contact avec des gens qui te prépareront à cela. Je vais aussi te faire la donation de tous mes biens avec des procurations qui te donneront accès à mes coffres et dossiers, surtout chez mon notaire Suisse.

Cest chez lui quest déposée, dans sa chambre forte, la liste des lieux où sont planqués les fameux microfilms. Il doit la remettre à « qui de droit », sil marrive un accident violent. Ce notaire est un parent de mon Kapo tuberculeux et il a la rancune tenace. »

Toutes ces formalités étaient dune grande simplicité. Le rabbin en fut partiellement informé en ce qui concerne, seulement, laccès aux coffres bancaires. Cétait, apparemment, sans importance car cela se limitait à des questions purement financières. Il y avait aussi quelques dispositions dordre testamentaire établies dans lintérêt du couple.

Les directives du rabbin

Le club de culturisme où STANISLAS avait envoyé son « poulain » était tenu par un ancien militaire spécialiste des commandos. Cétait une espèce daventurier comme en produisirent les troubles des décolonisations européennes. Devenus, à cette occasion, mercenaires des républiques bananières africaines ils auraient pu, très facilement, finir dans la grande délinquance. Ils ont souvent préféré monter des affaires de gardiennage, de convoyeurs de fonds, de polices privées ou de club de formation de gens à leur image.

Lex Colonel avait commencé à se monter une « couverture » distinguée sous forme dun club de culturisme pour gens fortunés. On y rencontrait le gratin des affaires et de la politique. La clientèle, même originaire de ces milieux, était rigoureusement sélectionnée en fonction de sa bonne moralité. De là, partaient des « antennes » vers des espèces de filiales tenues à un certain anonymat. On y trouvait des sections sportives formant aux disciplines dassaut et de combat. Cétait notamment des clubs de tir, de Judo et de Karaté. Finalement cela ressemblait aux formations dEtat dans ces disciplines, et bon nombre des formateurs étaient des anciens des « services » de lArmée, de la Marine et de la Police.

Dans un fond de forêt, loin des indiscrétions, un village de bois servait de camp dentraînement. Un vieux souterrain bétonné, datant de la première guerre mondiale, servait de stand de tir. De lextérieur, les coups de feu ne sentendaient que très étouffés. Il était interdit de sy rendre autrement quen transport collectif assuré par un petit autobus très anonyme. En dehors des activités techniques, il était interdit dy séjourner et dy pratiquer une distraction quelconque. Malgré les intentions initiales de lex colonel, il devait gérer son affaire selon les principes commerciaux éternels. Conquérir et garder la clientèle lobligeait à fermer les yeux sur la qualité de certains « élèves ». On trouvait donc, à ces entraînements, aussi bien des trafiquants, des grands délinquants que des futurs terroristes de toutes les nationalités. Laccoutumance des fréquentations endormait la vigilance. Tous les dangers possibles pouvaient se concentrer dans ce milieu.

Une routine sétait établie pour SAMUEL qui se rendait avec régularité à son entraînement, exactement comme sil sétait rendu à son bureau pour gagner un salaire. Il prenait goût à cette nouvelle activité. Malgré la discrétion imposée, il se trouva des affinités avec un grand jeune homme charmant qui lui fit comprendre, avec délicatesse, combien il était sensible à sa virilité apparente. Malgré la divergence de leurs « goûts », leurs relations amicales ne sen trouvèrent pas affectées.

Le rabbin, dûment informé par SAMUEL de ses activités et relations, mena son enquête et linforma que son « soupirant » appartenait, comme le motocycliste allemand, aux services de lAllemagne de lEst qui recherchaient les fameux documents.

La nouvelle mission consistait à savoir où en était ladversaire dans ses recherches. Cela faisait gagner du temps en apportant un sursis inespéré.

Les relations avec le fringant homosexuel prirent un caractère mondain avec la participation de JUNON. Elle se fit des amies nombreuses, car, ces messieurs sentouraient de femmes charmantes et distinguées dune grande classe culturelle. Elles sen expliquaient cyniquement :

« Ces garçons sont cultivés. Ils partagent beaucoup de nos goûts et ils ne nous importunent jamais par des pensées libidineuses communes à tous les mâles qui ne voient en nous quune pièce de plus à mettre à leur tableau de chasse. »

Elle était perplexe, car, dans sa rustique et saine simplicité, elle comprenait et appréciait quon lui fasse la cour et même plus.

« Moi aussi je les trouve séduisants et dune délicatesse attachante. Mais, justement, ils nen deviennent que plus désirables, comme tout ce qui nous résiste. »

Elles approuvaient avec une objection de taille, celle qui fait que toutes les femmes sont différentes.

« Il faut éviter de les fréquenter quand certaines périodes de notre féminité risquent de rendre notre comportement trop semblable à ce que nous reprochons à celui de nos compagnons en chasse perpétuelle. »

Désormais, elle planifia ses relations avec ce milieu en tenant compte de ce quon venait de lui expliquer. Elle était toujours dévouée au chevet de STANISLAS quelle emmenait au parc pendant ses rémissions, lorsque le temps le permettait.

Il aimait voir les enfants sébattre et regardait avec la concupiscence du souvenir, les jeunes mamans ou les belles nourrices qui lui envoyaient des éclairs de beauté lorsquelles croisaient les jambes sur les bancs du parc. Perdu dans sa nostalgie, un jour de grand vent, elle lentendit réciter, ou plus exactement chanter dune voix lointaine :

« Cest la faute du vent.

« Si les robes des filles............

Elle fit comme si elle navait rien entendu, le laissant dans son rêve, frustrée de ne pas savoir tout ce que la chanson murmurée cachait dun morceau enchanté de sa vie.

Le rabbin accélère les choses

Le déroulement de la mission de SAMUEL ne rassurait pas le rabbin. Qui des deux amis tirerait le mieux les vers du nez à lautre ? Ce qui avait commencé comme une course de fonds devait, inéluctablement devenir une course de vitesse. Il semblait que la solution se trouvait soit dans le coffre à la banque, soit chez le notaire suisse qui détenait le prudent testament de STANISLAS.

La première action commença un petit matin. SAMUEL et JUNON procédaient à leurs ablutions lorsque les deux envoyés du rabbin se présentèrent.

Bob et Ali, souriants et affables, sexcusèrent de venir ainsi, partager leur petit déjeuner.

Bob était petit, sec et nerveux. Ali, grand brun élégant, galant avec les dames, était le plus sympathique. JUNON fut sensible à ses compliments lorsquil la félicita pour sa fraîcheur après le bain. Pendant que Bob consultait des papiers, avec SAMUEL dans son bureau, il laida à débarrasser la table et soffrit même pour faire la vaisselle. En riant, elle lui proposa le torchon pour essuyer ce quelle lavait. Il sexécuta et laissa Bob et SAMUEL partir à leurs affaires. Ali expliqua quils devaient se rendre à la banque où seul SAMUEL pouvait accéder aux coffres pour retirer un document. Comme elle sexcusait davoir à labandonner pour shabiller, il la suivit dans la chambre. Elle neut pas le temps de protester quand il la porta dans ses bras jusqu'au lit. Elle était forte mais pas assez pour le soulever dès quil la chevaucha en la saisissant aux poignets. Dans sa main, il tenait deux cordelettes. Chacune mise en double, formée en demi clés renversées, autour du poignet, fut nouée sous le genou. Il avait sorti son couteau en lui faisant comprendre quau moindre cri il lui trancherait la gorge.

Elle était sur le dos, jambes relevées, et à chaque mouvement pour lui résister les cordelettes tendues lui labouraient douloureusement les poignets et les genoux. Elle était paralysée par la peur lorsquil ouvrit sa robe de chambre pour trancher lentrejambe de son slip avec son couteau.

Même en serrant les jambes elle restait vulnérable, fermée un peu, mais exposée sans recours. Etrangement, il était devenu dune grande douceur, dans ses caresses et ses baisers. Il ne se pressait pas et quand elle voulu résister en se mettant sur le côté cela ne lempêcha pas de dévorer par de savants cunnilingus ce quelle ne pouvait lui cacher. Toute résistance devenant inutile, elle abandonna le combat avec la honte dy trouver une sorte de plaisir malsain. Il finit par ouvrir ses jambes et à sallonger sur elle en la couvrant de baisers et en lui murmurant des mots doux, un espèce de poésie quil psalmodiait comme un verset du Coran. Il ny avait aucune violence dans son comportement. Au contraire, il montrait une passion sans exigences qui finit par la mettre dans une sorte de confiance désapprobatrice.

Lorsquil la pénétra, elle ressentit une sorte de soulagement de voir que linéluctable se produisait. Tout ce qui était prévisible arrivait, sauf la honte de résister tout en laissant le plaisir lirradier. Plus elle résistait à la montée de lorgasme et plus il lui semblait quelle le provoquait. Quand il arriva, ce fut comme la libération dune pression trop longtemps contenue. Elle navait jamais connu une telle intensité dans le plaisir physique au point quelle fut surprise en « revenant sur terre », de sabandonner à son violeur dans un baiser profond dont elle avait pris linitiative.

Il la libéra de ses liens et la laissa à sa toilette. Dans la cuisine cest lui qui prépara le café dont ils avaient bien besoin.

Pendant ces réjouissances, la visite au coffre avait été conduite avec conscience et célérité. Il ne semblait pas que quelque chose de révélateur sy soit trouvé. Bob prit quelques photos de documents sans que SAMUEL remarque ce quil pouvait y trouver. Il eut grand tort de ne pas vérifier avec soin ce que contenaient ces documents, car, un reçu dhonoraires venant de Suisse, précisait ladresse du notaire helvétique mais sans mentionner autre chose quun paiement. Par bonheur, on trouvait aussi ladresse dun notaire belge qui attestait avoir en dépôt le testament de STANISLAS.

Bob se contenta de téléphoner à Ali pour lui dire que la mission était terminée.

Elle aurait préféré cacher à SAMUEL son viol en gardant secret le souvenir dune passion honteuse. Les entailles des liens dans sa peau ne pouvaient être dissimulées. Elle raconta tout, sauf le plaisir quelle y avait pris. SAMUEL ressentit une violente jalousie accentuée encore lorsquelle lui dit :

« Je ne comprend pas comment un aussi bel homme soit un violeur alors quil est assez séduisant pour conquérir de très belles femmes. »

En sexprimant ainsi, elle ne semblait pas déçue du voyage. Aucune rancoeur ne semblait laffecter. De rage, SAMUEL serrait les dents et prononça comme un serment :

« En faisant cela, cette ordure a signé son arrêt de mort. Alors ne raconte rien à STANISLAS et dès aujourdhui je prends mes dispositions. »

Le notaire Suisse

Le rabbin monta lexpédition pour récupérer le testament spécial protégeant STANISLAS en cas de mort violente douteuse. SAMUEL, escorté par les deux agents devait se rendre à létude notariale, récupérer par tous les moyens les documents et supprimer tous les témoins de laffaire. Il ny avait aucun moyen de se soustraire à lexpédition, mais SAMUEL vit là une occasion dexercer sa vengeance, exacerbée par sa jalousie.

Les six cylindres de la grosse voiture allemande étaient aux ordres dAli. Cétait un remarquable conducteur. A larrière, SAMUEL et Bob organisaient la neutralisation des éventuelles alarmes, et du réseau téléphonique, indispensable avant toute perquisition. Ils ne connaissaient pas les lieux, ce qui rendait aléatoire un plan dopérations précis. Bob était un organisateur et Ali « le violeur » nétait quun exécutant sans états dâme. En arrivant sur les lieux, ils firent le tour du quartier. Dans lentrée de limmeuble où se tenait létude, ils déposèrent quatre gros sacs. Deux contenaient un mélange de chlorate de potassium et de poudre daluminium, deux autres, les plus lourds, étaient remplis de carbure de calcium. La voiture fut garée un peu plus loin, de manière à permettre une fuite sans obstacles.

Les trois hommes pénétrèrent dans limmeuble, mais seul SAMUEL et Bob furent reçus par le notaire. Cette facilité daccès, sans rendez-vous, était permise car, le notaire avait connu le Kapo du camp, dans les services du chiffre au ministère des affaires étrangères du troisième Reich. STANISLAS devait à cette relation commune la grande confiance qui facilitait le présent accueil. Malgré ces sympathies, le notaire refusa de remettre les documents et le testament de sécurité aux deux hommes. Il fallut menacer de flinguer le premier clerc pour faire céder le Notaire. Sous la menace, le clerc retira les documents de la chambre forte. Après vérification, posément, Bob vissa le silencieux au nez du pistolet et dune seule balle en pleine tête, il supprima ces deux témoins.

Pendant ce temps, Ali avait amené les quatre sacs dans le secrétariat. Lorsque SAMUEL le rejoignit le violeur était sur la fille quil labourait avec puissance. Il navait pas vu le début de laffaire, quand Ali avait baissé le collant et le slip de la secrétaire après avoir réalisé les mêmes entraves quavec JUNON. Le temps était compté et les préparatifs furent réduits au strict nécessaire. Brutalement, il groupa dans sa main gauche, poussée entre les cuisses, le collant et le slip dont il trancha les entrejambes. Après une manipulation vaginale sommaire, mais savante, il lavait défoncée profondément. A chaque coup de boutoir, elle gémissait sans quon sache si cétait de jouissance ou de douleur. Avec ses deux pouces écrasant ses carotides, il lavait fait mourir sans ralentir sa copulation. Elle était déjà morte quand il termina sa propre affaire. Cest avant quil se retire que SAMUEL intervint avec son générateur à haute tension. Il appliqua les deux électrodes sur les testicules du violeur. La paralysie fut immédiate. Il compléta par une longue application des électrodes à la base du cerveau et il y mit toute la puissance de lappareil.

Il revint dans le bureau du notaire où Bob vérifiait les papiers en lui tournant le dos. Directement, sous le cervelet, les électrodes survoltées firent leur uvre. Les trois corps furent traînés dans le Secrétariat et regroupés avec les deux cadavres encore enlacés. En réalité, les deux électrisés nétaient pas morts mais simplement paralysés. Ils assisteront

donc à leur propre crémation sans pouvoir agir, dans datroces souffrances. Cest cela qui était la vengeance de SAMUEL. Les dossiers jonchaient le sol et les cinq cadavres regroupés pour une crémation finale. Le contenu des quatre sacs, bien disposé, fut enflammé derrière un tas de carbure de calcium. Calmement, il prit la mallette qui contenait les documents et le pistolet encore muni de son silencieux. Il sortit, avec un grand naturel, après avoir soigneusement refermé les portes. Les deux mille degrés de la combustion de laluminium ne laisseraient pas beaucoup de restes, surtout après lintervention des pompiers dont les lances, en arrosant le carbure de calcium, donneront assez dacétylène pour parfaire les crémations. Il retrouva la voiture et se rendit à une adresse dans la proche banlieue.

Là, il retrouva le vieux copain SS qui avait protégé STANISLAS lorsquil prenait trop de risques dans le camp avec le mouvement de résistance du Kapo. Il ignorait tout de laffaire et ne soccupait plus que de trafic de véhicules volés. SAMUEL en profita pour lui vendre la voiture en lui demandant de la fourguer, avec ses papiers, à des gens justifiant la disparition du véhicule. Cétait facile et avantageux, car la demande était forte chez les truands qui avaient besoin de ces conditions pour rouler en toute légalité après un mauvais coup.

Sous le prétexte daffaires de bourse avec un agent de change Suisse, il resta quelques jours hébergé chez son hôte. Ce solitaire était heureux de pouvoir lui raconter ce qui se passait dans son camp de concentration avec toute ce quil connaissait de STANISLAS que SAMUEL ignorait.

Dans la presse, à la une de tous les journaux, on trouvait le reportage sur lincendie étrange qui avait surpris tout le monde. On ne comprenait pas pourquoi, plus on arrosait et plus cela flambait. Les cinq cadavres étaient méconnaissables et réduits à des os calcinés, qui tombaient en poussière dès quon les touchait. Enfin, les énormes températures atteintes laissaient perplexes tous les enquêteurs.

Cela rassurait SAMUEL qui arrosa copieusement la bonne nouvelle ainsi que son départ décidé pour le lendemain. Le vieux militaire y ramassa une bonne cuite germanique et on se sépara avec des serments divrognes, en se promettant une amitié éternelle.

Le retour, par le train, permit de récupérer des excès de la veille, lesprit satisfait de la vengeance accomplie.

Il éprouva le besoin de tout raconter à JUNON en sattardant à détailler le viol de la Secrétaire. Par bonheur, il ne réalisa pas que les frissons que son récit entraînait étaient moins provoqués par lhorreur du carnage que par ses orgasmes rétrospectifs.

Cela allait beaucoup plus loin. Elle lui réclamait, maintenant, toute une préparation de douceurs, avec des mots doux murmurés à loreille. Elle voulait quil lui relève les jambes en mettant le pli de ses coudes sous ses genoux. Elle laccompagnait, alors, avec une violence nouvelle pour terminer avec un sentiment de frustration pour quelque chose quelle attendait et qui narrivait pas comme elle aurait voulu.

« Mais quest-ce quil te prends. Tu veux de la douceur, puis de la violence. Tu ténerves et tu perds cette belle harmonie qui nous emmenait, à lunisson, au paradis. »

Elle ne pouvait pas lui avouer quelle voulait quil reproduise Ali le violeur, sans se rendre compte que sa peur avait été le détonateur de sa sensualité retenue. Elle inventait dautres raisons :

« Je crois que je vieillis et que je dois avoir une ménopause avancée. Jen parlerai à ma gynécologue. Elle me donnera, sans doute, des compléments hormonaux. »

Cest le rabbin qui expliqua à SAMUEL ce que pouvaient être les conséquences inattendues dun viol.

« Maintenant, tu nas quà la violer aussi. Evidemment, ce nest pas possible à lidentique. Sur le fonds, il faut réfléchir. Le viol est une relation sexuelle forcée sur une personne qui se refuse à lacte. Il te suffit, alors que tu es repoussé, parce que le lieu ou le moment sont mal choisis, dopérer de force. Force-là un matin froid, de très bonne heure, dans lherbe, le cul dans la rosée et tiens la distance jusquà ce quelle jouisse. »

Il nosa pas demander au rabbin où il avait appris ces délicatesses féminines. Ce qui fut dit fut fait. Cétait un petit matin froid et humide. Elle avait été de service de nuit, avec des urgences épuisantes. Il la ramena en voiture et sarrêta en bordure du jardin public. A cette heure, lendroit était désert.

« Tu crois que cest le moment daller se promener sans manteau avec ce froid humide ? »

La réponse nétait pas aisée, ni avouable. Alors il resta dans le vague :

« Oui ! On ne peut pas attendre tu dois voir cela immédiatement. »

Sa curiosité était aiguisée. Elle voulait savoir sans deviner de quoi il sagissait. Elle prit la main quil lui rendait et ils partirent au pas de course.

Sans ménagements, il la traîna de force et lallongea dans lherbe pleine de rosée. Sans écouter ses protestations, il se contenta décarter son slip et la posséda avec une vigueur animale. Les mots doux quil lui susurrait finirent par louvrir toute grande et cela durait sans quil faiblisse, jusquau grand cri libérateur des choses attendues. Un grand merci pour cet as de la psychologie féminine quétait le rabbin.

Ce nest pas pour le remercier de ces bons conseils quil lui remit la grosse enveloppe récupérée chez le notaire suisse. En effet, il était évident que STANISLAS navait plus beaucoup de temps à passer sur cette terre. Il navait plus que deux heures de lucidité par jour. On pouvait en prévoir ou en choisir le moment. Les doses calmantes étaient sans cesse augmentées pour lui éviter des douleurs insupportables. Dés quil sentait le soulagement après la piqûre, les deux heures commençaient pour finir dans labrutissement dun sommeil comateux.

Cest alors que SAMUEL se devait dêtre présent pour obtenir tous les renseignements réclamés par le rabbin.

Les hôpitaux du Tyrol

Chaque sanatorium était devenu hôpital pour maladies infectieuses. Reconstruits et modernisés, les bâtiments reposaient sur leurs fondations et sous-sols dorigine. Les galeries techniques et les égouts navaient pas connu de transformations dans leur structure générale maçonnée. Le voyage était prévu avec Bob et Ali. SAMUEL laissa le rabbin sétonner de ne pas les retrouver. Il conclut que ses deux agents, supérieurement entraînés, avaient eu des offres plus intéressantes de leurs adversaires dAllemagne de lEst.

Une vigilance accrue devait donc simposer. La méfiance qui régnait rendait la situation pesante. Deux autres sbires furent commis à la protection du couple. Lopération au Tyrol fut décidée avec un commando composé de SAMUEL, de ses deux gardes du corps et dun spécialiste du génie civil équipé de moyens de détection magnétiques et acoustiques.

Pour la première fois, JUNON fut partiellement informée et chargée de noter toutes les confidences du pauvre STANISLAS. On ne lui avait pas expliqué le but de cette mission. Elle notait tout, souvent avec une émotion qui la rendait plus attentive. Cest ce qui arrivait quand il remontait le temps en projetant, par la voix, les images des horreurs auxquelles il avait dû participer. Par bonheur, des rayons de soleil arrivaient à traverser les lugubres pensées, avec des témoignages de solidarités, de courages et de dévouements. Le long monologue finissait toujours par revenir à la « bête » ou à la créature décharnée jusquà los, avec sa grande faux et sa patience des certitudes.

SAMUEL, sur les conseils du rabbin, lui demandait de le faire parler du fameux Kapo allemand et ses anciennes relations du temps où il servait au service du chiffre, au Ministère des affaires étrangères. Elle y arrivait mais incapable, par ignorance, dorienter le monologue, elle ne recueillait que des philosophies, des sentiments, voire, de la poésie. Tout cela napportait pas grand-chose au rabbin, de plus en plus harcelé par ses supérieurs hiérarchiques secrets.

Père adoptif de SAMUEL, il le considérait comme son fils et lui vouait une affection sincère. Il était évident quil ferait tout pour le protéger. Il sentait peser sur lui des menaces autant dans son camp que dans le camp adverse. Cest donc avec un excès de précautions quil organisa le commando du tyrol.

Une ambulance médicalisée emmena STANISLAS et son infirmière, dune manière officielle, pour un séjour dans lancien sanatorium tyrolien spécialisé dans les affections pulmonaires. Une camionnette laboratoire suivait, occupée par SAMUEL et trois hommes. Deux étaient des agents entraînés aux opérations de commando et lautre un véritable spécialiste de lauscultation sonique des sols et murs. Les documents des personnes et du véhicule étaient parfaitement en règle. Aucune arme à feu naurait pu être trouvée sur eux où dans leur matériel.

Grâce à lambulance, lentrée et lobservation par le visiteur SAMUEL, étaient choses aisées.

Construit dans les années trente, le sanatorium était flanqué, en contrebas, par un important local indépendant qui regroupait toutes les servitudes techniques en matière de fluides. Il faut entendre par là que même la chaufferie y fut installée, alimentée en lignite. Une galerie technique souterraine reliait le sanatorium à ce local technique. Après la guerre, cette installation avait été désaffectée et remplacée par une chaufferie au fuel installée sur le toit des bâtiments. La galerie technique servait encore pour le cheminement des égouts, de leau potable, de lélectricité et du téléphone. Les grosses canalisations calorifugées, qui avaient conduit leau chaude sous pression et son retour pour alimenter les radiateurs du chauffage du sanatorium, étaient désaffectées. Elles étaient contenues dans des gaines en béton armé. Des trappes, régulièrement disposées, permettaient la visite des tubulures et leur réparation éventuelle. Cest dans une de ces gaines, au dessus dun gros tuyau de retour des eaux tièdes quavait été aménagé une cachette recouverte de mortier.

Un tube en cuivre rouge obstrué aux extrémités, par des opercules soudés à létain, contenait les boites de microfilms et un petit aimant permanent. Cette ferrite magnétique de repérage à la boussole, était identique à celle que STANISLAS et SAMUEL avaient trouvé dans le blockhaus, lors de leur visite de pèlerinage au camp de concentration.

En uniforme de la Société, censée contrôler les bâtiments et les dispositifs de sécurité, les quatre hommes du commando prenaient leur temps en procédant soigneusement de manière à effacer toutes trace de leur intervention. SAMUEL resta avec eux pour convoyer les documents, par un itinéraire inattendu. Lambulance prit la route normale, avec STANISLAS et son infirmière, toujours en uniforme.

Le retour de la camionnette se fit dans de bonnes conditions et le rabbin put récupérer ce quil avait depuis si longtemps recherché. Le fait de ne pas rentrer avec SAMUEL, dans lambulance, fut une bonne précaution qui orienta les adversaires dans la mauvaise direction. En effet, ce retour dans lambulance, sans lui, quelques jours plus tard, connut une curieuse intervention policière un peu avant la frontière. Un barrage de policiers, armés en tenue de combat, les arrêta en rase campagne. Lambulance fut fouillée avec une minutie que ces faux flics justifièrent en prétendant rechercher des trafiquants de drogue. Manifestement, ils étaient persuadés trouver SAMUEL dans lambulance avec les documents. Léquipe des faux ouvriers contrôleurs navait donc pas été repérée à temps.

CHAPITRE III - LE CHIFFRE

La mauvaise surprise - les documents partiellement codés

Les « services » du rabbin sétaient équipés de matériel photographique pour tirer des agrandissements lisibles des microfilms. Si la plus grande partie des textes était en clair, les éléments essentiels et les montants des transactions étaient chiffrés par la vieille méthode du « livre ». Les noms des individus et des sociétés responsables ainsi que les opérations projetées étaient donc masqués et illisibles sans décodage. Cétait pourtant là que se tenait la valeur des documents. Il faut rappeler que le chiffrage par la méthode du livre est le procédé le plus simple et le plus fiable pour coder un texte. Il suffit que « lémetteur » et le « récepteur » disposent du même livre quelconque. Chaque lettre comporte trois chiffres qui donnent le numéro de la page, deux chiffres pour le numéro de la ligne et deux derniers chiffres qui donnent la position de la lettre.

En prenant soin de ne jamais répéter, pour une lettre donnée, le même nombre, la sécurité est assurée. Pour léquipe du rabbin, il fallait nécessairement trouver le livre. Or, on savait par STANISLAS, que les textes en clair contenaient linformation. Tout fut essayé : les lectures verticales, les diagonales, par les lettres, les syllabes, enfin tout ce qui pouvait simaginer et qui navait pas de limites ; on ne trouva rien.

Alors, on harcela STANISLAS pendants ses quelques heures quotidiennes de lucidité. SAMUEL réussit à lui suggérer des titres de livres avec leur année dédition. Cétait autant de répit pour quon lui laisse un peu de repos. Il fallut essayer de raisonner le rabbin :

« Vous avez tous les documents. Vous êtes les seuls à les posséder. Sils sont si compromettants, détruisez-les. Limportant est la conservation du secret.»

Le rabbin connaissait lentêtement de ses chefs. Il savait aussi, que tous les chantages étaient possibles à partir des révélations des documents. En conséquence, même pour la conservation ultérieure du secret, après destruction des dossiers, des éliminations physiques étaient prévisibles. Il craignait pour la vie du couple qui devenait de plus en plus engagé dans ces affaires.

« STANISLAS na plus beaucoup de temps à vivre parmi nous. Il ne nous est daucune utilité et personne nattentera à ce quil lui reste à vivre. Je ne peux pas en dire autant pour vous deux.

Dès quil nous aura quittés il vous faudra fuir avec de nouvelles identités. Je vous prépare cela. De votre côté, prévoyez dimportantes liquidités et des dépôts refuges en diamants et en or. Mais attendez mon signal. »

La recherche de la clé

SAMUEL et JUNON se relayaient pour être présents pendant les moments de lucidité de STANISLAS. Cela arrivait deux fois par jour à la demande indirecte du malade. En dehors du couple, il ne restait plus rien qui puisse lui apporter un peu de joie de vivre encore, si ce nest dassister au lever et au coucher du soleil. A cet effet, le moment dabsorber les drogues, ainsi que leur dosage, étaient soigneusement choisis. Dès que ses yeux souvraient, comme sils étaient commandés par un mécanisme dhorlogerie actionné par le soleil, il fallait rouler le fauteuil près dune grande fenêtre, sorte de « bow window » exposée à lEst. Là, il séveillait dans la joie, commentait le spectacle sans jamais sen lasser et sa mémoire connaissait une acuité dont il fallait profiter.

Son pendant, à lOuest, était parfaitement symétrique, et le coucher de lastre donnait le signal de sa perte de conscience programmée par les médicaments.

Cest dans ces moments dextrême lucidité que lui revenaient des détails avec des démarrages de mémoire inattendus. Son auditoire essayait, aussitôt, de lui faire approfondir ses révélations. Il devenait, alors, intarissable. Il révéla ainsi, que le Kapo allemand lui avait parlé dune clé de chiffrage des documents. Cétait, paraît-il, quelque chose de classiquement élémentaire, contenu dans un texte chiffré et repérable par une impossibilité dusage bien peu apparente. Il raconta aussi, tout ce qui revenait à sa mémoire, dans la biographie du Kapo, dans ses relations professionnelles, avant son incarcération, et même ses conquêtes féminines au sein de son service du « chiffre », au Ministère des Affaires étrangères.

SAMUEL avait tout noté. Les noms communiqués au rabbin avaient donné lieu à des recherches. Nanti de ces renseignements, SAMUEL commença son enquête.

Il avait classé lordre de ses visites en fonction de lâge des gens quil allait visiter et en commençant par les plus vieux. Leur dispersion à travers lAllemagne lobligea à voyager beaucoup. Il se présentait comme un reporter, écrivain spécialisé dans lhistoire des services secrets du troisième Reich. Le nom du Kapo et tout ce quil connaissait de sa personnalité, étaient une bonne entrée en matière. Peu à peu, il faisait des insinuations sur les procédures de codage ce qui déchaînait la loquacité de ses interlocuteurs, éminents spécialistes, heureux de parler en connaissance de cause. Il lui fallut subir des cours fastidieux en jouant la comédie dune admiration flatteuse. Le codage par le livre était tellement grossier que le plus grand mépris les conduisait à vouloir négliger la question. Il lui fut conseillé de descendre dans la hiérarchie, du côté des petites employées à qui on confiait ces tâches béotiennes. On lui donna des noms, des adresses, des recommandations écrites et orales. Il y retrouva, avec émotion, les noms des amourettes du Kapo.

Ces anciennes demoiselles avaient bien vieilli, surtout les plus gradées dans la hiérarchie du Ministère. Il en trouva qui étaient dans le même état de délabrement que STANISLAS, surtout une que sa fille maintenait en vie, par des soins dune diligence quon ne peut trouver que dans lamour filial. Cest dabord, la beauté de la fille qui le rendit insistant. Il sut trouver les mots pour quelle laide à obtenir de la vieille dame tout ce qui pouvait être caché dans les méandres de sa mémoire. Dès quelle était endormie, ils prenaient leurs repas ensemble et la veillaient dans un demi sommeil propice à tous les abandons.

Le cadre de vie de ces dames, dans la forêt noire, au milieu des sapins qui escaladaient les vallonnements dune grande beauté, invitait au repos et à la méditation.

La vie recluse de garde-malade accumulait les renoncements, étouffait, sans les éteindre, les feux qui couvaient sous la cendre des désirs refoulés. Ce nétait pas la saine vigueur de JUNON mais la reposante satisfaction née de la facilité des opérations qui se conduisent delles-mêmes.

Il fallait bien gagner du temps pour apprendre les multitudes de combines vicieuses élaborées par des gens formés pour cela. Mais, la vieille dame ne se faisait pas dillusions. Elle navait aucun scrupule à préciser :

« Ladversaire nous ressemble trop dans sa formation et encore plus dans sa déformation professionnelle. Ce que je vous raconte là, il pourrait vous en dire autant. Dans le système du livre, il faut sept chiffres par lettre, trois pour la page, deux pour le rang de la ligne et deux autres pour la place de la lettre sur la ligne. Pour repérer le livre on invente une clé spéciale avec des groupes de sept chiffres repérés. Chacun des groupes peut contenir deux ou trois lettres. Pour retrouver les groupes on choisit quelque chose de repérable, mais pas trop. »

Avec la famille, qui sétait prise au jeu, on passa aux travaux pratiques. Cela rajeunissait la vieille qui avait encore assez dagilité pour inventer les pires combines presque indétectables.

Cette vie quasi familiale, bercée par des nuits damour, ne pouvait pas durer. Les adieux furent déchirants et on promit de sécrire.

Dans le train qui le ramenait sur Paris, SAMUEL dressa par écrit toutes les possibilités de chiffrage des fameuses clés. Limportant nen était pas le détail, mais lesprit qui permettait de se substituer par la pensée à linventeur du codage particulier. On retrouve la même démarche dans la solution des grilles de mots croisés. En effet, dès quon a pénétré lesprit du concepteur on en devine toutes les astuces et vacheries. Il fallait résoudre le problème général :

« Trouver dans la succession des groupes de sept chiffres, une anomalie de régularité, la répétition ou la succession logique, et même chronologique, de certains chiffres. »

Il résuma tout ce quil avait appris de la vieille dame, et tout ce quil avait inventé avec la fille qui avait hérité de sa mère lagilité intellectuelle nécessaire.

Les travaux pratiques de recherche des clés :

Ils les entreprirent tous les deux, après quelques repos amoureux pendant lesquels il était heureux de retrouver laffectueuse énergie de sa nature puissante. Il ne fut pas autorisé à faire ce travail chez lui. A cette occasion il put faire connaissance avec les locaux des « services » du rabbin. Sous une « couverture » parfaitement légale de maison de commerce dimport/export et de consignation de navires, le siége social était celui dune grande banque. Des locaux spécialisés dans le « contentieux extérieur », justifiant une grande discrétion, abritaient un service du chiffre. Cest là quil vinrent tous les jours, JUNON et lui, travailler comme de bons petits employés. Le midi, ils se mélangeaient avec le personnel pour prendre leur repas à la cantine.

Les tirages photographiques furent soumis à trois contrôles, après quil eut instruit sa compagne des démarches intellectuelles et de leur conduite. Chacun analysa individuellement les documents, puis ils procédèrent à un examen commun au cours duquel ils essayèrent toutes les combinaisons imaginées.

Devant leurs échecs, il récapitula tout ce que la vieille dame lui avait appris sur les us et coutumes des gens du chiffre, relatives à la technique du livre. Le cas du livre unique, qui nécessitait un « clé » pour retrouver le livre rigoureusement identique, était le plus délicat. Elle lui avait expliqué que pour des raisons de simplification des manipulations, il fallait choisir un livre imprimé en gros caractères ne dépassant pas quatre cents pages.

Dans la recherche de la clé, on devait relever tous les trois premiers chiffres les plus répétitifs, des groupes de sept. Après en avoir fait la liste, une analyse réfléchie des quatre autres chiffres pouvait apporter la révélation. Cela ne lui apporta rien, car, il ne trouva pas les répétitions recherchées.

En imaginant que le livre clé ne faisait que quatre cents pages, il releva tous les premiers groupes de trois chiffres dépassant quatre cents et les classa dans leur chronologie. Cest en trouvant une suite logique dans leur progression quil fut convaincu quil était sur la bonne voie. Il fallait résoudre un autre problème : trouver la signification des quatre autres chiffres.

Dans le principe du livre chiffreur, ces quatre chiffres étaient constitués de deux groupes de deux chiffres. Cest ce principe quil adopta, mais cest JUNON, intervenant avec linnocence des néophytes, qui remarqua que ces groupes de chiffres allaient de 01 à 24 et que les chiffres les plus forts se trouvaient en fin de liste. Cela correspondait parfaitement avec la classification alphabétique. En effet, les dates dédition sont plus rapides à chiffrer si on les exprime en chiffres romains. Elles viennent en dernier et les « V », comme les « X », sont en fin dalphabet.

Il fallait, maintenant, retrouver un livre dont on connaissait lauteur, le titre, les numéros déditeur et didentification ainsi que la date dédition. Or, ce livre de propagande nationale-socialiste faisait partie dune littérature que les services psychologiques alliés avaient censurés, et même détruits, pour extirper une idéologie toujours ardente, malgré la défaite.

La recherche du « livre » et la disparition de STANISLAS :

Cette recherche du titre du livre avait tellement concentré les efforts du couple, que ce pauvre STANISLAS ne les voyait quau lever et au coucher du soleil. Plus il saffaiblissait, sentant la main de la « bête » létreindre inexorablement, et plus sa conscience restée vive, exprimait le bonheur de vivre encore. Ces instants-là, il ne voulait pas les passer seul. Il prétendait que le contact de ces deux êtres, qui remplissaient sa vie, repoussait les assauts de la « bête ». Alors, tenant leurs mains dans les siennes, il leur tenait des propos pleins de mélancolie. C‘était quand même, une mélancolie douce, celle dune résignation à lissue fatale.

« Jen ai tant conduits au four crématoire que cest bien mon tour de passer à la rôtissoire. Vous mettrez mes cendres au pied dun rosier pour que tous les ans je refleurisse.»

Ils ne répondaient rien car il ny avait rien à répondre. Changeant de sujet, il traçait leur avenir en leur prédisant un éternel bonheur.

« Je vous vois, bien blanchis par des années damour, peut-être avec des petits enfants sur vos genoux. En attendant, jai fait ce quil fallait pour que, sans travailler autrement quà ce qui vous plait, et même en ne faisant rien, vous soyez à labri de tout souci matériel. Cela va bien plus loin que vous ne pouvez limaginer. »

Ils avaient profité de ces moments de courte lucidité pour lui demander où trouver la vieille édition du fameux livre. Avant que sa tuberculose le fasse affecter dans les « totenkopf », il avait combattu aux côtés des Finlandais qui résistaient aux poussées des offensives Russes. Il se souvenait avoir vu distribuer le livre aux soldats finlandais qui parlaient lAllemand. Il leur conseilla de chercher dans les pays scandinaves qui avaient été travaillés politiquement par la propagande des nazis.

Létanchéité des services les plus secrets nest jamais garantie. Leurs adversaires savaient où ils en étaient de leur connaissance des documents. Ils étaient persuadés que STANISLAS était le seul à détenir la clé recherchée. Par conséquent, la disparition prévisible, à court terme, du malade leur garantissait limpossibilité de déchiffrer les documents. Ils sy employèrent en soudoyant un employé pour permuter deux médicaments.

JUNON et SAMUEL étaient présents, comme dhabitude, pour assister au coucher du soleil avec STANISLAS. Le fauteuil roulant était poussé près de la grande fenêtre ouverte sur les jardins fleuris du début de lété. STANISLAS ne manifestait aucune envie de se réveiller et il ne se réveillera plus jamais.

Bien entendu, le corps médical ignorait lintervention externe et ne tenait pas à provoquer une enquête qui aurait pu mettre en cause ses services. Le rabbin préférait, aussi, la discrétion qui ne lempêchait pas de redoubler de précautions pour protéger le couple.

Conformément aux dernières volontés de STANISLAS, ses cendres furent saupoudrées dans la roseraie du jardin public. Sa succession était simplifiée au maximum. Il avait mis tous ses biens au nom da SAMUEL.

Un voyage de noce utile :

Le divorce de JUNON était soldé. Ils se marièrent en toute intimité et cest un couple muni dun livret de famille qui partit en voyage de noce dans les pays scandinaves. Sous couvert de recherches historiques et munis de lettres dintroduction bien ciblées, ils commencèrent leur périple par le Schleswig-Holstein et le Danemark. Les libraires et les brocanteurs y disposaient dune vaste littérature qui navait pas fait lobjet dépurations. Ils trouvèrent facilement le livre quils cherchaient. Il était en très bon état, mais cétait une des dernières éditions dans un format et une pagination très différente de lédition quils recherchaient. Le livre fut acheté dans un but déchange avec lancienne édition.

Puisque lon était en voyage de noce, il fallait le montrer. Dès leur arrivée en Norvège, ils embarquèrent pour une croisière classique dans les fameux fjords. Devant la beauté des paysages avec des rivages abrupts, où le bateau aurait pu accoster la falaise, ils vécurent lexistence des jeunes mariés. La fougueuse jeune mariée était redevenue affectueuse avec des revendications amoureuses dadolescente. Elle savait, mieux que lui, oublier leur liberté surveillée et la mission à remplir. Malgré la brume, le temps était au calme et linsouciance de la vie du paquebot les faisait vivre dans une confortable irréalité. Le Commandant avait dépassé lâge habituel de la retraite. Après une vie maritime bien remplie, et des expériences de guerre traumatisantes, il avait décidé de continuer à vivre sur les bateaux aussi longtemps que sa santé le lui permettrait.

Ils sympathisèrent en se trouvant des relations communes. Les confidences suivirent, ce qui leur apprit les activités politiques et idéologiques de ce marin cultivé.

« Notre association na rien dun parti politique. Nous militons pour le contrôle des naissances dans les pays pauvres et pour la protection des ethnies minoritaires. En effet, ces dernières tendent à disparaître phagocytées par les plus fortes. Evidemment, nous sommes partisans dun certain apartheid, seul rempart au métissage dégénératif. Bien entendu, on nous présente comme dépouvantables racistes alors quau contraire, nous oeuvrons pour la préservation, donc la protection, de toutes les races de la création. »

SAMUEL fut immédiatement intéressé. Il voyait là une possibilité de pénétrer les milieux des nostalgiques de la croix gammée.

« Vous rattachez vous aux mouvances du nazisme ? »

Il naurait pas fallut lui poser la question de cette façon, pour éviter la véhémence de ses protestations.

« Certainement pas ! Nous navons rien à voir avec les têtes rasées qui veulent ressusciter Hitler. Nazi cela veut dire National-socialisme, cela ne nous intéresse pas. Le nationalisme et ses foucades patriotiques ne sappliquent pas à notre conception du monde. La seule grandeur à laquelle nous aspirons est celle de lesprit, de la créativité et du respect de lhumanité.

En fin de voyage, si cela vous intéresse, je vous présenterai aux nostalgiques de lEurope Hitlérienne. Ces gens là sont de grands contemplatifs, malgré leur prétention à la dureté et à la violence. Leurs lieux de réunion sont de vrais musées où on trouve détonnantes collections de la deuxième guerre mondiale. »

Ils ne se firent pas renouveler linvitation. Dès la fin de la croisière, le Commandant prenait ses congés. Il se fit un plaisir de leur servir de guide.

La réception chez les « nazillons » fut à la hauteur de leur réputation accentuée par un prosélytisme pénible. SAMUEL avait amené son livre, ce qui les mit en confiance. Fièrement, ils lui présentèrent leur édition qui nétait pas encore la bonne. Voyant que ce « bréviaire » lui permettait certaines familiarités, il en profita pour se faire communiquer les noms et adresses de leurs collègues de Suède et de Finlande. Eux aussi, ne tarissaient pas déloges pour les Finlandais au passé prestigieux acquis par leurs courageuses luttes contre les Russes.

Ces nouvelles fréquentations étaient dautant plus surprenantes que lon simmergeait dans un milieu hostile qui recherchait les mêmes documents. Il ne fallait pas se monter trop insistant pour éviter déveiller de dangereux soupçons. Ils ne sattardèrent pas et continuèrent leurs recherches du bon livre, dans les musées et les archives officielles.

La Suède ne leur apporta rien de nouveau malgré le dynamisme de ses milieux dextrême droite.

La Finlande se montra beaucoup plus riche dans ses collections privées comme dans ses musées et archives. Là, on trouva la fameuse édition. Laspect extérieur du volume était rigoureusement identique à lexemplaire de SAMUEL. La permutation ne posa aucune difficulté. Personne ne saperçut quen transférant les couvertures de protection des livres, SAMUEL avait récupéré lobjet de ses recherches.

Le retour immédiat simposait et deux jours après ils étaient au siège de la maison de commerce de Paris.

Le déchiffrement put commencer. Cétait effrayant ; les noms célèbres de puissants de ce monde, tant en Europe quaux Amériques étaient suivis des détails bien compromettants. On y voyait des ennemis se partageant dénormes « gâteaux ». Des fortunes qui changeaient de mains. Enfin, cétait un cloaque de marchés où la monnaie était le sang des gens quon envoyait à un inutile massacre. Pire encore ! Les idéologies les plus pourries, qui se faisaient jour, montraient leur implantation autant chez les alliés que chez leurs adversaires.

Ce déchiffrement fut extrêmement long. JUNON était très rapide dans le déchiffrement, SAMUEL peinait à la suivre mais trouvait son repos dans les récapitulations condensées quil devait faire avant lenregistrement microphotographique Tous les soirs ils étaient fouillés de peur quils dissimulent des copies compromettantes. Régulièrement, le rabbin, protégé par ses gardes du corps, prenait lavion pour livrer les microfilms des pages originales et des pages déchiffrées correspondantes.

Quand tout fut terminé, il ne restait plus trace matérielle daucun document. Les seules traces, virtuelles, ne subsistaient que dans la mémoire de SAMUEL et un peu dans celle de JUNON. Pour elle, il résuma lessentiel de ce quil avait appris.

Les révélations des dossiers secrets ;

Les collaborations idéologiques qui sétaient établies, dès lavènement du nazisme, portaient surtout sur des questions ethniques et « sanitaires ». Cela nétait pas clairement exprimé mais apparaissait dans les projets de recherches scientifiques. En effet, il nétait question que de méthodes de stérilisation des hommes comme des femmes, appartenant à des ethnies jugées inéducables, criminelles ou définitivement tarées. A défaut de moyens pour parvenir en relative douceur à ces résultats il était prévu des procédés bactériologiques ou viraux délimination brutale. Ainsi, pour établir une comparaison, la myxomatose a été inventée et propagée pour réduire la prolifération des lapins en Australie. On a vu que cela a contaminé tous les lapins du monde, mais seulement les lapins. Le produit sélectif recherché devait navoir dinfluence que sur certaines races ou ethnies et sur leurs métissages. Dautres produits devaient avoir une action plus générale nopérant de sélection que par le choix de ceux à qui ils seraient administrés. Pour bien expliquer ces choses là, il était précisé que par lempoisonnement du sang des transfusions, les tares héréditaires, comme lhémophilie, seraient éliminées. Les drogués pourraient disparaître en les alimentant avec des produits ensemencés par des virus imparables. Les homosexuels, par la contamination des drogués, disparaîtraient à leur tour. Les débiles mentaux ne pourraient subsister bien longtemps et leurs géniteurs seraient stérilisés. Ainsi se dessinait une société scientifiquement épurée, parfaitement contrôlée, tant en qualité quen quantité. Il était prévu quelques « bavures » admissibles suivant le fameux principe qui veut quon ne puisse faire domelettes sans casser des ufs. Les documents faisaient apparaître quil existait un certain consensus mondial pour parvenir à ce résultat. Cela arrivera peut-être un jour mais, si près des génocides du siècle, il ne serait pas facile dimposer de telles mesures aux populations, sans de longues années de mise en condition. Ces projets faisaient frissonner et les noms de leurs concepteurs qui apparaissaient, étaient très inattendus. La diffusion de ces documents pouvait entraîner des conséquences effroyables.

« Mais ! SAMUEL, comment expliques-tu cette corrélation entre les drogués et les homosexuels ? »

Les documents donnaient indirectement lexplication ; encore fallait-il la développer en y apportant beaucoup dimagination ou de réflexion.

« Les drogués, comme les émigrés économiques, trouvent leurs ressources principalement en se prostituant. Lempoisonnement des selles et des spermes est lassurance dune contamination efficace. Là encore, cela risque de déborder et datteindre les couches saines des populations. Cest un risque mesurable avec un taux à définir et là, les documents nen parlent pas. »

Tout était donc détruit au fur et à mesure. Dès lincinération de la dernière livraison, une conférence, où fut convoqué le rabbin, informa les responsables des décisions prises en haut lieu.

Le rabbin eut pour mission lélimination physique de tous ceux qui avaient manipulé les documents. Ils étaient trois : le couple et le photographe qui développait les microfilms. Le rabbin demanda quon le décharge de cette mission et fit remarquer que SAMUEL était son fils adoptif et quon ne pouvait pas lui demander le sacrifice dAbraham. Le Président acquiesça :

« Nous en avons tenu compte, rassurez-vous, ce sacrifice ne vous sera pas demandé. »

Ce quil ne précisa pas, cest la méthode employée. Elle était à la fois cruelle et très simple. Les adversaires de lEst qui ignoraient les détails de laffaire furent lobjet dune adroite mystification. On les « intoxiqua » en leur faisant croire que les documents étaient en possession du couple et du photographe.

Le rabbin avait déjà mis en garde SAMUEL contre les dangers quil allait courir sitôt sa tâche terminée. Lappartement était truffé de piéges. Ce nétait pas sophistiqué, mais cela décelait tout tentative de pénétration intempestive.

Cest en pleine nuit, pendant leur sommeil, que la première tentative faillit réussir. Le léger bruit de la foreuse ne pouvait pas les réveiller, mais le capteur de vibrations déclancha la lumière. Les agresseurs ne pouvaient pas apercevoir et encore moins entendre SAMUEL se lever et armer son pistolet muni dun silencieux. En effet, ils étaient équipés de masques à gaz qui rendaient leur respiration assez bruyante. Par le viseur prismatique, on les voyait opérer de manière à injecter leurs gaz mortel par lorifice quils étaient en train de forer dans la porte. La première balle atteignit celui qui tenait la perceuse mais, freinée par sa traversée de la porte, elle ne lui causa pas de blessure mortelle. La deuxième atteignit lautre agresser en pleine face et il seffondra. Les lumières séteignirent, un brouhaha de quelques instants précéda une course dans lescalier, puis tout redevint silencieux. Toujours armé, SAMUEL sortit et ne retrouva que la trace du commencement du forage dans le bois épais de la porte.

Si lappartement pouvait être équipé pour prévenir les agressions, on ne pouvait pas en faire autant sur les individus. La seule solution était la fuite améliorée par le camouflage des apparences et des identités. Ils y étaient préparés et accélérèrent les opérations lorsquils apprirent le décès du photographe dans un curieux accident dautomobile. Munis dun bagage aussi réduit que possible, ils partirent séparément. Elle se rendit à lhôpital où elle avait toujours ses entrées. Il se rendit dans sa salle de sport, où il était toujours adhérent client.

Après avoir modifié leur apparence physique, ils se rendirent à la gare centrale pour prendre le premier train vers une grande métropole régionale. Leurs nouvelles identités, correspondant à leurs nouveaux passeports, en faisaient un couple de vacanciers partant pour un voyage organisé. Ils arrivèrent en Egypte où, docilement, ils participèrent aux animations et aux excursions prévues au programme. Comme convenu, ils ne prirent pas lavion du retour, mais louèrent une villa à Ismaïlia, sur les lacs Amers.

La mort du rabbin

La fuite des deux proscrits fut fatale au rabbin. Cétait, de sa part, une étonnante naïveté de se croire assez puissant pour braver ses supérieurs en défendant la vie de son fils adoptif. Par ailleurs il était, lui aussi, un des rares a avoir eu connaissance des documents déchiffrés. Inéluctablement, il était condamné à mort. En dehors de ses prudences habituelles, il ne faisait donc rien pour se protéger de ses maîtres.

Bien quil ait su cacher sa vie intime à son fils adoptif, il avait une activité sexuelle normale, perturbée seulement par la nécessité du secret. Il refoulait des trésors de tendresse et des besoins daffection féminine, en ne fréquentant que des péripatéticiennes de haute volée. A cet effet, il était volontaire pour assurer les permanences des samedis et des dimanches au bureau, afin de soctroyer deux jours quelconques de la semaine pour une échappée libido sentimentale. Cela commençait le soir, après avoir pris rendez-vous avec une « call girl » dun réseau de luxe. Il louait une voiture, en diversifiant les loueurs, et emmenait la belle à Deauville, Gerardmer, La Baule où tout autre endroit disposant dune hôtellerie de luxe. Pendant deux jours et deux nuits, il se transformait. Ce nétait plus le besogneux sérieux et taciturne, mais un compagnon enjoué, affectueux, gai et brillant au point de séduire sa compagne en létonnant. Ses manières galantes et affectueuses, et son comportement damant attentionné, lui faisaient traiter la fille comme une princesse. Elle ne pouvait faire autrement que de jouer son jeu jusquà lorgasme sincère et débridé.

La semaine suivante, il avait envie de retrouver sa belle mais il sobligeait à changer de compagne. Au fil du temps, il retombait parfois sur ses premières partenaires et tous les deux en concevaient une grande joie. Il devint ainsi le préféré du personnel de lagence de call girls. Sa réputation en faisait le client modèle.

Il savait pourtant que lhabitude était, pour lui comme pour ses semblables, quelque chose de mortel. Lorsque le garçon détage apporta le champagne, alors que la fille était dans la salle de bains, il trouva tout naturel quil remplisse les flûtes et lui en présente une pour dégustation. Il nen navait pas bu la moitié que le cyanure agit. Le garçon fit disparaître la flûte et la remplaça par une autre quil remplit à moitié, puis tranquillement, sen alla.

Lorsque la fille constata le décès, elle sut garder son sang froid. Elle shabilla, fit sa valise et gagna le garage au sous-sol de lhôtel. Elle sortit sans être remarquée et regagna Paris. Là, elle abandonna la voiture de louage dans une station service avec les clé en place. Elle prit le métro pour rentrer à son appartement. Elle ne tenait pas à être empoisonnée par une fastidieuse enquête de police à laquelle elle naurait rien pu apporter dintéressant.

La traque continue

Un sentiment de sécurité les faisait heureux de se retrouver et ils en profitèrent pour connaître des vacances sans soucis. Dès leur arrivée, ils se présentèrent aux services égyptiens de la sécurité. Ils se firent désigner un couple de serviteurs dont lhomme faisait office de Jardinier chauffeur. De cette manière, ils étaient sûrs dêtre contrôlés et protégés par la police. En Egypte, comme dans tous les pays musulmans, les guides et chauffeurs des étrangers sont recrutés par les services de police. Bien entendu, ils recommandèrent à ces « serviteurs » de bien veiller sur une éventuelle surveillance dont ils pourraient être lobjet de la part de gens malintentionnés.

Au cours de leurs ébats aquatiques, ils firent la connaissance de riches oisifs internationaux parmi lesquels un Egyptien essaya, adroitement, de les faire parler. A son usage, ils inventèrent une fable romanesque justifiant leurs craintes dêtre poursuivis pour des questions dhéritage contesté pouvant les ruiner.

Ce bonheur semblait devoir durer mais, à loccasion dune excursion en voiture, leur chauffeur repéra la permanence dune camionnette qui revenait cycliquement. Il nen fallut pas plus pour les décider au départ. Lavion les mena à Rome où ils changèrent leur aspect et leurs pôles dintérêt. En prenant le train à Vintimille, avec toute la discrétion voulue ils se rendirent à La Rochelle où la saison estivale nétait pas encore commencée. Une modeste location, correspondant aux revenus dun couple salarié, les noyait dans la masse populaire et ils sinscrirent pour suivre les stages dune école de voile. Ils nétaient pas des néophytes et leurs nouvelles fréquentations les amenèrent à sympathiser avec un amateur de navigation de plaisance. Cet homme, retraité de la marine, arrondissait ses maigres pensions en assurant le gardiennage et lentretien de quelques bateaux de luxe. Avec lui, ils partirent en croisière sur les côtes espagnoles du Golfe de Gascogne. Ce nétait pas toujours de tout repos compte tenu du caractère particulier des lieux. La mer y est souvent très dure. Ils connurent tous les temps et apprirent beaucoup au contact de leur skipper très expérimenté. Au retour, la saison était déjà commencée. Il devenait impossible de retrouver à se loger. Leur ami les présenta au gardien dun beau voilier dont les propriétaires ne donnaient plus signe de vie. Pour se rétribuer, il louait le bateau, pour le logement seulement. Il aurait fallut faire des frais pour le remettre en état de navigabilité. SAMUEL proposa davancer largent nécessaire et de rémunérer le gardien. Il sengageait à retrouver le propriétaire pour lui acheter le bateau. Le gardien avait tout à gagner dans laffaire et ne fit aucune objection. Le couple participa aux travaux ce qui lui permit de connaître à fond le bateau, depuis le gréement jusqu ‘au moteur et aux auxiliaires. Il faut entendre par là le groupe électrogène, léolienne, les batteries, la radio et tout le reste de larmement. Cette remise en état constituait donc une excellente formation.

A partir des documents du bord, lacte de francisation, les assurances et tout ce qui reliait le bateau à son propriétaire, ce ne fut pas difficile de prendre lidentité du vrai propriétaire. SAMUEL avait gardé, à Paris, les relations nécessaires. Cest dans lofficine de faux papiers quil apprit la mort du rabbin empoisonné, à Deauville, en galante compagnie. Il comprit alors combien leur position était dangereuse et que jamais leurs adversaires ne les lâcheront.

Pour les faux papiers, ce nétait quune question dargent. Il vida ses comptes et ferma ses coffres à la banque. En argent liquide et en pierres précieuses il avait ce quil fallait pour vivre sans soucis pendant longtemps. Il lui restait ses comptes en Suisse et pas mal de placements aux Etats-Unis. Cela, cétait la réserve pour plus tard ...Sil y avait un plus tard. Il y était bien décidé et la rapidité de ses démarches ne permettait pas de suivre sa trace.

Il ne restait plus que le gardien à convaincre du changement de propriétaire. Ce brave homme naïf ne pouvait pas soupçonner quun homme aussi généreux que SAMUEL et sa gentille compagne soient de vulgaires voleurs. Cétait dautant plus évident quil lui avait remis une copie du certificat de vente du bateau en bonne et due forme. On nétait pas à un « faux » près,

Cest donc la conscience tranquille quil participa aux approvisionnements et à toutes les préparations dappareillage pour une croisière en Adriatique et en Grèce. Cétait dautant plus évident que les documents nautiques correspondaient parfaitement à cet itinéraire. Ce que tout le monde ignorait, cest que SAMUEL avait embarqué secrètement les documents nautiques correspondant à un voyage en Amérique du Sud, via les côtes dAfrique.

Après des adieux, ou plus exactement un « au revoir », on appareilla. Il était convenu quon préviendrait du retour en temps utile et le vieux gardien les regarda partir les yeux humides.

Dans le golfe de Gascogne, le temps était gros et la mer bien dure. Le vent de Suroît les obligeait à naviguer au « près » avec une dérive qui les remontait trop au Nord. Il fallut titrer des bords quon allongeait au maximum pour des raisons de fatigue. Par bonheur, le vent passa à lOuest et on put prendre un cap au Sud, beaucoup plus confortable. Cétait surtout plus maniable et on pouvait espérer rallier les Canaries sans fatigues excessives. Ils se relayaient à la barre jusquà ce que SAMUEL, en réalisant un renvoi depuis la barre jusquau travers de lécoute du foc, trouve une manière de pilote automatique valable à ces amures. Il leur manquait un compas, avec avertisseur électrique, pour les dégager de la surveillance du cap. Il était décidé à acquérir cet outil de sécurité à Las Palmas.

Le temps ne permettait pas de sintéresser à la pêche, pourtant SAMUEL laissa traîner une ligne avec un leurre artificiel quil ne rentra, bredouille, quaux Canaries. En attendant, dès que la visibilité permit de voir le soleil, il sortit son sextant, ses tables et sa calculette. Patiemment, il répéta les gestes et procédures apprises pendant sa formation avec le vieux navigateur. De part et dautre, symétriquement par rapport à lheure calculée de la méridienne il releva ses hauteurs de soleil. JUNON, au chronomètre, notait lheure exacte de lobservation. En fin daprès midi il avait terminé ses laborieux calculs. En faisant la moyenne de ses longitudes, il obtenait un point à midi vrai assez satisfaisant. Il remit à plus tard le point détoile par la méthode des droites de hauteur. Son point à midi suffisait pour le mener en vue des Canaries avec une précision correcte. La nécessité de contrôler son chronomètre lobligea à se familiariser avec son appareil récepteur de radio capable, aussi, de mesurer des relèvements sur des radiophares.

Maintenant quon pouvait tenir le cap avec la barre amarrée sur lécoute de foc, la vie sorganisa. Le couchage, la cuisine, les toilettes et les mille petites choses de la vie quotidienne auquel on ne peut échapper, même sur un bateau, prirent lallure routinière des habitudes et des disciplines. Malgré leur solitude, ils ne connaissaient aucune intimité puisque la navigation les occupait alternativement à plein temps.

Lorsque les hauteurs des îles Canaries sortirent de lhorizon, ce fut comme une sorte de récompense rassurante quon avait espérée sans être sûrs de lobtenir. SAMUEL lança le moteur un peu trop tôt mais ne le regretta pas car le vent mollissait en approchant de la terre. Là, il put constater quà petite vitesse du moteur, il y avait comme une amplification de la puissance du gréement. On marchait à bonne allure pour une consommation minimum de carburant. Cela permettait de recharger les batteries daccumulateurs, ce que la petite éolienne ne pouvait pas faire aussi rapidement.

A Las Palmas, il se dirigea là ou il voyait des yachts, face à une construction qui semblait être un point daccueil. On lui désigna un poste damarrage et on lui demanda quels étaient ses besoins. Son premier souci du matin se limitait à une bonne douche chaude et un solide petit déjeuner « à langlaise », pour tous les deux. JUNON put disposer de tout ce qui lui était nécessaire en matière de lessive et de repassage. Pendant quelle était occupée aux tâches ménagères, SAMUEL fit les pleins deau et de fuel, acheta des provisions bien adaptées à ses projets de longues navigations et se documenta sur les possibilités de mouillages autour de lîle.

JUNON aurait bien voulu faire du tourisme et du « shopping », mais SAMUEL ne tenait pas à provoquer les curiosités, malsaines pour leur sécurité. Ils appareillèrent rapidement pour quelques heures de navigation et de manuvres nécessaires pour gagner un mouillage désert bien abrité. La tenue de lancre était bonne, leau à bonne température permettait les baignades. Sur une pointe de rochers, des passages de bars permettaient de belles pêches. Ils y restèrent trois jours daffectueux repos compensant ce qui leur avait manqué pendant la traversée.

Départ pour le Brésil via lAfrique :

Après ce repos de lune de miel, lenvie de partir créait une émulation dans les préparatifs. Le vent était bon, bien orienté de manière à permettre un départ silencieux toutes voiles dehors. Plus on descendait dans le Sud et plus la mer était calme. Le vent faiblissait et il fallut mettre le génois pour reprendre de la vitesse. La mer calme était favorable à cette belle allure. SAMUEL faisait des progrès constants dans le maniement du sextant, des tables et de tous les calculs. La veille de larrivée à Dakar, le temps brumeux du matin interdit toute observation. Par contre, au moment de la méridienne, lhorizon était très net ce qui donna une bonne précision. Il se servit de cette méridienne en la transportant à la latitude de Dakar pour, linstant venu, prendre une route à lEst vrai, ce qui le conduira impeccablement sur son point datterrissage. Il arriva vent arrière et attendit le dernier moment pour lancer son moteur et affaler les voiles. JUNON, vigoureuse et soigneuse, soccupa de cette opération avec succès. Ils étaient très fiers de lefficacité, si vite atteinte, par leur merveilleuse entente. A Dakar, il se fit livrer trois fûts de deux cents litres de fuel quil amarra sur le pont, puis ils appareillèrent immédiatement pour le Brésil.

Le vent ne tarda pas à mollir, ce qui permit de belles pêches de daurades. On navançait plus beaucoup et les risées devinrent intermittentes. De temps en temps le ciel se couvrait, lorage éclatait. Ils en profitaient pour prendre une bonne douche. Une voile, disposée en « entonnoir » permettait de garder les caisses à eau douce au niveau maximum. Il fallut lancer le moteur à lallure la plus économique en gardant de la toile pour profiter des effets combinés du moteur et du vent quand les risées voulaient bien gonfler les voiles. Cela avait lavantage de produire assez délectricité pour faire marcher le réfrigérateur. Ainsi, dans la moiteur équatoriale ils avaient la consolation de boire et de manger frais. Les lignes ramenaient régulièrement de belles daurades pour équilibrer leur alimentation en produits frais.

Les six cents litres de fuel étaient presque entièrement consommés quand ils arrivèrent à Recife. Là aussi, ils sinstallèrent près du club nautique, sérieusement gardé, et consacrèrent quelques jours au tourisme et aux achats.

Cétait la belle vie, sans soucis, au point doublier quils étaient en fuite, traqués par des gens qui étaient ennemis, plus en apparence que dans leurs objectifs. Cela, ils ne le savaient pas encore. Salvador de Bahia, puis Rio de Janeiro furent des escales courtes qui permettaient les approvisionnements. Cest ainsi quà Salvador de Bahia ils firent des folies gastronomiques de langoustes. A Rio de Janeiro, ils purent sapprovisionner en excellents vins rouges et blancs. Enfin, ils arrivèrent à Santos, port très actif et ville bien reliée à Sao Paulo par une ligne dautobus rapides. La visite de cette métropole dun haut niveau culturel dura deux jours. Ils mangeaient dans dexcellents restaurants où ils se régalèrent dosso-buco aux haricots noirs du Nordeste, arrosés par des vins fins produits au pied de la Cordillère des Andes. Dans les dépliants publicitaires, cette ville était réputée pour ses laboratoires de recherche. Il fut facile denquêter pour retrouver en activité, les chercheurs travaillant sur les objectifs dépuration ethnique, sans pouvoir vérifier si leurs activités actuelles continuaient celles qui étaient mentionnées dans les documents déchiffrés. Une prudente discrétion simposait pour la sécurité du couple.

On continua cette navigation touristique par une escale à Porto Allègre, puis à Montevideo et enfin à Buenos-Aires. Là, on fit lacquisition des livres scolaires nécessaires pour améliorer la langue espagnole quils possédaient bien mal. On trouva aussi des documents nautiques locaux allant jusquà la terre de feu et des guides pour tous les ports de la côte Est de lArgentine. Par « sauts de puce », tous les ports furent visités plus ou moins longtemps en fonction de lintensité, très variable, des contrôles et des curiosités des autorités locales. Pour les atténuer, ils avaient remarqué quen accostant dans le bassin des bateaux de plaisance, sans rien demander à personne, il suffisait de provoquer un accueil chaleureux des yachtmen, pour que tout se simplifie. En effet, à ce milieu appartenaient tous les tenants des pouvoirs et fortunes locaux. Une certaine aisance devait être montrée que des libations au Champagne confirmaient.

Cest à Bahia Bianca que laccueil fut le plus chaleureux et le plus distingué. La présence des unités de la marine militaire dArgentine y était pour beaucoup et le couple bénéficia dinvitations, ce qui les immergea dans des mondanités multiples. Ils furent très étonnés de trouver des interlocuteurs nombreux qui parlaient lAllemand et le Français. Dans la journée, ils travaillaient leur grammaire espagnole et faisaient de rapides progrès.

Parmi les activités nautiques, les parties de pêche « au gros » les emmenaient en mer avec un richissime Allemand, heureux de parler sa langue avec sa compatriote.

Le nom de cet Allemand était présent dans les dossiers chiffrés. Cela éveilla la curiosité de SAMUEL, dautant plus que lâge quil montrait ne rendait pas plausible une quelconque concordance.

CHAPITRE IV - LARGENTINE

Un étonnant milliardaire :

Ce nétait pas un oisif, car il nétait pas toujours là où les gâtés de la vie continuaient une fête apparemment perpétuelle. Quinquagénaire portant beau, magnifique type aryen du modèle préconisé pour les seigneurs germaniques, il était cultivé dans toutes les disciplines et donnait limpression de ne jamais faire deffort.

Il avait pris le couple en amitié et, petit à petit, SAMUEL avait pu reconstituer son parcours avec ses idéaux doù découlaient ses conceptions de la vie et du monde. Pour obtenir ses confidences, il suffisait de laisser faire JUNON. Sa curiosité féminine, apparemment naïve et admirative, le faisait parler sans retenue. Ils lécoutaient avec une attention admirative et toujours approbatrice. Chez cet homme, on nentendait pas de vantardises, mais il était flatté dintéresser son auditoire.

Il racontait volontiers son parcours, depuis lenfance, dans une Allemagne humiliée par la défaite de 1918 et la déroute politique que les alliés y avaient créée. Né peu après lentrée des troupes coloniales françaises en Rhénanie, il en avait gardé le souvenir des viols et des débuts de métissages qui en résultaient. De là datait son adhésion aux thèses raciales et son obsession de la décadence née du « multi culturalisme ». Ces thèses avaient cours en Allemagne, bien avant lavènement dAdolphe Hitler. Elles nétaient pas encore combattues par la communauté israélite qui ne les traduira, comme à lhabitude, que par un népotisme ostentatoire. Cest du moins ce que prétendront des gens comme Joseph Goebbels et pires encore.

Un certain schisme se créa qui obligea des gens comme lui, à rechercher léloignement pour ne pas participer aux excès quils réprouvaient.

En 1940, Jeune Enseigne de Vaisseau sur le cuirassé de poche GRAF SPEE, il avait un homonyme dans le corps des officiers supérieurs. Tous étaient des nazis convaincus et activistes. Lors des engagements avec la flotte Anglaise cet Officier, dont le poste de combat était très exposé, fut pulvérisé par une volée du navire anglais AJAX. Après lescale de Montévidéo, lorsque les autorités uruguayennes exigèrent lappareillage du cuirassé, le Navire se saborda à la sortie du port. LArgentine recueillit les survivants et les exila à Villa Général Belgrano où existait déjà une colonie allemande. Il résida dans le village voisin de La Combrecita, célèbre par sa fête de la bière qui lui rappelait Munich. Sa connaissance de lEspagnol, et encore plus la confusion sur son nom, le fit désigner pour diriger les réseaux dassistance aux sous-marins et aux services de renseignements allemands.

Il fut affecté à lambassade dAllemagne à Buenos Aires, jusquà ce que lArgentine se range du côté des alliés. Pendant près de cinq ans, il se déplaça entre le Chili et lArgentine, en fréquentant les milieux des marines militaires des deux pays. A cette époque, les militaires Chiliens portaient les mêmes uniformes que les armées et marines Allemands.

« Là, jai retrouvé les mêmes conceptions raciales quen Allemagne. En Argentine, on ne veut pas devenir un Brésil et on naccepte pas les « cabecitas négras, indios et autres mestizos ». Par contre, lantisémitisme nexiste pas. Bien entendu, on préfère les chrétiens. Le corps des Officiers de marine est très actif dans ce domaine et se considère comme lélite investie du devoir de protéger la nation contre tous les métissages. »

Ses interlocuteurs objectèrent quils trouvaient le Chili plus proche des théories allemandes dautant plus quil affichait, par les uniformes de ses armées, une recopie servile de son modèle. Cela lénervait un peu davoir encore à préciser :

« Vous mettez lAllemagne à lorigine de tous les racismes, en oubliant que les apartheid ont été de tous les temps. Cest tellement vrai que, delles-mêmes, les populations se regroupent en expulsant les corps étrangers. Cest ainsi que cela a dû se passer en Argentine pour les esclaves noirs. »

Le reste de son exposé est parfaitement résumé par ce quen publient les éditions Gallimard dans leur GUIDE de lARGENTINE :

Lénigme des Afro-Argentins

La disparition complète de la population argentine dorigine africaine constitue une énigme à laquelle chacun, lArgentin de la rue comme lhistorien le plus sérieux, tente de répondre à sa façon. Pour ce faire, le premier dispose dun large éventail dexplications, plausibles ou extravagantes, et le second se fonde sur des hypothèses dont le nombre na dégal que la variété.

La communauté des Afro-Argentins était fort élevée : de 1718 à 1815, elle représentait jusquà 30% de la population de Buenos Aires ; en 1887, ils nétaient plus que 8005, soit 1,8%. Dès les premiers temps de la colonisation, au XVIéme siècle, les Espagnols établis en Argentine firent lacquisition desclaves venus dAfrique. Les dispositions particulières imposées par la couronne espagnole les faisaient transporter par bateau de Panama au Pérou, puis acheminer par voie de terre à travers le nord du Chili jusquen Argentine. Arrivés à Buenos Aires, ils étaient vendus à des prix élevés qui tenaient compte de ces énormes coûts de transport. Il y eut donc rapidement contrebande desclaves importés du Brésil ou directement dAfrique qui étaient débarqués clandestinement à Buenos Aires.

Les esclaves étaient surtout employés comme domestiques ou artisans. Leurs conditions de travail étaient donc très différentes de celle que subissaient leurs frères ailleurs en Amérique du Sud mais les souffrances étaient identiques : les membres dune même famille étaient séparés, les fugitifs étaient passibles de châtiments terrifiants et le statut social de Noirs émancipés restait inférieur en droit comme en fait.

Au lendemain de son indépendance, lArgentine engagea un processus de libération des esclaves qui connut de fréquentes interruptions. En 1887, les affranchis étaient majoritaires ; certains avaient reçu la liberté en récompense de leurs actions sur le champ de bataille, dautres avaient bénéficié de la faveur de maîtres compréhensifs ou avaient pu réunir la somme correspondant à leur rachat. On promulgua alors une loi stipulant que les enfants issus dunions entre esclaves naissaient libres, mais la condition de leur mère restait inchangée. Il fallut cependant, attendre 1861 pour que les derniers esclaves soient affranchis.

Dans son ouvrage, The Afro-Argentins of Buenos Aires, 1800 - 1900, George Reid Andrew, un universitaire nord américain, propose quatre explications si rapide et si radicale de la communauté afro-argentine.

Au XVIéme siècle, larmée argentine comptait plusieurs bataillons exclusivement constitués de Noirs ; selon la première hypothèse, les soldats qui représentaient un fort pourcentage de la population afro-argentine, auraient disparu au cours des affrontements qui accompagnèrent lindépendance. La deuxième raison, à laquelle de nombreux chercheurs souscrivent, est celle dun métissage intense qui aurait provoqué la dilution de la race. On suppose en effet que la communauté noire aurait été littéralement submergée par les centaines de milliers dEuropéens qui immigrèrent en Argentine dans les deux dernières décennies du XIXéme siècle. La grande épidémie de fièvre jaune de 1871, associée à la mauvaise santé des esclaves et à leurs conditions de vie déplorables, serait une troisième explication possible. Enfin, Reid Andrew analyse le déclin de la traite des esclaves à compter des son interdiction, en 1813, et limpact de cette mesure sur une communauté de plus en plus réduite, qui ne bénéficiait plus de lapport de forces vives.

A la fin du XIXéme siècle, la communauté afro-argentine avait pratiquement disparu en dehors de quelques gauchos, vendeurs des rues ou, artisans à Buenos Aires.

En ce qui concerne les autochtones, les « INDIOS », population indiennes qui résistaient à la colonisation blanche, la même technique de génocide quen Amérique du Nord en eut raison. On peut lire, dans le guide Gallimard, le déroulement historique du processus sous le titre :

La guerre du Désert. (Lélimination des indiens)

A la fin du XIXéme siècle, la mécanique de la colonisation a obéi en Argentine aux mêmes lois quen Amérique du Nord : lexpansion territoriale sest accompagnée du massacre des populations autochtones. Létablissement de colons dans les territoires préservés avait suscité la révolte des premiers occupants. Plusieurs nations sétaient regroupées en une confédération commandée par le cacique Namuncurà. Deux autres nations, les Ranqueles et les Pincén, luttaient également contre lenvahisseur. En 1875, à la suite du « déplacement » consenti par les Indiens de la région Azul, Namencurà organisait un soulèvement général. En réaction à la multiplication des raids indiens contre les intérêts des colons, les autorités donnaient lordre de repousser les autochtones à louest et au sud. Grâce à la construction de forts et douvrages défensifs qui protégeaient les terres récemment conquises, les Argentins parvenaient à affaiblir la résistance des Indiens.

Roca, ministre de la guerre dAvellenada, prit la tête de plusieurs expéditions militaires et 6000 soldats furent chargés de régler définitivement la question indienne. Seuls quelques groupes autochtones purent se réfugier dans les Andes. En 1879, les derniers Indiens de Patagonie, particulièrement touchés par la perte de leurs immenses territoires, durent conclure la paix avec les autorités responsables de léthnocide.

Après un exposé de ce genre, il ajouta sa propre explication :

« LArgentine fut Espagnole, tandis que le Brésil fut Portugais. Partout où les Portugais se sont implantés, ils ont été absorbés par leurs conquêtes. On prétend que cela est dû au goût immodéré quils ont pour les femmes de couleur. Il en fut ainsi en Angola, au Mozambique et dans leurs possessions asiatiques. Leur apport linguistique et artistique fut indéniable et il en reste quelque chose. Sur le plan génétique ce nest pas le cas. Par contre, les Espagnols ont mieux préservé leur identité. Leur refus de toute intégration des races de couleur a suffit à provoquer une fuite des déracinés africains de lArgentine vers le Brésil plus accueillant. »

Après lécrasement de lAllemagne hitlérienne, lappoint de capitaux importants, puis le gonflement des effectifs par lapport des anciens SS et autres responsables, fuyant le tribunal de Nuremberg, lui assura le plein emploi.

Il fut chargé dinvestir et y réussit si bien quon lui donna de solides revenus et beaucoup de pouvoir discret. Il avait acquis une Estancia importante, aux revenus confortables, située à mi distance de Mendoza et de Bahia Bianca. Il disposait dun avion et dun bateau dont il savait se servir efficacement.

Après quelques parties de pêche, il les invita à visiter son estancia et ses laboratoires pharmaceutiques de Mendoza. Leur amitié se renforçait de jour en jour et leur aisance dans la langue de Cervantés faisait de rapides progrès. De la même façon, leurs relations avec les officiers de marine de la base prenaient un tour familier. La nationalité de JUNON y était pour beaucoup puisque les pilotes de laéronavale étaient dorigine allemande plus ou moins lointaine. Pendant les fréquentes absences de leur ami milliardaire, ils apprenaient à piloter. Cela les amenait à connaître toutes les pistes datterrissage des environs. Cétait des pistes en herbe, très rudimentaires, qui jouxtaient des villages ou des estancias isolées. Laccueil des «estancieros» était chaleureux. En leur honneur, on faisait un « assado», ce gigantesque barbecue, avec une broche assez grande pour enfiler un demi buf. Les vins de Mendoza égayaient encore la fête et on essayait de calmer la gueule de bois du lendemain avec le maté brûlant et fadasse.

Léquitation était obligatoire pour parcourir les kilomètres de pampa. Les enfants se rendaient à lécole à cheval et devenaient ainsi des espèces de centaures inculbutables. Leur cheval les prolongeait ; ils faisaient corps avec lui. Tout se passait comme si lanimal, se sentant si proche deux, branchait son système nerveux sur celui de ses petits cavaliers.

Lestancia « laboratoire » :

Tout excité, lAllemand vint les chercher :

« Mon intendant est arrivé pour ses affaires avec lavion et nous allons lutiliser pour faire un saut à lestancia. Ce cochon-là en profitera pour faire une terrible ribouldingue. Je reviendrai le chercher plus tard et il faudra encore attendre quil soit dessaoulé. »

Il les déposa près dun avion en train de refaire ses pleins, rangea la voiture puis leur expliqua son « plan de vol ».

« Cet avion est un prototype construit par Emile Dewoitine à partir dun biplace daéroclub appelé EL BOYERO en 1951. Avec un rallongement, nécessaire pour ajouter trois places et une soute à bagage, il lui fallut doubler la puissance du moteur. Il ne changea rien à la voilure et obtint un engin sûr et rapide qui fut soigneusement entretenu et qui fait notre bonheur. Tous les mécaniciens qui lont construit sont encore ceux qui en assurent la maintenance. Nous allons voler dune traite jusquà lestancia, située au centre du pays à égale distance de Bahia Bianca et de Mendoza ».

Ils embarquèrent avec leurs bagages et décollèrent peu après. Le voyage fut sans histoires, jusquà une belle piste en herbe, bordée par un hangar.

Il devait y avoir des problèmes à lestancia, dont les installations de stockage de sacs de blé étaient proches, car, une splendide brunette en robe folklorique, vint chercher leur pilote en courant. Elle lemmena, pressée, au fond du local. Ils suivaient lentement et ne furent fixés sur cet empressement quen entendant des halètements et des bruits de succion. Notre pilote était littéralement assailli par une bouche gourmande et des mains actives auxquelles il apportait une participation daffamé. Il avait relevé la longue robe en découvrant une carnation de métis bronzée qui tranchait avec la blancheur de sa peau de rouquin. Ils étaient si emmêlés lun dans lautre, quil fallut aux deux voyeurs toute leur attention pour suivre lévolution, des choses. Cela se précipitait, on sentait lurgence. Allongée sur les sacs de blé, en position latérale, elle relevait une de ses belles jambes pour mieux le recevoir. Elle navait pas de temps à perdre aux préliminaires et son partenaire devait contenir ses soubresauts pour ne pas éclater prématurément. Le spectacle était dun érotisme irrésistible. Penché derrière JUNON, SAMUEL avait relevé sa robe, écarté la petite culotte trempée et suivait le rythme commandé par le merveilleux spectacle. Lorsque la fermière bascula sur le ventre, il comprit que la conclusion était proche. Déjà elle était à genoux, ses merveilleuses hanches cramponnées par son cavalier qui la labourait avec de puissants mouvements des reins. SAMUEL suivit le programme, et tous les quatre, dans un gémissement de fauves en rut et en sueur, conclurent leurs affaires à lunisson.

Cest en se retirant que lAllemand saperçut quil avait fait école. Il partit dun grand éclat de rire et sexpliqua :

« Vous comprenez, maintenant, pourquoi jétais pressé de venir à lestancia. Il nous fallait profiter de labsence de son porc de mari pour faire ce quon attendait avec impatience. Cet ivrogne est jaloux comme un tigre. Il serait capable des pires extrémités sil savait tout cela. »

SAMUEL était très amusé et se permit une remarque :

« Cela cadre mal avec vos principes de pureté raciale, parce que votre dulcinée semble issue dun beau brassage de races. »

On trouve toujours une bonne justification aux turpitudes humaines :

« Mais il ne sagit que de fornication et non de procréation. Nous ne sommes pas des hitlériens et nous respectons les ethnies ainsi que les fantasmes interethniques sans conséquences génétiques. Une affaire comme CONCHITA, on ne trouve pas cela tous les jours. »

Il les remercia de sêtre prêtés au jeu et reçut, en échange, leurs remerciements pour avoir pu y participer dune certaine manière.

Le soir, CONCHITA leur prépara un repas de fête, épicé et bien arrosé en vins blancs et rouges qui leurs tournaient un peu la tête.

« CONCHITA connaît des recettes indiennes qui saccompagnent dherbes aromatiques « virilisantes ». Ma Chère, vous men donnerez des nouvelles demain matin. »

Il ne croyait pas si bien dire car, laissant cuisine, vaisselle et ménage à ses servantes, la brûlante CONCHITA accéléra les choses pour se retirer avec son amant.

Le matin, c‘est un homme épuisé, mais serein, qui les emmena visiter la propriété.

Sur un rayon de quatre kilomètres, autour dun bâtiment de stockages de céréales, deux types de productions agricoles étaient disposés de façon concentrique. Au centre, les terres à blé labourées et à la périphérie les herbages de la pampa où couraient, librement semblait-il, des vaches et de chevaux. Une rivière contournait ces immensités herbeuses. Lestancia occupait une zone arborée à la limite des propriétés, à deux ou trois kilomètres dune petite cité. Entre les deux, la vieille route, bien droite sur trois mille mètres, au moins, avait été élargie et bien damée pour service de piste datterrissage. Un peu avant darriver aux locaux des céréales, un hangar et un dépôt de carburant enterré constituaient toute linstallation aéronautique. Lénorme matériel agricole y était aussi garé et entretenu.

Ils furent montés sur des chevaux élégants pour se rendre au centre des installations. Par politesse, on ne leur avait pas sellé des « bronchos » rétifs comme les gamins de lestancia savaient monter. Des hongres âgés et des juments calmes convenaient beaucoup mieux à leurs fraîches connaissances de léquitation.

« Je nai pas su ni pu vous cacher ma vie intime, mais maintenant jéprouve pour vous lamitié des complicités. Vous savez, cela pourrait aller loin car CONCHITA saurait se mettre à votre service comme elle lest au mien. Cela me reposerait un peu. Dailleurs, ce soir, je vous montrerai peut-être, à quelle extrémité jen suis réduit pour contenter cette insatiable. Vous ne vous étonnerez pas, alors, de son goût pour la sexualité de groupe et bien dautres choses encore.

Vous me connaissez assez, pour mappeler CONRAD, comme je vous appelle et SAMUEL. »

« En attendant, je vais avoir besoin des connaissances de diamantaire de SAMUEL. »

On était arrivés aux silos de céréales, a lombre desquels sétendaient des bâtiments discrets, sans étage, se terminant par une salle de machines équipée dun fort groupe électrogène. Cest par lui que la visite commença.

Ils furent rejoints par un petit homme dallure levantine, avec un nez fort qui semblait descendre dans sa bouche à la lèvre inférieure pendante. Derrière lui, hurlante et rouge de colère, une belle fille à la taille bien prise sen prit à CONRAD :

« Il était temps que vous arriviez. Cette salope de CONCHITA a joué à la malade pour quISAAC vienne la soigner. Dès que son ivrogne de mari sabsente, elle relance mon mari en disant que chez les hommes, le nez est en proportion de leur zigounette. Elle ne pense quà cela et ISAAC en revient tout excité. »

CONRAD se retenait de rire, car, il voulait calmer la dame :

« Ne vous plaignez pas RACHEL. CONCHITA vous le prépare et cest vous qui en avez le bénéfice. Je connais le Docteur ISAAC, même sil a envie de CONCHITA, il ne vous la préférera jamais et vous savez comment le vérifier. »

Dans cette estancia, les chaleurs rurales étaient donc dune rare violence, mais on nétait pas venus pour cela. Ils apprirent ainsi que les bâtiments suivants étaient des laboratoires qui employaient une main duvre dhandicapés mentaux. Ce nétait quun petit effectif constitué de trois à cinq couples assortis par CONRAD. Cocaïne et morphine base étaient produits et ensachés dans une discrétion totale. Les recherches portaient sur des compositions abortives et anticonceptionnelles. Les couples dhandicapés mentaux étaient encouragés à la fornication productive et cest sur eux quétaient expérimentés les résultats des travaux des chercheurs.

Tout cela demandait une explication que CONRAD ne se fit pas prier de donner. Il commença par un historique qui faisait remonter aux année 1920 et suivantes.

« Le Klu Klux Klan a été le détonateur de cette explosion dactivités visant à préserver, dune manière scientifique, lhumanité en voie de déliquescence par la surnatalité et les métissages. Dans tous les pays, des sociétés secrètes furent fondées et fédérées. Elles craignaient les « Eglises », mais se basaient sur la bible qui permet, comme tous les livres saints, de justifier nimporte quoi. Ne vous y trompez pas et oubliez cette image folklorique des « pénitents blancs encagoulés » amateurs du lynchage des bons nègres et des mauvais blancs. Les anciens «K. K .K», organisés en sections, se sont internationalisés sous le sigle «3Ki». Ces sections, dispersées par le monde, ont des prétentions scientifiques à léchelle de la planète. Ils adoptent un profil bas et des méthodes douces mais les résultats et les buts sont inchangés.

En Allemagne, on crut quAdolf Hitler était le messie de ces principes. La militarisation de sa doctrine, ainsi que son application violente et démagogique, fut dabord dénoncée par nos adhérents israélites que nous avons soutenus. »

ISAAC approuvait ces paroles, vite interrompues par un hurlement de klaxon. Il se précipita vers un téléphone, écouta et ordonna quon passe les feux au rouge. Il revint en rendant compte de larrivée dun DC 3 qui demandait la priorité sur la piste. A cet effet, les feux rouges y interdisaient toute circulation de véhicules ou danimaux. Cette dernière éventualité nétait guère contrôlable, ce qui rendait les atterrissages comme les décollages, pleins daléas.

Il ny eut aucun problème et lavion alla se ranger près du hangar, à côté du poste dessence. Le pilote et son passager, manifestement en état dalcoolémie avancée, furent accueillis par CONRAD et ISAAC. Le passager, cétait lintendant à peine remis de ses frasques à Bahia Bianca. Le camion du domaine arriva et on en transféra des caisses marquées « médicaments » dans lavion qui décolla, sitôt les pleins faits, pour Récife au Brésil. CONRAD précisa à SAMUEL que le pilote, lorsquil venait seul hors de la présence de lintendant, allait se restaurer à lestancia et remerciait CONCHITA très affectueusement.

Cette fois-ci, il ne devait pas rater la correspondance avec le quadrimoteur qui assurait la liaison de Récife à Dakar. Lexplication fut donnée par ISAAC.

« Nos médicaments sont tous à deux composants. Séparés, ces composants sont inactifs et sans danger. Mélangés comme il faut, ils deviennent des « bombes » de drogue explosive. Il suffit de charger le composant de plus faible volume, pour obtenir la diffusion payante du virus ou de la bactérie choisis. »

Cétait, froidement résumé, la description de la diffusion dune « myxomatose » humaine, ciblée sur une région du globe. Mieux encore, ces deux composants, isolés lun de lautre, ne présentaient pas le caractère répréhensible de stupéfiants. Il ny avait donc aucun risque douanier ou policier.

CONRAD reconnaissait que leurs recherches navaient pas encore atteint leurs objectifs qui se voulaient humanitaires. La diffusion dune molécule stérilisante, définitive, aurait permis un contrôle des naissances et une sélection efficaces. Cétait leur sujet principal de recherches dans le monde entier. En se basant sur les caractéristiques sanguines des races on essayait de trouver le virus sélectif, comme celui de la myxomatose, qui ne frappait que les lapins.

On en était à une substance capable de bloquer les ovulations pendant une courte durée. Tous les essais dallongement de sa durée daction, avaient conduit à de graves déboires. Les couples mongoliens quils employaient servaient de cobayes. Quand les essais tournaient mal, ils étaient hospitalisés et remplacés par des nouveaux quon séduisait avec des gâteries et des facilités de petites débauches lubriques. CONRAD justifiait la moralité pour le moins discutable de laffaire :

« Vous avez bien compris que la vente des stupéfiants nous fait vivre tout en permettant une action efficace. En gagnant beaucoup dargent nous pouvons diffuser nos molécules associées à un des composant de la drogue. Nos objectifs nont plus rien à voir avec les grossiers massacres des chambres à gaz nazis. Tout repose sur notre théorie pessimiste de lévolution, inverse de la théorie optimiste de Darwin. Lui, prétend que la sélection naturelle améliore lespèce en lui attribuant une origine grossièrement animale. Nous, on pense que cest linverse et, quinéluctablement, les êtres vivants dégénèrent. Cest lhomme qui est au départ et cest le singe qui descend de lhomme, après plusieurs étapes de dégradations. Tous les états intermédiaires entre lhomme et le singe existent sous forme de différentes races ou ethnies sur la terre. Cest en se reproduisant, entre espèces plus ou moins dégénérées, par métissages successifs, quon accélère le phénomène. Cest ainsi quon voit disparaître les plus fragiles, les blancs aux yeux bleus, dans des pays immenses comme la Chine, mais aussi dans danciennes colonies métissées où on ne retrouve rien de lapport blanc. »

Il était intarissable sur le sujet. A grands coups de drogues, adjuvantées comme dans un rêve, il refaisait le monde dans sa pureté originelle. Mieux encore, tout était prévu pour que cela ne retombe pas dans les désordres issus dune genèse mal comprise et encore plus mal conduite.

SAMUEL retrouvait là des choses quil avait déchiffrées dans les dossiers du Kapo. Quelles que soient les méthodes employées, il sagissait bien de génocides ethniques. Il nosait pas questionner CONRAD sur ses correspondants au Chili. Toute indiscrétion de sa part aurait pu lui être fatale. Alors, il approuvait tout et acceptait toutes les propositions de CONRAD sous prétexte quil aurait aimé trouver un emploi, pour lui comme pour son épouse. Avec beaucoup dimagination, brodant autour de réalités, il avait établi leur curriculum vitae. Bien entendu, il tenait compte de ce quil savait des activités de CONRAD. En particulier, il avait retenu que les fournitures, à lAfrique, de drogues empoisonnées, étaient centralisées à BANGUI. Elles y étaient payées en diamants et le problème résidait dans lestimation difficile, sans connaissances spéciales, de la valeur des pierres. Cest en estimant le dernier lot reçu quil put justifier son recrutement. En effet, la valeur en était très réduite, bien en dessous de ce qui était escompté pour la livraison de drogues correspondante. Il en fut de même pour tout ce qui était entassé dans le coffre de lestancia. Il était évident que leur distributeur général au Centrafrique les volait.

Pendant quil opérait ainsi, JUNON aidait le Docteur ISAAC, tant au laboratoire que dans les soins au personnel. Elle retrouvait son métier avec bonheur et recevait, par son patron, bien des confidences autant sur CONCHITA que sur RACHEL. Pour ces dernières, les préoccupations sexuelles confinaient à une obsession que la jalousie mutuelle des deux femmes ne faisait quexacerber. Elle apprenait aussi beaucoup de choses sur leffrayant programme des « 3Ki ». Il lui expliquait, en toute confiance, les soucis quils avaient tous de trouver des vecteurs pour atteindre les populations dont ils voulaient contrôler les proliférations abusives :

« Les laboratoires ont leurs propres idées pour la dissémination ciblée des virus quils mettent au point. Nos dirigeants politiques, dans chaque section autonome, ont leur propre stratégie inspirée par leurs convictions, fortement influencées par leurs religions. Ce sont ces religions qui pourrissent tout. Au nom dun Dieu on justifie les plus honteuses violences. Cest encore pire quand ce Dieu nest quune idéologie. On a vu ce que cela donnait avec les totalitarismes soviétiques ou hitlériens. Chez les musulmans on ne rêve que de conquête par élimination de « linfidèle ». Pour cela, on a envisagé la propagation des virus par les oiseaux migrateurs. Lempoisonnement des viandes de porcs par des virus transmissibles à lhomme opère inévitablement la sélection recherchée puisque cette viande nest consommée que par les « infidèles ». De la même façon, la recherche dun virus accroché aux levures de la fermentation alcoolique, est poursuivie dans le même esprit.

On verra bientôt entre les sections des « 3K » des guerres délimination. Cest la rançon de lautonomie des sections qui ne suivent que leur propre politique. »

La remise en ordre du « magasin central » africain :

Dans le quadrimoteur qui les emmenait à Dakar, Ils escortaient un fort lot de drogues à réassortir au Sénégal pour les distribuer, prêtes à lemploi, dans les grandes métropoles africaines. Le transit à Dakar fut effectué après échange de leur chargement argentin avec léquivalent manufacturé à Dakar. Les caisses étaient marquées « médicaments », aux noms dorganismes charitables venant en aide aux populations africaines défavorisées.

« Pour linstant on ne nous cherche pas dembrouilles, mais cela ne durera pas. Nous projetons de tout manufacturer à BANGUI où nous aurons encore longtemps les coudées franches. A DAKAR, il ny aura quun transit de médicaments inoffensifs dont les douanes nauront pas à soccuper. »

Le petit quadrimoteur « héron » qui les emportait à Bangui était très rustique et un peu inquiétant, vu son âge et son état dentretien. Ils accompagnèrent leur chargement avec ses camions, à la villa luxueuse occupée par leur correspondant. Un nombreux personnel en assurait lentretien et lintendance. Ils furent reçus avec force rafraîchissements en attendant le maître de maison. Un crissement des pneus dune limousine de luxe lannonça. Souriant et condescendant, un grand mulâtre se précipita vers eux avec une politesse exagérée. Tenue tapageuse, grosses bagues à tous les doigts, il jouait les notables. Par sa fortune, sen était un et toutes les portes du pouvoir souvraient devant lui. Sa serviette contenait les diamants destinés au règlement de la livraison en cours. SAMUEL en fit rapidement lévaluation.

« Cela ne vaut pas plus que vos précédents règlements. Veuillez nous indiquer comment vous comptez nous restituer tout ce que vous nous avez volé. »

Sûr de lui et de sa position sociale, le métis le prit de haut et se fit menaçant :

« Cest tout ce que vous pouvez espérer et estimez-vous heureux que je ne vous fasse pas expulser par les autorités que je contrôle. Mais je peux simplifier les choses. »

Il avait sorti un gros pistolet automatique quil neut pas le temps darmer. CONRAD sy attendait et son pistolet était déjà équipé du silencieux. Il fit feu à deux reprises, Une balle fit sauter larme de la main du métis, une deuxième lui fit éclater la cervelle. Le cadavre fut roulé dans le tapis de coco du salon et disparut derrière un canapé, un peu avant lentrée du boy qui apportait les rafraîchissements.

« Tu vas tout de suite aller me chercher le second de ton patron, avec sa femme et ses enfants et tu te mettras à ses ordres. Maintenant cest lui le chef. »

Ils sirotaient leurs jus dananas glacé, lorsquun pur nègre arriva suivi de sa famille. Il connaissait vaguement CONRAD et savait quil était le grand patron. Il ne comprenait rien à la situation, surtout quand on lui ordonna dinstaller sa famille dans la belle villa. Après avoir donné les ordres nécessaires, il revint dans la salle de séjour où les deux blancs lui montrèrent ce quil restait du métis enroulé dans le tapis. Avec un sourire de joie pleine de mépris, il balança quelques coups de pieds dans le cadavre et lui cracha dessus.

« Lui, cétait une saloperie et plus voleur encore avec les faibles quavec les forts. »

CONRAD sétonna de le voir bien parler :

« Où est-tu allé à lécole, sais tu lire, écrire et compter ? »

Cétait un homme fier et il sut le montrer par sa réponse :

« Je suis allé à lécole chez les Pères et jai passé mon brevet. »

Rassuré davoir trouvé un homme de valeur pour remplacer le métis pourri, CONRAD confirma sa promotion :

« Tu vois ce qui arrive aux malhonnêtes gens, quand on ne peut plus leur faire confiance. Si cela ne te fait pas peur veux-tu remplacer cette ordure et me débarrasser discrètement de sa charogne ? »

Tout se passait comme si les choses avaient été programmées ainsi. Après avoir donné son nom Africain et son prénom chrétien inventé par les pères blancs : ROBERT ABDOU, il accepta :

« Jaccepte si vous men donnez les moyens. Pour la charogne, dès que la nuit sera tombée je vous enverrai une équipe de Pahouins qui en fera son repas de demain. »

Le lendemain matin, tout était rentré dans lordre au point quon ne voyait même pas le changement dautorité. On pu constater que le métis était un minable qui se reposait sur son second, plus instruit que lui, pour faire son travail avec un salaire de misère.

CONRAD réclama la production dun budget pour la maintenance du train de vie de la maison telle quelle était, avec ses salaires, ses besoins en nourriture, linges, électricité, voiture et les frais habituels. A ce chiffre, il ajouta le salaire du métis défunt et les commissions diverses proportionnelles à lactivité. Le pauvre noir était abasourdi par ce pactole. CONRAD doucha sa joie en lui rappelant quil devrait dépenser beaucoup pour sattacher les protections officielles dont bénéficiait le métis.

« Noublie pas que si tu ne le fais pas ils vont regretter le métis et chercher ce quil est devenu. Nous, on sera loin et ils pourraient te faire un chantage encore plus coûteux. »

LAfricain navait pas besoin quon insiste. Quand il se mit à parler en maître tout le personnel obéit, préférant ce maître modeste et honnête à la saloperie quils avaient subi. Les deux blancs, par leur brutalité, inspiraient la crainte nécessaire pour que tout se passe bien en leur absence.

La reprise en main du réseau africain :

Il fallait reprendre en main tout le réseau. Le plus simple était deffectuer la tournée des livraisons en vérifiant toujours, par lexpertise de SAMUEL, la valeur des diamants. Le remplaçant du métis se montra à la hauteur en proposant un livreur qui lui serait entièrement dévoué. Il alla le chercher et il fallut lhabiller dune manière qui impressionne ses futurs « contacts ». ABDOU, le nouveau patron, expliqua ses projets :

« Je vais lui remettre un pistolet et un poignard pour quil puisse se défendre et rétablir lordre dans le personnel. Il ne tuera que sur mon ordre. On va le présenter aux distributeurs. »

Cela changeait complètement lancienne organisation. ABDOU les sentit réticents ou plus exactement interrogatifs. Il sexpliqua avant quon le questionne :

« Le métis nétait quun vulgaire livreur de luxe. Même pour cela, il ne valait pas grand-chose. Désormais, jaurai des livreurs qui ne feront que cela et qui men rendront compte. En cas de problème, je les accompagnerai pour que tout rentre dans lordre, sans discussion. »

La tournée commença, à partir du nord, dans tous les ports importants, de Dakar à Port Gentil. Tout se passa dans lordre, ABDOU prenait bien son affaire en main, aidé par la mine patibulaire de son livreur. A LOME, le distributeur refusa lautorité dABDOU. Un simple geste du menton lui suffit pour que le valet comprenne lintention du maître. La lame jaillit et trancha les carotides du récalcitrant. Il fut amusant de constater quABDOU employa la même technique de promotion que CONRAD. Il fit chercher lhomme à tout faire du livreur défunt qui fut impressionné et charmé par le spectacle de son maître se vidant de son sang. Il le chargea de se débarrasser du cadavre, comme condition dembauche en qualité de petit patron.

Ils transitaient toujours par Bangui pour se réapprovisionner et mettre en lieu sûr les diamants récupérés en paiement des drogues. Cette distribution « en parapluie » ne semblait pas rationnelle à SAMUEL qui demanda des explications à CONRAD.

« Les grands ports sont les seuls endroits où on trouve, à la fois, les clients et largent. Si on les approvisionne par lextérieur du pays on subit les contrôles des douanes comme toutes les marchandises importées. Même si cest sans danger, cest une perte de temps et une grande indiscrétion. Par contre, tout ce qui vient de lintérieur du pays nest pas contrôlé aux entrées des villes, même portuaires. Ainsi nous navons à corrompre, et à payer très cher pour cela, que lunique centre du « parapluie », choisi en conséquence. »

Le téléphone africain répandit la nouvelle quune autre direction, plus dure, reprenait les choses en main. Cependant, CONRAD sentendit avec ABDOU pour établir un calendrier de visites et une procédure en cas durgence.

Dans lavion du retour, SAMUEL demanda pourquoi le marché africain, mauvais payeur, intéressait tant lorganisation de CONRAD :

« DAfrique, lémigration vers lEurope est financée par la drogue et la prostitution. Toutes les deux sont liées puisque le drogué ou la droguée paient leur drogue en se prostituant. En Afrique, ils vendent aussi leur sang contaminé, quon injecte aux hémophiles dEurope, ce qui élimine une lourde hérédité. Pour pénétrer le marché européen, directement, les risques douaniers et policiers sont trop grands. Nous le faisons quand même avec de coûteuses précautions. Mais tranquillisez-vous, le bénéfice final est très intéressant. Maintenant, il vous suffira dexpertiser les diamants reçus dAfrique en leur donnant une note sur laquelle nous nous baserons pour la revente. »

« Ce système de paiement en diamants est propre à notre réseau dont laire géographique est limitée par celle des autres réseaux qui contrôlent les autres régions dAfrique et ainsi de suite de par le monde. »

SAMUEL ne comprenait pas pourquoi lAfrique du Sud, terre dapartheid par excellence, ne possédait pas de section des «3Ki» :

« Votre action serait plus efficace si elle possédait des sections en Afrique du Sud et du Nord pour encadrer tout le continent. Elle pourrait même trouver des tribus indigènes intéressées par le mouvement, peut-être moins par idéologie que pour des raisons financières. »

CONRAD était bien daccord, mais la question avait était étudiée et on se heurtait à lhistoire avec un grand « H » :

« Les «3Ki » ont malheureusement gardé leur mauvaise réputation, liée à leurs anciennes pratiques aux U.S.A. De plus, il faudra des siècles pour que les préjugés raciaux se transforment en données scientifiques. Cela fera beaucoup trop de monde à convaincre et trop dhabitudes, de traditions et dobscurantismes religieux à surmonter. »

SAMUEL retrouva sa JUNON avec bonheur. Sa blondeur, légèrement bronzée, la rendait encore plus belle. Malgré le caractère médical de son travail, elle avait appris beaucoup de choses sur ce réseau international plus proche dune secte que dune entreprise quelconque. Oubliant le côté discutable de laffaire, elle ne voyait que leur sécurité. Elle croyait que leur intégration à léquipe de CONRAD était une protection. SAMUEL len dissuada :

« Nous étions déjà condamnés parce que nous en savions trop sur le passé. Maintenant nous le sommes parce que nous en savons trop sur le présent. Nous sommes prisonniers de nos nouvelles fonctions. On est très bien payés mais on ne peut pas faire grand-chose avec ce quon gagne. Notre seule protection, quand nous nous éloignons de lestancia, cest de lier notre déplacement, soit à notre travail, soit à des distractions communes avec le Docteur ISAAC et son épouse ou avec CONRAD. Nos relations personnelles doivent se limiter à ceux qui peuvent témoigner pour nous, autrement dit nous surveiller. »

Le laboratoire dnologie de Mendoza - Les Chiliens - « SC3Ki »-« SA3Ki» et « SF3Ki» :

Cest ISAAC qui leur fit les honneurs du laboratoire dnologie de Mendoza. Les magnifiques vignobles, où lon retrouvait les noms de grandes affaires vinicoles françaises, produisaient des vins de plan de grande qualité. De lautre côté de la Cordillère des Andes, le Chili avait même une réputation supérieure, quant à la qualité des vins produits.

Le grand laboratoire de Mendoza avait son homologue au Chili et il existait des échanges de produits biologiques entre les deux laboratoires des deux pays. Il existait, aussi, des échanges qui navaient rien à voir avec lnologie et qui étaient marqués aux sigles « SA3Ki» ou « SC3Ki» et en France « SF3Ki». Ce dernier se lisait : Section Française du Klu Klux Klan international. La deuxième lettre se référait au pays dorigine.

La recherche sur les bactéries et les virus était très active et cela ne concernait pas toujours la vigne ou le vin. Le bon Docteur ISAAC expliqua :

« Nous recherchons une parade au virus qui est inoculé avec la drogue. Il se transmet, ensuite, par le sang et le sperme. Nous savons rendre une femme stérile, nos pilules sont efficaces mais ne conduisent pas à une stérilisation définitive, seule capable déviter lexplosion démographique. Il faut trouver un moyen pour que les femmes absorbent nos pilules à leur insu. Pour se protéger, contre le virus de la drogue, nous recherchons le médicament auquel nous adjoindrons les principes actifs de la pilule. Cest tout ce que nous envisageons comme tactique dans létat actuel de nos recherches. Cela ne nous empêche pas de continuer nos expériences avec des cobayes, débiles mentaux, pour trouver le produit de stérilisation définitive. On travaille là-dessus dans le monde entier et cela concerne autant les hommes que les femmes. »

De Bolivie, des sacs de coca bruts transitaient par le laboratoire qui effectuait les concentrations avant de les expédier à lestancia.

La ville méritait la visite. Les restaurants y étaient excellents et le vin coulait comme dune intarissable fontaine. Une handicapée mentale douce, belle, souriante et affectueuse accompagna leur retour. JUNON était assise à lavant de lavion piloté par CONRAD. Sur le siège arrière, la jeune fille était serrée contre SAMUEL et le couvrait de baisers et de caresses. Il sen amusait, ce qui fâchait JUNON mais nempêchait pas les mains baladeuses de la demoiselle davoir des audaces qui ne déplaisaient pas à SAMUEL. Il lui rendait dailleurs ses politesses et dispensait entre ses cuisses ouvertes les caresses les plus chaudes. JUNON se promettait de se venger par simple imitation.

Le Docteur ISAAC fut enchanté de cette nouvelle recrue, en voyant que ses élans daffection pouvaient aller très loin. Elle fut donc choisie pour expérimenter deux médicaments très bénins. Lun permettait de savoir si une femme était féconde, lautre si elle était enceinte. Ces tests étaient indispensables dans la recherche du fameux produit stérilisant définitif.

Avec maintes caresses et bisous, il avait amené la fille dans un état de réceptivité étonnant. JUNON lassistait, curieuse et excitée de voir que quelques caresses pubiennes suffisaient pour la convaincre que tout était fait pour lui faire plaisir. Le bon Docteur ISAAC y prenait un grand plaisir que son regard lubrique ne pouvait dissimuler. Avec son soin habituel, il avait stérilisé le spéculum par ébullition et fait en sorte de ne lemployer quà une température confortable.

Il le serra jusquà la déchirure révélée par quelques gouttes de sang. La fille accusa le coup et il desserra la vis. Voyant son assistante perplexe, il expliqua :

« Elle était vierge. Elle vient de perdre son pucelage ce qui lui évitera un éventuel traumatisme lors de ses premiers rapports sexuels. Cela ne saurait tarder, car, nous approchons de sa période de fécondité et nous avons besoin quelle soit enceinte pour vérifier nos compositions. »

Ce quil ne précisait pas cest le choix de lopérateur géniteur, pourtant, il le connaissait. Dans quelques jours, lors du dernier contrôle de fécondité, on le saura.

Le courtier diamantaire, RACHEL, ISAAC et les gogols

Lorsque les expérimentations échouaient, la conséquence en était lavortement précoce. Il arrivait, quelquefois, des complications, des curetages inefficaces et des infections incontrôlables. Dans ce cas, RACHEL accompagnait la malade soit à Buenos Aires soit à Sao Paulo, au Brésil, si la discrétion le recommandait. SAMUEL empruntait souvent le même avion pour se rendre à Rio de Janeiro voir ses joailliers et diamantaires.

Cette fois-ci, le petit avion navait que Sao Paulo comme destination. RACHEL accompagnait une jeune fille trisomique enceinte dont la grossesse nétait apparue que très tardivement. Son avortement devait être pratiqué dans un service de gynécologie bien équipé. RACHEL prétendait que cétait ISAAC qui avait engrossé la fille. En tout cas, elle était certaine quil ny avait eu quun rapport, car, la fille ne voulait plus approcher du Docteur ISAAC. RACHEL justifiait la chose par la douleur de la pénétration, imposée par les dimensions colossales du pénis médical. La dite pénétration nétait même pas envisageable si des soins préalables, très lubrifiants, nétaient pas pratiqués. Elle ajoutait quelle même, recevait les hommages conjugaux avec appréhension et quelle rêvait dun pénis mieux adapté à sa morphologie intime. Ce faisant, elle coulait un regard langoureux à SAMUEL, en regardant ostensiblement sous sa ceinture.

A Sao Paulo, lhôpital les reçut comme des habitués, RACHEL versa un chèque dacompte, remplit tous les papiers et expliqua comment cela se passait habituellement :

« Tous les mois nous recevons les factures que nous réglons sans retard. En cas de guérison nous récupérons la fille. En cas de décès, nous attestons quelle est sans famille et inhumée comme telle, à nos frais, évidemment. »

Tous les hôtels affichaient « complet ». Un grand congrès international expliquait la chose. RACHEL se rendit à la synagogue et revint triomphante avec une clé.

« Jai loué le studio dune dame, partie en voyage, à la gardienne de limmeuble. Elle fera son affaire du ménage après notre départ. Les restaurants vont être bondés, mais puisque nous avons une cuisine, jai acheté tout ce quil nous faut pour le dîner de ce soir, et le petit déjeuner de demain matin. Jespère que mes initiatives ne vous contrarient pas.»

Il aurait eu mauvaise grâce de se plaindre de tant de serviabilité, mais il nétait pas au bout de ses surprises.

Ils sétaient donc retrouvés le soir dans un studio, petit mais douillet, où losso bucco aux haricots noirs mijotait près dune table bien mise et déjà chargée de sa bouteille de vin. Sur le canapé où lapéritif les mettait côte à côte, dans une intimité qui leur était inhabituelle, elle lui prit la main et posa sa tête sur son épaule. Manifestement, elle était en manque et il eut, passagèrement, limpression dêtre tombé dans une souricière, mais « quand le vin est tiré... »

Le dîner fut fort gai et il prit tellement plaisir à leur intimité quil se retrouva, un peu plus tard, nu comme un vers avec une pieuvre qui limmobilisait de ses tentacules. Cela ne dura pas, car elle concentra toute son attention sur le pénis en érection quelle manipulait et quelle goûta si goulûment quil dut len arracher, haletant, en lui disant :

« Si tu me fais éclater maintenant, il faudra que tattende longtemps pour que je récupère. »

Elle aimait conduire le bal ; cétait une vraie cavalière. Alors, le laissant sur le dos, elle le chevaucha, empalée, à grands coups de jarrets, en essayant de se justifier pendant les pauses :

« Comprends-moi, avec toi, je connais lamour sans douleur. Partout où tu me pénétreras je me sentirai à ta pointure. ISAAC et son énorme engin me dégoûtent. Il est si énorme que ma bouche est trop petite pour le saisir. Avec lui, jai toujours était privée de fellation et cela me manquait beaucoup. Il ma défoncée et jai toujours refusé quil me sodomise. Il maurait éclatée comme une noix. »

Pour que laction suive la parole, elle sétait mise sur le ventre, ses deux mains écartant ses fesses avec des tremblements dimpatience. Cest elle qui le goba ainsi avant de se mettre rapidement à genoux, reins creusés pour mieux le « mordre » à chacun de ses retours comme si elle craignait quil se retire. Il lavait vue jalouse de CONCHITA, faisant devant CONRAD une scène à son mari. Il comprit que cest à CONRAD quelle faisait la scène, car tout ce quen prenait CONCHITA, elle laurait voulu pour elle seule.

Nul doute que dans sa recherche de la bonne pointure elle avait trouvé, en CONRAD et en SAMUEL, les pieds qui convenaient à ses chaussures.

Les dessous amoureux de lestancia, isolée dans sa pampa, avaient commencé à se dessiner avec la démonstration de CONCHITA et de CONRAD, mais cela allait encore plus loin. Cest en tout cas, ce quétaient en train dapprendre nos deux héros.

Au laboratoire les belles jambes relevées de la fille au mental déficient, mais affectueuse à lexcès, recevaient lhommage habituel du spéculum. ISAAC prenait un malin plaisir à le manipuler comme un godemiché. Il montrait alors à JUNON, leffet produit sur les glandes de « bartollin ». Cela correspondait, en aspect et quantité, à une bonne éjaculation masculine. Il commentait, bavant dexcitation :

« Cette abondance et cette qualité correspondent à la fécondité maximum, favorable à lensemencement par les spermatozoïdes. Il faut faire vite, pour profiter de ces circonstances favorables. »

La présence de son assistante décuplait sa lubricité. Il avait retiré le spéculum et dune bouche gourmande il pratiquait à sa patiente, un cunnilingus denfer. La fille jouissait, bavait du vagin et, fascinée par le spectacle de ces énormes orgasmes, JUNON navait pas vu quISAAC avait libéré son membre. Il était énorme, la peau tendue luisante de tension, violacée de tout lénorme afflux de sang nécessaire pour créer cette monstruosité. Son poids ne lui permettait pas la remontée vers la verticale. Il le tenait horizontal, parfaitement aligné sur la béance qui le sollicitait. Quand il sengagea, dune seul coup de rein, la fille poussa un hurlement de douleur qui aurait dû lui couper tout désir. Au contraire, la douleur semblait exacerber son bonheur, car, lorsquil linonda, au bon moment, elle seffondra dans un orgasme gigantesque pour finir comme à lagonie.

Devant lérotisme de cet accouplement sauvage, JUNON était haletante, gonflée de désir. Le spectacle lui donnait dirrésistibles envies et lénormité du membre, au lieu de leffrayer, éveillait en elle une curiosité malsaine. Si ISAAC avait eut un pouvoir de récupération suffisant, nul doute quelle aurait pris la suite de la petite gogole nymphomane.

Le soir, elle revivait la scène et, plus elle y pensait, plus la fascination de lénorme membre agissait. Elle ne pouvait sempêcher de penser à CONCHITA qui lappréciait aussi, en prétendant quil existait une proportionnalité avec lappendice nasal. Cela se vérifiait parfaitement chez ISAAC. Il lui fallut se calmer à la main pour trouver le sommeil. Le lendemain, elle ny tint plus :

« Docteur, pourriez-vous me faire le test de fécondité. SAMUEL revient demain et je ne voudrais pas être enceinte, car, après plusieurs jours de chasteté, il aura des exigences. »

ISAAC partit dun grand rire et, pour atténuer déventuels scrupules, il ne pouvait pas trouver mieux que de lui suggérer que tout cela nétait quun échange de doux procédés pleins de bonheur pour tous. Il nétait pas dupe de lhypocrisie dune femelle en situation de « manque » sexuel. Il avait bien vu la fascination de son infirmière devant le spectacle quil lui avait offert. Lui-même avait été excité de se savoir regardé avec tant de concupiscence, pendant sa fornication. Il lui précisa :

« Cela métonnerait quil ait de grandes exigences après être passé entre les mains de RACHEL. Je la connais, je connais encore mieux ses goûts que je ne peux satisfaire. Je vous expliquerai cela plus tard. En attendant, déshabillez-vous et préparez-vous, je vais désinfecter le spéculum. »

Ce fut très médical jusquà la fin du test quil lui exposa en détail et scientifiquement ... au début :

« Vous nêtes pas dans une période de fécondité, mais noubliez pas que les spermatozoïdes peuvent vivre quarante huit heures dans un vagin non lavé. Leau froide leur est fatale, surtout si on la javellise un peu. »

Pendant cet exposé, son index massait au bon endroit le pubis de RACHEL. Une onde de bonheur la faisait frissonner. Pour garder une contenance, pendant quil se découvrait, il loccupait par quelques compliments bien orientés

« Vous êtes en blonde ce que CONCHITA est en brune. Ce sont les mêmes chairs, puissantes et dilatables, capables de faire de beaux enfants sans douleur. Mais votre goût doit être plus fin, moins sauvage. »

Il sen pourléchait les babines, pas longtemps, car il avait plongé, affamé, dévorant, bavant, léchant de toutes ses forces, ce sexe féminin qui souvrait à ses entreprises. Au lieu de mots doux, comme ceux du violeur Ali, il ne lui disait que des grivoiseries, des scatologies de vidangeur, il lui promettait des choses innommables et elle en redemandait.

Cest dans ces conditions quelle sentit lénorme membre monter dans son ventre en la déchirant. Cétait un accouchement à lenvers où les douleurs des contractions seraient dominées par un violent orgasme. Il saperçut quelle était moins forte que CONCHITA. Il évita donc une pénétration de la totalité de son membre. Quand il leut copieusement ensemencée, il attendit son propre reflux sanguin pour rendre un peu de plasticité au piston qui aurait pu la vider de ses organes, en faisant le vide, au moment de sa rétraction. Il y eut, quand même, un petit bruit de succion quand il se retira et elle se sentit toute endolorie.

Elle nétait pas abîmée comme la jeune fille à laquelle elle avait dû fournir un garnissage absorbant pour retenir le mélange de sang et de sperme qui aurait maculé ses cuisses. Il lui fallut, cependant, prendre des précautions quand elle voulut sasseoir et elle se promit de ne pas renouveler lexpérience.

Il fallait reconnaître que le Docteur ISAAC traitait les affaires sexuelles avec joie et efficacité. Sa cliente préférée, CONCHITA, était enceinte presque tous les mois. Il la traitait en expérimentant sur elle ses remèdes abortifs. Il se gardait bien den tirer des conclusions tant quil navait pas refait ses tests sur des sujets normaux, beaucoup moins robustes. A cette occasion, il avait avec elle des relations sexuelles très passionnées et harmonieuses. JUNON en profita pour demander à la jeune femme si elle ne souffrait pas trop du gabarit hors normes du Docteur. Avec son accent hispanique où les « Z » se transformaient en « S...S » elle lui répondit :

« Au contraire, zaime bien son gros «chichi ». Il me remplit mieux que celui de CONRAD, mais il est trop gros pour aller « el coulo » et pour la « fellatiôné ».

Dans la bouche de CONCHITA, avec son accent, cétait presque une onomatopée.

Malgré le soin apporté pour engrosser la jeune débile, le résultat savéra négatif à la fin du mois. Malheureusement, la fille effrayée par ce quelle avait subit, refusait tout nouveau contact avec ISAAC. Seul, SAMUEL à qui elle avait prodigué daffectueuses caresses dans lavion, pouvait lapprocher. Il reçut comme mission la reprise des ensemencements sous contrôle de JUNON. Jalouse ou pas, il fallait bien sy résoudre. SAMUEL refusa dopérer en sa présence en prétendant quil narriverait pas à capter la confiance de la fille. Pendant quatre jours il lensemença en y trouvant un plaisir bien partagé. Elle devenait hargneusement amoureuse, exigeante et jalouse. Dès quon fut certain de la réussite des opérations, il fut soulagé davoir à partir en Europe, pour ne plus subir le harcèlement de la déséquilibrée.

Il crut bon de prévenir le bon Docteur ISAAC des sensibilités particulières de la fille :

« Ne la confiez pas aux péons ou aux ouvriers de lestancia. Elle recherche la douceur avant décarter les cuisses. Elle serait plus à son aise avec le Padre. Cest un homme doux et sa réputation permet dêtre certain de sa virilité. »

ISAAC naimait pas le Padre. Pourquoi ? Personne naurait pu le dire. Il esquiva la démarche, bien quil en approuva le principe, parce quil ne voulait pas avoir de contact avec lui.

« Rendez-moi le service de la conduire vous-même au Padre et de négocier la chose avec votre diplomatie coutumière. »

Ce fut accepté et la jeune fille fut très heureuse dêtre présentée au prêtre. Elle en sentait la douceur filiale et, quand elle lappelait « mon père » on sentait bien quelle pensait sadresser à un véritable père incestueux.

« Padre, nous vous confions cette jeune fille très sensible, car, nous sommes persuadés que vous la traiterez avec toute la douceur sans laquelle on ne peut rien en obtenir. Vous verrez alors comme elle est docile, appliquée, douce et aimante avec ceux qui lui montrent une affection sincère. Si il lui arrivait de pécher, avec des conséquences heu... délicates, vous le saurez le premier en lentendant en confession. Alors ! Nhésitez pas et renvoyez-là immédiatement au Docteur ISAAC qui lui apportera tous les soins nécessaires. »

Cétait une façon pas très élégante de se débarrasser dun boulet. En contrepartie, cétait aussi un moyen de satisfaire un peu la nymphomanie de la demoiselle. En plus, cétait pour le padre un cadeau du ciel. Une inélégance qui fait tant dheureux mériterait un autre nom.

Constipations argentines :

En Argentine, la sodomisation féminine a deux causes. Dabord, les jeunes filles doivent se marier vierges et la « recouture » du pucelage nest réservée quaux classes aisées. Ensuite, le régime carné est favorable à de douloureuses constipations. On voit donc quil sagit à la fois dune cause passionnelle, sous forme dexpédient provisoire, et dune pratique quasi médicale. Les Argentins vous diront que cest une façon de joindre lutile à lagréable.

Même mariées, ces dames gardaient souvent leurs passions de jeunesse, bien entraînées à en tirer le maximum de plaisir. Les maris nétaient pas toujours du même avis et les constipations pouvaient devenir rebelles, faute du traitement habituel. Dans ce cas, il était évident que lépouse puisse faire appel à un prestataire de service extérieur. On ne pouvait pas, décemment, considérer cela comme un adultère.

Cest là quon voyait la conscience professionnelle du bon docteur ISAAC. Pour cause dhypertrophie du phallus, il ne pouvait procéder comme tout un chacun. De toute façon, cela naurait pas suffit. Le cas des hémorroïdes venait tout compliquer.

A partir dun moule de godemiché, en terre cuite, de longueur normale mais beaucoup plus fin, façonné par ses mains habiles, il coulait autour dune tubulure axiale, un plastisol quil polymérisait à une température proche de cent dix degrés. La polymérisation justifiait le retrait du chauffage, lorsque la matière gélifiée devenait dune transparence jaunâtre. La consistance semi-rigide du produit fini était parfaite. On pouvait en accentuer la résistance au flambement en introduisant dans le canal central un tube plus rigide.

Ce canal central était relié à une poire en caoutchouc remplie de crème fraîche. Cette crème de lait avait deux fonctions. Elle soignait les hémorroïdes et, injectée dans le rectum, elle réalisait un lavement doux dune efficacité remarquable. Connaissant les goûts et les habitudes de ses patientes, le merveilleux et savant docteur, donnait à linstrument les mouvements de la passion en imposant une réponse appropriée. Pour complaire à JUNON il exigeait que ces dames aillent jusquau bout de leur plaisir en les persuadant de se masturber sans retenue, pendant quil procédait aux injections. De ces spectacles, elle revenait très excitée. Il fallait que SAMUEL sexécute, immédiatement, ce quil faisait de bonne grâce. Lorsque CONCHITA venait subir le traitement, son intimité avec JUNON la poussait aux confidences :

« Je ne peux trop demander cela à CONRAD. A son âge, les performances sont limitées et si je veux en profiter longtemps je dois le ménager. SAMUEL est assez jeune pour plusieurs femmes, mais je nose pas lui demander. Pourriez-vous le faire pour moi ? »

De tant de candeur, JUNON riait aux éclats et lui répondait :

« Il ne demanderait pas mieux, mais je le consomme entièrement. Même RACHEL ne peut rien obtenir de lui, au moins à lestancia, quand je suis là. »

CHAPITRE V - LA FIN DU BONHEUR

Extension du commerce des diamants africains en Europe

Le marché Sud Américain naurait pas pu absorber tant doffres de diamants sans une chute des cours. Il fallut envisager une extension sur Anvers et Amsterdam. Là, SAMUEL avait ses entrées puisque cest à Anvers quil avait travaillé, avec STANISLAS, sur ce marché. Cétait un monde que ne fréquentaient ni les gens du rabbin, ni ses ennemis dAllemagne de lEst. Le temps avait fait son uvre doubli, rendant dérisoires les inquiétudes et les violences dautrefois. Malgré cela, SAMUEL redoublait de précautions. Il partit dabord pour Londres au siège social des diamantaires du Cap. Là, au lieu de se loger dans les luxueux hôtels habituels, il prit pension chez lhabitant, sy nourrissant le soir et le matin. Il prenait lautobus pour tous ses déplacements et ne quittait pas ses lunettes à verres teintés.

Son principal contact, du temps de STANISLAS, Andrew WEBSON, était en déplacement sur lAfrique du Sud. Il eut du mal à reconnaître, dans son adjoint qui le reçut, le petit grouillot qui, lui, ne lavait pas oublié. Il le félicita pour sa promotion et le jeune homme lui fournit tout ce quil demandait, sans lessentiel qui était le conseil résultant du flair et de lexpérience. Les choses avaient beaucoup changé :

« Notre ancien monopole existe toujours, mais nous ne pouvons plus manipuler les cours aussi facilement, surtout dans le diamant industriel. Heureusement, pour ce dernier la demande est très forte. Depuis lindépendance des états africains les centres de production sont éparpillés dans presque toute lAfrique. La multitude de producteurs, de trafiquants et de voleurs, jette sur le marché des produits à bas prix. Par bonheur, la qualité ne suit pas et cest là quon est imbattables. »

Il lui donna les chiffres, les adresses en Europe et tout ce quil voulait savoir pour vendre au meilleurs prix ce qui payait les trafics de drogue de « SA 3Ki».

Par prudence, il rejoignit Anvers par bateau. Il sétait laissé pousser la moustache pour ne pas ressembler au SAMUEL dautrefois. Avec ses lunettes fumées, cela lui donnait un air mafieux.

Là aussi, il prit pension dans un quartier ouvrier, dans une pension de famille où se logeaient des monteurs en déplacement. Il se rendit chez ses anciens collègues, les plus vieux, ceux qui avaient connut STANISLAS et ses propres débuts dans le métier. Laccueil fut chaleureux, les invitations pleuvaient quil refusait nétant pas en mesure de les rendre. Cétait le prétexte invoqué, car en réalité, cétait pour ne pas se faire remarquer :

« Lhiver dernier, quelquun voulait te voir. Il disait que vous étiez des anciens camarades décole. Oui, il a donné son nom et son adresse mais on a oublié de les noter. Cela na pas dimportance puisquil a dit quil repasserait. »

Il les pria de dire quils ne lavaient pas vu. Il inventa une histoire fumeuse de reconnaissance de paternité et de pension alimentaire auxquelles il voulait échapper. Il reprenait, ainsi, sa réputation de coureur de cotillon en laccentuant par des commentaires sur toutes les belles filles qui passaient. Cétait la bonne méthode pour renouer les liens distendus et reprendre les choses où il les avait laissées. Cela lui permettait, aussi, de cacher ladresse de son logement, sensé être celui dune de ses conquêtes.

Quand il montra ses diamants, ils reconnurent tout de suite leurs origines dAfrique centrale. Ils lui montrèrent leur façon de les classer et de chiffrer leurs valeurs. Il pouvait leur faire confiance et les charger découler la marchandise, avec pour rémunération les commissions habituelles, proportionnelles au montant des transactions. La circulation des fonds était complexe, brumeuse et discrète. Cest exactement ce que souhaitait CONRAD.

A Amsterdam, il prit les mêmes dispositions. Ses retrouvailles auraient été très chaleureuses et indiscrètes sil navait pas inventé un scénario justifiant son absence et ses ignorances des actualités du marché. Il se créa un imaginaire anévrisme, un coma dont il se serait sorti par miracle avec un traitement nouveau, dans un hôpital sud-africain. Cela expliquait sa convalescence actuelle et cette faiblesse qui lui faisait refuser toutes les invitations. Pensez donc ; on craignait une rechute et il devait subir de nouveaux examens à Paris. A tous, que ce soit à Londres, à Anvers et à Amsterdam, il avait donné une adresse inexistante à Johannesburg. Il adopta donc la nouvelle classification des diamants en fonction de leur utilisation. Elle tenait compte des emplois industriels massifs dans les outils de coupe et de polissage.

Après un rapide passage à Zurich, chez les banquiers, il prit un avion pour Lisbonne où quelques affaires lappelaient et de là, il senvola vers le Brésil avant de rentrer à lestancia.

Partout, il avait fait de son mieux pour brouiller ses pistes et navait rien remarqué de suspect. Cependant, il avait rencontré beaucoup de monde. Si quelquun voulait le rechercher, il naurait aucun mal à le retrouver.

Cest la répétition des mêmes routines ou des mêmes démarches qui finit toujours par dévoiler ce quon veut cacher. Après plusieurs voyages en Europe et malgré lapparence quil donnait à sa position africaine, il finit par être repéré. Il lapprit par le réseau international des «3Ki» car, cest CONRAD qui le questionna pour avoir des précisions sur les fameux documents révélés par le Kapo du camp de concentration.

Laffaire intéressa les «3Ki» car elle mettait en cause des gens dont ils désapprouvaient les manières totalitaires. Les pressions sur SAMUEL devenaient insupportables malgré le soutien de CONRAD. Il leur transmettait leur menace de les livrer aux services du Rabbin et de ses ennemis pour les obliger à parler. Personne ne voulait croire quils navaient plus rien à dire et quaucune note navait jamais été prise avant la destruction des documents.

La fuite à prévoir et la reprise de la traque :

Cen était fini de la tranquillité de lestancia vouée, comme toutes les communautés un peu isolées, à rechercher ses distractions dans les dons de la nature. Même, si cette espèce de folie mégalomaniaque de reconstituer le genre humain dans sa variété et ses puretés originelles, nétait pas facile à avaler, cétait le bonheur. Ce bonheur quon apprécie quand on la perdu.

Ils savaient séchapper de ce milieu pour retrouver leur bateau, lentretenir et faire de courtes croisières rafraîchissantes. JUNON essayait de ne pas se rendre indispensable au laboratoire, mais son apport avait permis au Docteur ISAAC daccélérer ses recherches. A cet effet, il avait augmenté le nombre de ses patientes, débiles mentales, pour expérimenter ses recherches et obtenir le virus qui ne détruirait que les cellules naissantes. Il en revenait toujours à son obsession de faire que les femmes deviennent « des poules qui ne pondraient que des ufs clairs », parfaitement stériles, définitivement. Il envoyait les filles débiles travailler à lestancia, soit avec les « péons » qui soccupaient du bétail, soit avec les laboureurs mécaniciens, dans les champs de céréales. Elles en revenaient, souvent défoncées par les viols en série de ces demi sauvages, aux testicules remplis à déborder par leurs chastetés forcées. Il réussissait de belles grossesses quil sentraînait à interrompre. Parmi les femmes mariées du voisinage, il était connu pour ses dons en gynécologie et craignait de sattirer une réputation davorteur. Pour les grossesses, décelées tardivement, il envoyait les femmes au Brésil, à lhôpital, où lavortement des filles débiles était admis en raison des tares à éviter de transmettre. Cest JUNON qui lui avait fait prendre cette dernière disposition, car, ces tâches hospitalières chargeaient ses plannings à lexcès. De plus, ils nétaient pas équipés pour cela.

La gynécologie lubrique du Docteur ISAAC la fatiguait par la tension sexuelle quelle entraînait et les traitements correspondants que SAMUEL devait y apporter. Lorsquil partait en voyage en Europe ou en Afrique, ses longues absences la privaient de ces traitements pour la livrer à une « prestation à soi-même » dadolescente. Cela lui était insuffisant.

Lorsquil revenait, elle était heureuse de reprendre la mer avec lui. Même, sans quitter Bahia Bianca, la vie citadine avec ses mondanités, au cercle naval et en ville, la reposait des lourdeurs campagnardes.

Leur avenir semblait lié, pour des raisons de sécurité, au service de « SA 3Ki». Ils pensaient quen appartenant à cette mouvance malthusienne, proche par certains côtés des gens qui les menaçaient, ils étaient un peu protégés. Laffaire du bateau volé leur montra la fragilité de leur situation et la nécessité den informer CONRAD.

Le bateau volé et les conséquences ;

Lorsquils furent convoqués par la police argentine sur plainte de leur homonyme, le vrai propriétaire du bateau, il fallut « jouer serré ». En effet, non seulement ils avaient volé le bateau mais en plus létat-civil du propriétaire. Ils se montrèrent pleins de bonne volonté et prétendirent à une erreur administrative dont ils seraient victimes. Cette erreur nétait due quà une simple homonymie. Cest au nom de CONRAD quils entamèrent une correspondance avec leurs homonymes plaignants. Ils apprirent, par eux, que cest par le plus grand des hasards quun navigateur plaisancier avait reconnu le bateau dans le port de Bahia Bianca. Ils inventèrent une fable selon laquelle un escroc leur aurait vendu le bateau dont ils avaient payé la réfection. Généreusement, ils demandèrent au vrai propriétaire à combien il estimait son dommage afin de le désintéresser. Ravi de tant de courtoisie, le vrai propriétaire donna un chiffre correspondant à la quasi-épave quils avaient relevée. Immédiatement, par le Consul de France, le chèque débité sur le compte de CONRAD, fut expédié et, en échange, ils reçurent une décharge « pour solde de tout compte ». Les autorités argentines pouvaient donc classer le dossier, sans approfondir les questions détat-civil.

CONRAD ne voyait pas ces magouillages dun bon il :

« Mais vous êtes de vrais escrocs. Quels sont vos vrais noms ? Pourquoi vous cachez-vous sous ces fausses identités ? »

Il fallut tout lui raconter et le mettre en garde sur ce contrat « extensible » à leurs intimes, qui pouvait mettre sa propre vie en danger. Des choses, auxquelles il navait pas donné dimportance, lui revenaient en mémoire. Cétait, par exemple, la curiosité de ce vieil officier de la Krieg Marine, installé à Rosario depuis 1945. Il lui avait demandé où SAMUEL avait été formé au métier de diamantaire ainsi que la valeur de la formation médicale de JUNON. A ces questions, apparemment anodines, il avait répondu assez légèrement :

« Je nen sais rien et je men fiche car, tous les deux montrent un professionnalisme dont le Docteur ISAAC et moi-même pouvons attester. Pour moi, lefficacité il ny a que cela qui compte. »

Son interlocuteur et concitoyen le mit en garde amicalement et il aurait dû se douter que ce nétait pas innocent :

« Vous avez grand tort. On a toujours intérêt à connaître le passé des gens et les crottes qui leur pendent au derrière. »

Les choses en étaient restées là mais, depuis cette conversation, le vieil officier semblait tenir CONRAD à distance. Manifestement, il savait quelque chose. Est-ce laffaire du bateau ou SAMUEL avait-t-il été repéré lors dun de ses voyages en Europe ? Il aurait suffit quun de ses correspondants diamantaires parle innocemment de lui, devant un « initié » des services secrets, obnubilés par une mission quils narrivent pas à remplir, même si elle est devenue sans objet.

Puisque CONRAD avait payé le bateau, ainsi que le consul de France pouvait lattester, les autorités argentines le considéraient comme le légitime propriétaire. Ils lui remirent les titres de propriété en son nom. Cétait encore une bonne façon de « sécher » une piste nuisible à la sécurité du couple. On chercha dans toutes les directions lendroit où ils seraient à labri de cette traque débilitante. On opta dabord pour le Chili.

La filière chilienne :

SAMUEL navait rien à faire au Chili, mais sa réputation dexpert diamantaire avait franchi la Cordillère des Andes. On avait besoin de lui pour une expertise et ISAAC trouvait là une occasion de rencontrer ses collègues chercheurs qui travaillaient sur les mêmes sujets. Le petit avion les déposa sur laérodrome de Mendoza. Là, ils prirent passage dans le vol régulier pour Santiago. SAMUEL prit un taxi pour se rendre à ses affaires. ISAAC et JUNON disposaient de la voiture venue les chercher pour les conduire aux laboratoires. La belle infirmière eut le succès habituel, chaleureux et démonstratif, de tous les mâles du laboratoire. Elle fut sensible aux compliments et releva des allusions paillardes quant à ses relations avec le Docteur ISAAC. On lui fit comprendre quon nétait désolés de ne pouvoir rivaliser avec le Docteur pour des raisons de morphologie intime. De savoir ce que le bon docteur pouvait offrir, leur donnait des complexes, comme sils avaient eu honte de ne disposer que du calibre ordinaire, le plus commun. Elle riait de leurs idées si loin des réalités.

Ils avaient apporté leurs échantillons, avec leurs cultures microbiennes, pour tester et comparer avec ce que leurs collègues chiliens avaient découvert et mis au point. SAMUEL avait rejoint, très tard dans la nuit, les laboratoires où ils devaient loger pendant leur séjour. Pour plus de discrétion, il avait loué une voiture sans chauffeur. Cela faisait toujours un indicateur potentiel de moins. Ce nétait pas une simple précaution, mais une sorte de réflexe systématique de professionnel du renseignement, obsédé par les filatures. Ce quil avait appris de ses contacts chiliens nétait pas rassurant et laissait à penser quils étaient bien repérés et filés. Le monde de la pierre précieuse est limité à très peu dindividus entre lesquels limpossibilité de lanonymat évite les indésirables. Le respect de la parole donnée est obligatoire. Un renseignement y circule immédiatement.

Ils sétonnaient de toutes les demandes reçues concernant SAMUEL. Au début, ils attribuaient cela à la notoriété du diamantaire, expert incontestable. Ils crurent bon de le prévenir adroitement en le félicitant. Le vieux chilien, qui avait exercé longtemps à Anvers, fut le premier à tirer cette espèce de sonnette dalarme :

« Félicitations SAMUEL, pour votre notoriété dans lexpertise. Vous ne pouvez pas savoir combien de gens voudraient vous joindre en prétendant que vous êtes le seul en qui ils ont confiance. Ils doivent sauter la Cordillère pour vous retrouver dans vos terres sauvages de la pampa argentine. »

Il sourit en remerciant pour le compliment et en approuvant :

« Nexagérons rien, je ne reçois pas beaucoup de visites à lestancia ni à notre bureau atelier de Bahia Bianca. Ils préfèrent aller à Rio de Janeiro se faire expertiser. Là-bas, ils sont plus près des acheteurs, car, la plupart du temps quand on fait expertiser cest pour vendre. »

Il navait jamais été sollicité en Argentine. Pourtant, il semblait bien que les Chiliens avaient donné son adresse à plusieurs personnes. Il pria ses correspondants chiliens de ne pas lui adresser de clients, car, il était difficile à atteindre et souvent en déplacement. Le fait de navoir jamais été contacté à lestancia, même par téléphone, était donc inquiétant. On voulait le localiser géographiquement, sans plus, mais pas forcément sans suite.

JUNON essaya de le rassurer en lui montrant quils pouvaient compter autant sur leurs amis dArgentine que sur leurs nouvelles relations chiliennes. La confiance quils lui faisaient en la conviant à assister à tous leurs travaux et à toutes les conférences secrètes des «SC 3Ki», en était un témoignage. Elle lui raconta cela, en détail :

« Les progrès du virus en Afrique sont rapides. Malheureusement, lEurope commence à être atteinte et le virus est de moins en moins discriminatoire. Les «3Ki» orientent leurs recherches vers une polythérapie dont ils auraient le monopole. Parmi les médicaments de ce traitement contre leur virus, un seul serait sélectif et ciblé pour obtenir les stérilisations recherchées. Ainsi, lobligation de se soigner, pour les contaminés, serait le meilleur vecteur de diffusion du stérilisant. Aucune suite mortelle ne viendrait justifier labandon de la polythérapie efficace. »

Ces soucis de politique de gestion de lhumanité paraissaient dérisoires, comparés avec lobsession des menaces de mort qui les environnaient sournoisement. Dans le monde des services secrets, des états, des religions, des ethnies et des sectes diverses, il ne comprenait rien aux imbrications, aux alliances ou aux rivalités. Il lui devenait impossible de trouver quelque part une protection en dehors de quelques aides ponctuelles purement matérielles.

On ne le rechercherait pas au Chili, sauf sils sy attardaient. Ils en profitèrent pour faire un peu de tourisme avec les gens du laboratoire. Ces excellents guides connaissaient les lieux gastronomiques et vinicoles. Le soir, ils avaient la tête un peu lourde en se couchant.

Dès leur retour à lestancia, ils décidèrent de disparaître, en toute discrétion. Il fallait quon réalise le plus tardivement possible, quils ne reviendront plus jamais.

Indes, Australie, Nouvelle Zélande et la suite

CONRAD avait pris possession du bateau. Il lentretenait, le faisait naviguer et sen était fait une sorte de « piège à filles » dune irrésistible poésie.

SAMUEL et JUNON avaient disparu du continent Sud Américain. Ils avaient repris le circuit aérien qui conduisait SAMUEL chez ses diamantaires Sud Africains. Là encore, ils apprirent quon demandait de leurs nouvelles, sans raison évidente. La filière du diamant était trop facile à suivre. SAMUEL devait se reconvertir dans un domaine nouveau, aussi inattendu que possible, ailleurs que dans les endroits où il avait déjà séjourné. Cest JUNON qui eut lidée de la filière commerciale médicale.

« Le Docteur ISAAC ma un peu familiarisée avec le commerce des médicaments. Les «3Ki» disposent pour la diffusion de leurs poisons, dun pied dans lindustrie pharmaceutique. Mieux encore, ils sponsorisent des organismes humanitaires qui diffusent des médicaments gratuits aux populations du tiers monde. Je chercherai un emploi, avec mes références professionnelles, auprès dune firme pharmaceutique dans laquelle je te ferai embaucher au service commercial. Nous avons les moyens daccepter des salaires minables qui nous ferons vivre dans un milieu de « pauvres » où on ne pensera pas nous chercher. »

Cest en fréquentant les commerçants indiens qui contrôlent beaucoup du commerce Sud Africain, quils trouvèrent un moyen de se fondre dans lanonymat de la pauvreté.

Elle neut pas de mal à trouver un emploi peu payé dans le dispensaire tenu par des bonnes surs dans le quartier indien. Là, elle put trouver un emploi à SAMUEL, chez un courtier en orfèvrerie. Ce nétait pas la spécialité de SAMUEL, car, le commerce local des diamants était pratiquement impossible. En effet, leur provenance pouvant être issue de vols et rapines par les ouvriers des mines, une surveillance pesante était à craindre. Les autres pierres, provenant des Indes, étaient travaillées à partir des abrasifs diamantaires quon trouvait à bon compte. En quelques mois, il sétait mis à cette nouvelle activité à temps partiel. Le reste de son temps, il le consacrait à lapprentissage du travail de prothésiste dont il connaissait les rudiments enseignés par STANISLAS. On se souvient que le père de STANISLAS était un célèbre prothésiste polonais qui pratiquait son art jusque dans le ghetto de Varsovie.

Lorsquon vint le consulter pour évaluer un lot de diamants, il sinquiéta de ne pas avoir affaire à un Indien. Il demanda à son interlocuteur comment il était arrivé à lui. Le plus naturellement du monde il lui fut répondu :

« Sur la place, votre réputation dexpert en diamants et pierres précieuses est excellente. »

Le fait de mentionner les pierres précieuses, alors que ses connaissances sur ce sujet étaient récentes, le rassura un peu sur lhonnêteté de son interlocuteur. Cependant, cette nouvelle réputation constituait une fâcheuse publicité qui nuisait à son anonymat. La mère supérieure, qui dirigeait le dispensaire avait encouragé JUNON à poursuivre ses études médicales aux Indes. Elle prétendait que les besoins de dévouements étaient plus importants quen Afrique du Sud. Elle répondit favorablement à leur demande de recommandations écrites assorties dune discrétion absolue. La mère supérieure promit de ne révéler à personne leur future adresse.

Ils partirent aussi discrètement quils étaient arrivés. Leur installation, au milieu du grouillement de la misère, passa inaperçue. Elle sétait fait couper les cheveux très courts. Elle les avait teints en noir. Bronzée par le soleil, elle était ainsi méconnaissable dans son sari indien. Il ne lui manquait plus quun tatouage au milieu du front, mais ses yeux bleus ne permettaient pas daller si loin dans le déguisement. Au contraire, SAMUEL avait laissé poussé ses cheveux et son habillement lui donnait une dégaine de hippie retour de Katmandou. Il ne soccupait plus ni de diamants, ni de pierres précieuses et encore moins dorfèvrerie. Latelier de prothèses qui lemployait lui versait un salaire indien. Ils logeaient dans une pièce misérable mais propre. Chez les bonnes surs, ils pouvaient prendre une douche et faire laver leur pauvre linge. Pour arrêter cette traque pesante, cette épouvantable paranoïa, ils devenaient capables daccepter la pire misère. JUNON lui faisait prendre patience :

« Attends un peu. On va nous oublier. Ils verront bien, puisquil ne se passe rien, quils nont rien à craindre de nous. Ta fortune nous attend en faisant des petits. Un avenir de bonheur opulent est devant nous. »

Les bonnes paroles ne lui suffisaient pas :

« Qui cest « ils » ? Les gens du rabbin ou leurs concurrents ? Et les «3Ki» sont-ils pour nous inoffensifs ? »

Le temps passait vite dans le travail jamais fini du dévouement. Chacun deux, dans sa spécialité, saméliorait de jour en jour. Ils semblaient oubliés du monde entier mais la misère cela finit par fatiguer. Quant au dévouement et à la générosité, ceux qui en bénéficient vous font connaître en vous tressant des couronnes admiratives. Ils devenaient des curiosités. On venait les visiter, voir ces phénomènes et demander pour eux les plus belles décorations. Tout cela vous démolit un incognito si durement gagné. Ce qui fit déborder le vase fut larrivée dune lettre de CONRAD. Lenveloppe était couverte de tampons des postes, ambassades et consulats qui sétaient renvoyés le courrier. Il était adressé à linfirmière. Sans leur nouvelle réputation, jamais il ne leur serait parvenu. Il commençait à dater et il était inquiétant. CONRAD semblait harcelé à leur sujet, mais il ne disait pas par qui. Il prétendait quil était urgent quils se rencontrent en suggérant quà quatre ils seraient plus forts pour se défendre si le besoin sen faisait sentir. Il y avait une certaine retenue, un certain flou dans ses propositions. Enfin, il souhaitait les revoir et les priait de lui donner rendez-vous à Buenos Aires en temps utile, sans préciser aucune date.

Pour fuir cette publicité malsaine et dangereuse, ils partirent aussitôt après avoir répondu au courrier de CONRAD sans prévenir personne, comme sils sétaient évaporés. En empruntant les chemins de fer de tout le monde, en vagabondant sans itinéraire, la remontée vers le Nord fut longue. Ils disposaient dune autre adresse communiquée par la mère supérieure dAfrique du Sud. Cétait un orphelinat qui finançait son action en recevant des jeunes filles pour les éduquer à la mode de la haute société traditionnelle indienne.

Ils y reçurent le meilleur accueil. On leur proposa logement et nourriture en échange de cours de langues et de mathématiques. Le salaire proposé suffisait juste pour lhabillement et la toilette.

En réalité, cette pause salutaire nétait pas, pour leurs hôtes, désintéressée. Les orphelines, à peine nubiles étaient formées dans les vieilles disciplines indiennes popularisées en Europe, par le fameux ouvrage du KAMA SUTRA. Les enseignantes, dun âge qui les éloignait des passions de la jeunesse, étaient dune rigueur extrême. Cétait de pures techniciennes qui ajoutaient à lenseignement théorique, des travaux pratiques sur mannequins et avec des matériels les plus audacieux. Les enseignants mâles devaient prêter leur concours pour ces travaux pratiques, sans aller jusquau bout des exercices. Ils ne sen plaignaient pas. Avant la sortie du cycle scolaire, la dernière année voyait des travaux en vraie grandeur, pour lesquels des vieux messieurs indiens et autres remplaçaient les habituels mannequins. Ils constituaient un jury qui distribuait des prix et établissait des classements. JUNON et SAMUEL pensaient que ces filles, ainsi éduquées, étaient vouées à la prostitution. Il nen était rien, au contraire, elles étaient très recherchées comme épouses par des gens qui avaient besoin de leur savoir pour accéder au septième ciel. Cétait le cas des messieurs dun certain, et même dun âge certain.

Lintermède chinois

Un couple ethniquement différent de la population ne disparaît pas facilement. Ils sen aperçurent lorsquils furent visités par un Allemand de lâge de Conrad. KARL était soldat quand CONRAD était marin. Il avait fait toute la guerre sur le front russe et devait son salut aux SS français de la division Charlemagne. Il avait fuit Berlin avec eux en menant des combats darrière-garde jusquà ce quils se trouvent pris en sandwich entre les troupes Russes et les troupes américaines. Ces dernières remirent leurs prisonniers aux armées françaises libres qui les incorporèrent dans la légion étrangère. Administrativement, cela posait moins de problème que de les juger puis de les fusiller alors que la France avait besoin de troupes pour commencer sa fameuse guerre dIndochine. Après DienBienPhu, prisonnier du Viet Minh, il avait dû subir les pénibles endoctrinements communistes pour survivre. En jouant la comédie du converti, il avait obtenu dêtre envoyé en Chine comme instructeur dans les armées chinoises. Là, ils avait été contacté par un curieux service de la population spécialisé dans le contrôle des naissances. Il ne connaissait rien à ces questions mais il comprit vite quon lui demandait de recruter des scientifiques allemands qui avaient travaillé sur ce sujet pour le compte du troisième Reich. Il contacta tous ceux qui avaient fuit le tribunal de Nuremberg, en Egypte, en Syrie en Iran et en Turquie. Cest ainsi quil avait finit par rentrer dans lorganisation internationale des « 3Ki ». On peut dire quil était fondateur de la section dAsie continentale. Bien entendu, le régime communiste Chinois voyait dun bon il ce contrôle « sanitaire » des populations mondiales par un régime de démocratie populaire. KARL ny croyait pas beaucoup mais il était conscient du puissant désir de protection de leur identité par des gens qui ne voulaient pas dun « melting pot » à lindienne. La lutte contre lIslamisme et son expansion nétait pas étrangère à ces affaires ;

KARL voyageait beaucoup. Il évitait tous les intermédiaires postaux et téléphoniques et encore plus radiophoniques. Il prétendait que trop dindiscrétions en résultaient. De la même façon, il fit remarquer au couple de fuyards quils ne pourraient jamais se cacher au milieu dune population qui leur ressemblait aussi peu.

Comment avait-il était contacté par CONRAD pour les retrouver ? Il ne leur en dit jamais rien.

Il précisa que tous les contacts avec CONRAD devaient passer par lui. Ils seraient informés de tout ce qui les concerne de manière à faire échec à lévénement. Pour cela, ils navaient que la fuite comme ressource.

La première mesure consista à les mettre à labri en Chine. A cet effet, il fit embaucher JUNON dans le laboratoire de recherches sur la gestion des populations, contrôlé par les « 3Ki ». Pour Samuel, cétait plus difficile : il nétait daucune utilité pour le laboratoire. Par contre, ses connaissances en minéralogie et pétrographie en faisaient un conseiller intéressant, pour les services de mines de la République populaire de Chine. Sa nationalité américaine aurait dû être un obstacle insurmontable. Ce fut le contraire, car, elle le dispensa davoir à produire des documents indiscrets puisque les rapports entre les USA et la Chine communiste, étaient inexistants. Seule, la Chine nationaliste de Formose était reconnue par les USA. Le statut de conseiller stagiaire étranger était financièrement avantageux. Il comprenait la mise à disposition des interprètes nécessaires à une bonne collaboration. Un jeune Chinoise, en fin détudes de géologie en France, fut affectée à ce poste. De ce jour, elle ne quitta pas SAMUEL, au point de lui faire comprendre quun rôle despionnage et de surveillance complétait ses fonctions dinterprète.

Son temps était bien rempli, dans des conditions de confort assez spartiates. Sur le terrain, il fallait diriger les sondages, sélectionner les « carottages » après un examen visuel rapide où lon voyait la qualité du « flair » de lobservateur. Au laboratoire, il fallait suivre et diriger les analyses à partir desquelles on rectifiait les cartes géologiques. Dans toutes ces tâches linterprète le suivait comme son ombre. Elle était vêtue dune unique tenue de travail, qui ne mettait pas en valeur sa féminité. Les grâces de son visage nétaient pas en mesure dexciter la libido des messieurs qui travaillaient avec elle. Elle était sportive et consacrait ses repos aux disciplines sportives de la natation. Pendant un de ces repos, par désoeuvrement, il était allé assister aux entraînements. Lorsquil la vit dans son maillot olympique réglementaire dune pièce, il sentit une onde de chaleur lui irradier le bas du ventre. Elle était sculpturale dans leffort. Sa carnation dasiatique adoucissait les rigueurs de sa musculation dathlète. De ce jour, il ne put la considérer quavec des pensées bibliquement impures. Cela ne le menait pas loin mais le poussait à une patience galante pour écouter son chant doiseau. Ce nétait pas inutile. Par elle, il apprit par quelles mesures autoritaires le gouvernement contrôlait les naissances. Lapplication de ces mesures et, surtout le contrôle de leur application, nétaient pas faciles. Doù lintérêt des recherches de « 3Ki » que soutenait lEtat communiste.

La peur des grossesses illégales obligeait à labstinence ceux et celles que démangeait lenvie de fornication. Quand elle lui expliqua tout cela, il vit la faille et linstruisit sur les méthodes anticonceptionnelles classiques et artificielles telles quon les étudiait dans le laboratoire de Junon. Il lui fit comprendre que, pour elle, si besoin était, il pourrait intervenir pour quune intervention chimico médicale rectifie une éventuelle « faute dorthographe ». Les références à la bible donnaient toutes précisions utiles pour quun simple changement dorientation conduise à un authentique paradis sans conséquences fâcheuses. Ces conversations se terminaient toujours abruptement, dans une certaine gêne, mais quelques jours plus tard elle revenait sur le sujet auquel on sentait quelle avait beaucoup pensé. Cétait un véritable enseignement et comme tel, il était logique quaprès lhabituelle hiérarchie pédagogique supérieure, les cours soient suivis par les travaux dirigés, puis les travaux pratiques et enfin une quasi routine conjugale. Cela gardait un côté technique qui évitait un sentimentalisme destructeur. En tout cas, le fastidieux travail de minéralogie et de géologie voyait là une récompense qui repoussait lennui à une date ultérieure.

On ignore si, de son côté, Junon trouvait des satisfactions identiques mais on peut dire que son travail avait, aussi, un côté pédagogique puisquil fallait quelle apprenne à ses chercheurs lorganisation nécessaire pour mener à bien leurs travaux. Ce nétait pas difficile. Il suffisait de recopier ce quavait créé le bon Docteur ISAAC en Argentine.

Accompagnée par une interprète, spécialisée en psychiatrie, elle avait recruté les petites déficientes mentales affectueuses capables de servir de cobayes, comme en Argentine. Elles étaient employées, avec quelques éléments mâles de même recrutement, aux corvées de base de lentretien du laboratoire. La récompense des unes et des autres consistait en fantastiques partouzes nécessaires à lensemencement des cobayes. JUNON se faisait leffet dune mère maquerelle ce qui ne lempêchait pas dêtre parfois très émue par ces accouplements, souvent pleins de douceurs, mais quelquefois dune inquiétante brutalité.

Sa puissante nature souffrait de labsence de Samuel que ne compensait aucun des hommes de son entourage. Elle se réfugiait dans le travail, débordante de bonté auprès de celles quelle devait soigner après de pénibles expérimentations. Le petit cimetière, annexé au laboratoire, se remplissait de tumulus anonymes ou plus exactement balisés par des noms les plus fantaisistes. On était certains quaucune famille ne viendrait sy recueillir et, encore moins, les réclamer.

La discrétion nécessaire qui entourait ces activités était un gage de protection sans toutefois être une certitude. KARL veillait et il leur avait bien précisé que toute demande de renseignements à leur sujet devait déclencher leur fuite. Il les préviendrait en temps utile. La chose finit par arriver avant quil les prévienne. Cest au camp des prospecteurs que lalerte fut donnée.

Les rapports de plus en plus tendres avec sa Chinoise amenaient un tel climat de confiance que SAMUEL connaissait tous les détails de la mission de son interprète. Cétait peut-être trop, car, elle le retrouva un soir, angoissée, et suppliante pour quils arrêtent leurs relations intimes.

Malgré lempire sur elle-même, qui était une caractéristique de race, elle cachait difficilement sa peine :

« Je pars demain matin. Je suis remplacée et on ne ma pas dit pourquoi. Je crois que nos relations y sont pour quelque chose. »

Par précaution, il envisageait laffaire dune manière beaucoup plus paranoïaque. Il lui expliqua sa propre affaire et les menaces quil fuyait. Il prit un risque en lui demandant de linformer de ce quelle pourrait apprendre.

« La seule possibilité de contact se trouve dans les laboratoires du Ministère de la population. Je vais te donner les adresses à contacter. »

Cette dernière nuit des adieux fut pleine démotion et dabus sensuels comme sils voulaient épuiser un capital daffection dont ils nauraient pas connu les limites.

Le lendemain matin, il admira avec quelle indifférence apparente elle lui présenta sa remplaçante. Cétait une grosse fille rugueuse, sans formes et sans attraits. Ses connaissances linguistiques étaient très limitées et on voyait très bien que ce nétait pas son rôle dinterprète qui était le plus important.

Le même jour, un minéralogiste Birman vint renforcer leur équipe. Là encore, son professionnalisme laissait à désirer. Manifestement, il ne connaissait pas grand-chose au métier. Par contre, il parlait assez bien langlais, beaucoup mieux que le « boudin » interprète.

Un pressentiment alerta SAMUEL et il ne perdit pas de vue le Birman. Sa méfiance fut récompensée au premier incident où il aurait pu laisser sa peau. Lors de la pose dune mine télécommandée, lexplosion prématurée aurait dû se produire si SAMUEL avait branché les fils de lallumeur. Devant linsuccès de lopération, le Birman déconnecta les fils de la télécommande et alla vérifier les explosifs. SAMUEL en profita pour rebrancher les fils. Bien entendu, quand le Birman rebrancha les explosifs, tout lui sauta à la figure et on ne retrouva que des morceaux de lartificier douteux. Cétait bien la preuve que lattentat était incontestablement prémédité. Le soir, SAMUEL se fit porter malade et tous les Chinois rirent de sa sensiblerie. Il demanda quelques jours de congé pour rejoindre JUNON.

En lui téléphonant pour annoncer son arrivée, il fit des discrètes allusions sur ses craintes en parlant de sa santé et non de leur sécurité.

Sans explication, on remit à JUNON son ordre de départ pour lAustralie. Elle devait descendre dans un lieu dhébergement retenu et attendre les ordres.

KARL avait rejoint SAMUEL au laboratoire pour laccueillir à la place de JUNON et, avant de lexpédier pour la même destination, il lui avait expliqué quune vague autorité chinoise était venue lui demander des renseignements, prétendus professionnels, sur le couple. Il précisait aussi, que CONRAD les réclamait pour lassister dans sa propre fuite dArgentine où il avait été en butte à des attentats.

Ils se retrouvèrent à Hong Kong pour prendre passage sur un cargo qui les emmena en Australie. Là, entourés deau de tous côtés ils se sentaient en sécurité. La rapidité de leur départ était difficile à comprendre :

« Dans ton laboratoire, as-tu eu quelquefois la sensation dêtre surveillée, ou dêtre en butte à des obstacles inexplicables et présentant un danger ? »

Il ne se rendait pas compte que les fonctions au laboratoire en question étaient différentes de celles dArgentine, où elle intervenait beaucoup plus loin dans les recherches.

« Mon travail était limité aux soins à apporter aux filles, notamment à veiller au maintien dune ambiance propre à les inciter à des activités sexuelles. Tout le personnel participait à ces activités, même le personnel scientifique féminin. Elles y étaient contraintes, comme des prostituées, encore que la chose ne soit pas comparable à ce qui se passe dans les pays de race blanche. Ici, on ne prête pas autant dimportance à la chose. Aucune femme ne résiste beaucoup à ce que nous appelons un viol. Plutôt que de se battre, de prendre des coups, elles préfèrent laisser faire ce quelles considèrent comme très banal. Je les ai questionnées et ce que je leur demandais leur paraissait difficile à comprendre. Elles me répondaient que cela navait pas dimportance et que ce nétait quun bon moment à passer. Elles faisaient donc en sorte que cela le soit. Bien entendu, compte tenu de la politique de limitation des naissances, le laboratoire constituait un endroit idéal pour pratiquer la fornication sans risques de grossesses avec, si besoin etait, la facilité davortement.

Lémulation, ainsi créée par le personnel « sain », entretenait les libidos des retardées mentales. Javais vraiment limpression de diriger un bordel. Sans le dégoût que cela minspirait, nul doute que jaurais volontiers participé. »

Il apparaissait que JUNON navait subit aucune tentative criminelle, comme si elle navait pas été repérée. Dès leur arrivée en Australie, cest elle qui fit toutes les démarches même celles le concernant.

Dans leurs réserves didentités, ils choisirent dêtre un couple dostéopathes spécialistes des prothèses mécaniques. Ils avaient pris un aspect très britannique autant dans leur tenue que dans leur comportement. Ils furent vite assimilés et neurent aucune peine à trouver des emplois bien rémunérés.

Il semblait bien que lépoque où, comme Caïn, ils fuyaient « lil » qui les poursuivait, était révolue. Ils étaient bien oubliés et il sécoula beaucoup de jours heureux avant quils se décident à donner de leurs nouvelles à CONRAD.

Le retour de CONRAD dans la traque :

Ils possédaient le numéro de téléphone de lestancia. Après plusieurs essais, ils réussirent à transmettre un message relatif à un médicament que JUNON était seule à connaître avec ISAAC. Ainsi, CONRAD comprit où ils étaient et put leur écrire à la boite postale indiquée.

Sa lettre était un véritable appel à laide. Il se sentait traqué, épié autant à lestancia quà Bahia Bianca. Il pensait que même son courrier et ses appels téléphoniques étaient surveillés.

Dans leurs fonctions médicales et paramédicales, ils étaient clients dun distributeur de médicaments chez lequel on trouvait les produits diffusés par les «3Ki», ce quelle savait très bien reconnaître. Ils eurent lidée dutiliser cette filière pour rester en contact avec lestancia. A cet effet, elle commença une correspondance avec le Docteur ISAAC sur un papier à lettre volé chez son fournisseur et reproduit avec, comme adresse, la boite postale déjà utilisée pour CONRAD. Dans la correspondance, la référence à CONRAD était inexplicable pour ISAAC qui fut obligé de lui demander des explications. Il comprit aussitôt et joua le même jeu. Le caractère, plus commercial que médical, de la correspondance imaginée imposait à CONRAD un déplacement en Australie pour le compte du laboratoire de Mendoza.

Ils le retrouvèrent, apparemment par hasard, dans un parfait incognito, à une réception mondaine où rien ne laissait penser quils se connaissaient. En dansant avec JUNON, il résuma la situation qui les faisait complices en lincorporant à la traque vindicative qui les harcelait.

En devisant, avec les uns et les autres, il put approcher SAMUEL pendant que JUNON dansait avec un superbe officier de la Royal Navy. Ils organisèrent le départ secret de CONRAD depuis lArgentine. A cet effet, les filières de correspondance et les langages trompeurs furent convenus. Sans sattarder nulle part, ils reprendront leur errance de manière à atterrir en toute sécurité à Buenos Aires. Aucune date ne pouvait être arrêtée. Là, ils prendront pension chez une vieille relation dISAAC qui contactera CONRAD. Par leurs propres moyens, ils rallieront Bahia Bianca et se rendront là où ils étaient accoutumés datterrir avec le canot pneumatique, annexe du bateau. Lheure précise leur sera communiquée en fonction de la marée.

Tout le reste nétait que détails qui ne se justifiaient que par la méconnaissance de la navigation hauturière par CONRAD. Il ne fallait pas se presser. On attendra la bonne saison, celle où le pampero nest pas trop à craindre. En attendant, il ne fallait plus se rencontrer et donner toujours limpression dune indifférence polie. Rien ne montrait quils avaient pu être repérés. Cependant, il était évident que si CONRAD était surveillé, leur rencontre annulait leur incognito. Cette hypothèse ne les effleura même pas. Ils étaient persuadés que leur mobilité serait le meilleur garant de leur sécurité. Cette tension perpétuelle était insupportable et pour en sortir il leur fallait pratiquer une espèce de « politique de lautruche » préjudiciable à cette sécurité.

Vagabondages touristiques :

Avant dêtre trop connus dans les milieux quils fréquentaient, il fallait partir en sévaporant dans lindifférence citadine. Ils avaient parmi leurs relations le capitaine dun cargo qui faisait, pour le moment, du tramping en Océanie. Une sympathie réciproque les réunissait. Le capitaine accepta de les embarquer à loccasion dun de ses voyages à Valparaiso. Ils eurent assez facilement communication des prévisions des mouvements de son navire. Sa prochaine escale, la plus proche était en Nouvelle Zélande, le mois suivant. Ils partirent en touristes, avec leur unique valise, après avoir donné congé à leur propriétaire. La Nouvelle Zélande mérite le voyage et cest là quils pouvaient disposer dargent disponible, assez discrètement. SAMUEL savait bien que ces retraits dargent risquaient de le faire repérer. Il avait donc laissé CONRAD approvisionner les comptes en conséquence et disposait des procurations nécessaires. Ce nétait pas parfait, mais cela brouillait les pistes et on gagnait du temps.

Cest ainsi quils retrouvèrent un confort qui leur avait bien manqué, surtout dans leurs périples indiens et chinois.

« Il nous faut remuer, ne jamais stationner au même point, rester imprévisibles dans nos déplacements. Aucune logique ne doit apparaître dans nos mouvements. On se croyait oubliés mais on saperçoit par CONRAD quil nen est rien. Maintenant, cest lui que nous avons entraîné dans cet espèce de contrat. Il ne faut pas le lâcher. Il a raison de vouloir fuir avec nous et le bateau est un bon moyen pour cela.»

Elle nétait pas convaincue. Elle prétendait quen offrant une plus grosse cible on facilitait la tâche de ladversaire :

« Sils peuvent nous liquider dun seul coup tous les trois, ils ne sen priveront pas. Quas-tu fait chez le notaire de Zurich ? »

Il ne pouvait pas lui donner tort mais il se sentait des obligations à légard de CONRAD :

« CONRAD ne peut pas sen sortir seul avec le bateau. On ne peut pas le laisser tomber et nous avons aussi besoin du bateau. A bord, on voit de loin le danger arriver et la mer est si grande que pour nous trouver ce ne sera pas facile. »

Le tourisme continua de lOcéanie au Japon. Un bonheur de lune de miel sécurisé par de multiples changements didentités. On ne restait pas assez longtemps à chaque étape pour être facilement repérable. Il était évident que tout arrêt dans cette espèce de fuite entraînerait leur localisation tôt ou tard.

La Californie, le Mexique et lAmérique centrale les rapprochaient, progressivement, de lArgentine. En Guyane et au Surinam, ils sattardèrent un peu pour analyser les mesures de surveillance quentraînait le centre spatial. La sécurité leur parut meilleure ici quailleurs et cest bien décidés à sy implanter quils repartirent par étapes, au Brésil puis en Argentine.

Toutes leurs escales étaient choisies là où ils nétaient jamais allés et où ils ne risquaient pas de rencontrer des gens de connaissance. Cest ainsi quils revenaient au Brésil pour visiter des lieux où ils nétaient jamais allés et où on ne sattendait pas à les trouver. De là, ils se rendirent en Uruguay, remontèrent le Parana quils franchirent devant Rosario. Enfin, en empruntant les transports en commun ils arrivèrent dans la capitale argentine.

Les retrouvailles

A Buenos Aires, la pension de famille qui les reçut sur la recommandation de CONRAD connaissait ses consignes. Leur hôte établit les contacts téléphoniques avec des précautions bien étudiées. Il leur suffisait dêtre informés du jour et de lheure du rendez-vous à la petite crique de Bahia Bianca.

En descendant de lavion, à laéroport de Bahia Blanca, ils empruntèrent les autobus de tout le monde pour se rendre en ville, puis ils firent de lauto-stop pour rallier la petite crique. Ils prirent bien soin de se faire déposer assez loin et terminèrent le reste du trajet à pied. Ils étaient censés signaler leur arrivée par un petit feu de broussailles visible du bateau.

Ce ne fut pas nécessaire, car, CONRAD était déjà là prêt à les embarquer dans lannexe pneumatique. Ils attendirent la nuit pour embarquer. En arrivant à bord, ils furent bien étonnés de sentir la bonne odeur de cuisine qui sortait du bateau. CONCHITA était là. Ce fut une grande surprise et des démonstrations daffection avec la fougue habituelle de la dame, surtout au contact dun homme. JUNON fronçait un peu les sourcils, mais la présence de CONRAD la rassurait quant aux nécessités dun éventuel partage. Cela ne lui donnait aucune garantie en ce qui concernait le goût immodéré de CONCHITA pour la sexualité de groupe. Sous prétexte dexprimer sa joie de les retrouver, elle glissait une main affectueuse dans le slip de SAMUEL, où elle procédait à un malaxage testiculaire enchanteur. Voyant le résultat de lenchantement JUNON protesta :

« Vous exagérez, CONCHITA, il faudra vous contenter de CONRAD car je ne suis pas partageuse ».

CONCHITA ne comprenait pas cela. Elle voyait les choses à sa façon et savait le dire :

« Mais je travaille pour vous. Je vais vous le rendre tout préparé et vous naurez quà cueillir les fruits de mon travail. Vous feriez bien den faire autant à CONRAD, pour recharger ses batteries, car, je trouve quil a beaucoup perdu ces temps-ci ?

« Entre femmes ce sont de petits services quon peut se rendre. Vous ne trouvez pas ? »

Il était fort possible que JUNON pensa la même chose, car elle ne répondit rien et se contenta de rire aux éclats. Cela promettait, car, si pour un couple le bateau était assez confortable, deux couples ny pouvaient sy ébattre dans la discrétion quimposent certaines cérémonies.

Dès que la nuit fut complètement tombée ils appareillèrent tous feux éteints. Ce nest quune fois établie la voilure et stabilisée la route, que CONRAD put expliquer ce qui était arrivé.

A lestancia, un des clients agricoles leur réserva des commandes de plus en plus intéressantes. Lintendant, qui gérait la partie technique de laffaire, était dautant plus familier avec ce client quil se faisait abreuver dans de mémorables saoulographies. Au cours de ces beuveries, lintendant racontait tout ce quil savait des activités de CONRAD et du Docteur ISAAC. Cest ainsi quils avaient été repérés et considérés comme agents de contamination de CONRAD.

Les apparences montraient quil était évident que SAMUEL appartenait au mouvement des «3Ki» dArgentine. Sil avait possédé les fameux dossiers, en les leur communiquant, ils auraient eu en main une menace permanente pour beaucoup de gens et dentreprises. Cest sans doute pour cette raison quils sen prenaient à CONRAD qui avait introduit le couple dans le mouvement. A cet effet, ils utilisaient la veulerie et les mauvais penchants de lintendant, décuplés par les cornes que son front portait. Cela sétait traduit par des petits sabotages. La sangle ventrale de son cheval avait été sectionnée pour se rompre en plein galop. Cela navait pas marché, elle sétait rompue en poussant sur un étrier au moment de monter en selle. Avec lavion, cétait plus grave. Il avait fallut le concours dun mécanicien averti pour saboter le moteur de manière à provoquer laccident au décollage. Le vent était assez fort et en plein travers ce qui le faisait dériver vers la pampa. Pendant la montée, pleins gaz, larrêt du moteur vous oblige à atterrir droit devant vous, sans grande possibilité de manuvre pour parer les obstacles. En loccurrence, lavion qui avait dérivé au décollage se trouvait presque face à la pampa, séparée de la piste par un fossé. CONRAD eut la chance quen cambrant lavion au maximum, il put sauter le fossé et atterrir comme un pavé de lautre côté. Le train datterrissage, en pliant, absorba un partie du choc. Lavion était parti en réparations.

A la chasse, il y eut de curieux sifflements aux oreilles. Cela ressemblait plus à un tir à balle quà la chevrotine.

Depuis, il ne prenait que des avions commerciaux, des autobus et des trains, sans préavis et en choisissant des itinéraires inattendus. Il sétait rendu à Santiago du Chili de cette façon, à une convocation du responsable chilien des « 3Ki». Là, il avait appris quon le recherchait à cause de ses relations avec SAMUEL et JUNON. Il fut mis en garde et on lui conseilla de s‘éloigner de ses activités pendant un certain temps. Manifestement, il se passait quelque chose mais personne ne fut en mesure de le renseigner plus avant.

Les rapports brûlants de CONRAD avec CONCHITA et la jalousie quils généraient nétaient pas étrangers aux trahisons de lalcoolique. Avec elle, il devenait de plus en plus violent. Malgré son goût prononcé pour les choses du sexe, elle lui refusait tout rapport sexuel, ce qui le rendait encore plus fou. Sous prétexte de sorties de pêche, de plus en plus longues, le bateau avait été approvisionné pour une grande croisière. Le départ fut annoncé pour une campagne de pêche de plusieurs jours sur la côte Sud vers la Patagonie. Le fait demmener CONCHITA avec lui déchaîna la colère de lintendant qui avertit son acolyte de ce départ en exagérant les buts de la croisière. Il prétendit que le bateau avait appareillé pour le Chili, par le Cap Horn.

C‘était une bonne chose, puisque la direction opposée était adoptée pour rejoindre la Guyane. On essaierait de tenir sans escales, en pêchant et en récupérant les eaux de pluie qui ne manqueraient pas dans les zones équatoriales.

Reprise de lerrance maritime;

Sachant quon les chercherait au Sud, alors quils allaient au Nord, ils prévoyaient léventualité dune escale courte à Récife, pour sapprovisionner si le besoin sen faisait sentir. Le passage des « calmes » pouvait les retarder dune façon imprévisible, ils risquaient donc dy épuiser leurs réserves deau et de fioul.

A lestancia, tout le monde attendait leur retour, comme dhabitude, puisque la croisière de pêche ne devait durer que quelques jours.

Le temps était beau, lamure confortable permettait damarrer la barre suivant la technique mise au point depuis leur départ de La Rochelle. Pourtant, loptimisme ne régnait plus. SAMUEL tirait une conclusion pessimiste quant à leur avenir :

« Nous sommes condamnés à lerrance. Chaque pause nous découvre dautant mieux quelle est plus longue. Par bonheur, nous navons pas de problèmes dargent. Quand nous aurons usé ce bateau, nous en achèterons un autre, plus confortable. Nous prendrons de nouvelles identités. Je vous propose de jouer les hippies fortunés. Les filles changeront de coiffure et nous nous laisseront pousser les cheveux, la barbe et les moustaches. Cette comédie nous amusera, un certain temps, et il faudra inventer sans cesse de nouveaux déguisements. Vous êtes assez vigoureuses pour vous déguiser en hommes. On pourra donc jouer la comédie des couples dhomosexuels, à loccasion dun changement de bateau. En attendant, je vais modifier notre gréement, en montant un bout dehors. Je supprimerai le mat de tapecul et jallongerai la bôme pour augmenter la surface de la grand-voile, ce qui permettra un bon équilibrage. On peut agrandir un peu le rouf, afin daméliorer notre confort et changer laspect du bateau. »

On faisait des croquis, on « tirait des plans sur la comète ». Enfin, on cherchait à retrouver de lespoir dans une paix doubli, mais cela ne dépendait pas deux.

Le vent tomba, laissant à penser que les « calmes » sannonçaient plus tôt que prévu. Ce nétait pas possible à cette latitude. Pour sen assurer il suffisait découter les bulletins météorologiques en langue espagnole et portugaise. Ils correspondaient aux indications du baromètre dont la chute spectaculaire nannonçait rien de bon. On devait sattendre à un coup de pampero. Descendu du versant Est de la cordillère des Andes, ce vent se renforce sur les platitudes herbeuses de la pampa où il interdit aux arbres de pousser. Il se rue sur la mer, toujours plus fort, toujours plus fou. Cest une espèce de cyclone indiscipliné, imprévisible avec des vents dune violence meurtrière pour tout ce qui navigue.

Le vieux pêcheur de Bahia Bianca, qui assurait le gardiennage et la maintenance du bateau, leur en avait parlé comme dune chose épouvantable. Il avait manqué y laisser sa peau et navait dû son salut quà une ancre flottante, « approximative », confectionnée de bric et de broc avec des espars du bateau et une vieille voile.

Sans demander leur avis, il avait équipé trois madriers, quon assemblait par boulonnage et sur lesquels était tendue une forte toile. Le tout était lesté, pour flotter verticalement, et muni dun cordage en patte doie terminée par lorganeau damarrage.

Cest la première chose que SAMUEL installa, en la montant sur la ligne de mouillage allongée par le plus long cordage dont il disposait. Cela dégageait de la place à lintérieur où il entassa toutes les voiles et apparaux mobiles qui pouvaient donner prise au vent. Il dégonfla lannexe pneumatique et la rentra dans le rouf. Tout léquipage protesta :

« Mais nous ! Où allons nous vivre ? Tu comptes nous laisser dehors ? »

Personne ne se rendait pas compte de ce qui les attendait :

« Nous devrons nous contenter de lespace de nos couchettes dans lesquelles il faudra réduire notre mobilité en nous étayant avec tout ce quon pourra trouver. »

Il alourdit lavant au maximum pour mettre le bateau sur le nez. Touts les issues furent closes, colmatées et renforcées avec du bois et des amarrages. Il avait à peine terminé que le vent commença à forcir. Ces précautions et la transformation du bateau en flotteur passif donnaient une impression de sécurité. Lancre flottante commença à tendre sa ligne avec des « à coups ». Bientôt la tension fut constante, la mer grossit et tout se mit à partir dans un gymkhana incontrôlable. SAMUEL nétait pas soucieux du risque de voir durer le pampero. De toute sa puissance, il les faisait dériver dans lEst, loin des dangers de la terre. Il était aussi rassuré pour la tenue mécanique du bateau, car, il « enfournait » légèrement, ce qui lui garantissait de ne pas être soulevé par lavant, autrement dit de ne pas « sancir ». Le verbe « sancir » correspond à un retournement longitudinal du navire, alors que le verbe chavirer sapplique au cas du retournement latéral. On a vu, par fort coup de vent, au moment où la lame soulève lavant, assez léger, le brutal retournement complet et la perte totale du navire. Le pire est encore lorsque le soulèvement vient de larrière, ce qui est plus fréquent. Par bonheur, SAMUEL connaissait tout cela et ses précautions permirent de franchir ces mauvais moments sans dommages. Il bénissait cette ancre flottante, du vieux pêcheur argentin, qui avait maintenu leur position face au vent. Létrave était faite pour recevoir les violences de la mer, et profilée pour les canaliser dans le bon sens.

Contrairement à lhabitude, le pampero dura plus dune semaine. Serrés tendrement sur leurs couchettes, bloqués par le canot pneumatique dégonflé, ils patientèrent dans langoisse, sans pouvoir salimenter normalement. Ils grignotaient quelques biscuits, buvaient une gorgée deau jusquà une certaine forme dépuisement qui les faisait sommeiller, indifférents à tout ce qui pouvait arriver. Le pampero se calma aussi brutalement quil sétait formé. En quelques heures, le calme plat revenu, avec le silence, les laissait immobiles sur un lac que les étoiles éclairaient à peine. On était en période de nouvelle lune. Les poissons de surface, ne voyant pas leurs proies, attendaient le jour pour se lancer dans leurs chasses quotidiennes. On pourrait espérer de belles prises si le vent se levait un peu.

Les deux hommes remirent de lordre en préparant le bateau aux conditions normales de navigation. Il fallut installer tout ce qui avait été déménagé, depuis les voiles jusquau plus petit cordage. Pendant cette remise en état, ces dames préparaient lintérieur, sans oublier un repas bienvenu après leur jeûne de la tempête.

Conchita sortit du rouf en hurlant :

« Samuel ! Le bateau va couler. Il y a de leau qui sort du plancher ».

Cétait vrai pour leau qui sortait du plancher. La fuite fut vite localisée au presse-étoupe de larbre dhélice. Le moteur fut lancé de manière à assécher les fonds avec la pompe de cale. Pour accélérer les opérations, la pompe à main était actionnée par CONRAD.

SAMUEL essaya de resserrer la bride du presse-étoupe, sans succès. Il fit linverse en desserrant sans que la fuite augmente son débit. Rapidement, il bourra de suif la cage du presse-étoupe et mit deux tours de tresse neuve. Il fallut serrer très fort pour voir la fuite satténuer. En embrayant en marche arrière, puis en marche avant, il libéra un peu de course pour gagner au serrage des écrous. La fuite sarrêta.

« Il y aurait lieu de changer toute la tresse usée et den remettre une neuve. On ne peut faire cela quau sec. En attendant, il faudra charger de graisse régulièrement et plus souvent ».

Grâce au moteur, une électricité abondante rechargeait les batteries et éclairait les travaux sur les fonds du bateau. Les feux de route nétaient pas allumés et le bateau était stoppé sur une mer dhuile, bercé par la longue houle résiduelle du pampéro.

Ils étaient loin de terre, là où ne passe aucun navire. A Bahia Bianca, même si cet ivrogne dintendant avait été trop bavard, il aurait fallut quils soient déjà repérés pour que cela tire à conséquence. En attendant, CONCHITA leur avait mijoté une poule au riz. Ils avaient faim et la détente après langoisse du pampéro amollissait la pulpeuse créature qui devenait sentimentale. Pour elle, cela signifiait que CONRAD devrait exécuter son numéro avec brio. Une sécurité reposante ressortait de limmensité marine, désertique au point dy être introuvable. Pendant que les deux femmes saffairaient à lintérieur, les hommes terminèrent leurs travaux dans la cale et sur le pont. SAMUEL avait oublié le radar, pas le sien puisque le bateau nen était pas équipé, mais celui des autres qui permettait de voir bien au-delà de lhorizon

Le patrouilleur avait quitté Montevideo dès que son agent lui avait signalé lappareillage de SAMUEL. Depuis plusieurs mois, à chacune des sorties du yacht, le même appel téléphonique lenvoyait surveiller les évolutions du petit bateau. Le faux renseignement faisant état dun projet dun voyage au Chili imposait une route au Sud Ouest, pour le petit bâtiment chasseur. Cette fois-ci, lécho radar apparut plus vite que prévu puisque les deux bateaux venaient à la rencontre lun de lautre. Prudemment, le chasseur resta hors de vue en maintenant le seul contact radar. Le coup de pampero mit les deux bâtiments à la cape, dérivant vers lEst. Avec ses moteurs, le chasseur reculait moins que le petit voilier freiné seulement, par son ancre flottante. Lécart entre les deux bateaux sétait creusé au point que lécho radar avait disparu de lécran.

Le chasseur savait quen mettant cap à lEst il les retrouverait, puisque le vent était complètement tombé.

Dans la belle nuit, où des nuages masquaient peu à peu les étoiles, tous feux éteints on ne le voyait pas. Il avait mis se moteurs au ralenti pour quon ne lentende pas trop vite. Le bruit du moteur du yacht et labondance de ses éclairages couvrait tout ce qui pouvait faire déceler la présence dun navire intrus.

Quand il sestima assez proche, pour distinguer vaguement la silhouette du voilier, il mit ses moteurs à pleine vitesse. Le bruit alarma SAMUEL qui, instinctivement, embraya son moteur. Cétait trop tard et surtout dérisoire. Létrave du patrouilleur, dans un sillon décume, prit le voilier par larrière en décapitant SAMUEL et CONRAD qui étaient près de la barre. JUNON et CONCHITA apeurées sortaient du rouf lorsque le Yacht explosa, coupé en deux, les précipitant à la mer. Les projecteurs du patrouilleur sétaient allumés. La scène était en pleine lumière. Un des moteurs fut mis en arrière toute. Le remous des hélices, accompagnant lévitage, faisait un carnage des morceaux dépave, sans faire de différence avec les corps déchiquetés pour une curée de requins.

Mission accomplie ; cest tout ce qui était demandé.

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S'il n'était pas convenu que le VIH se transmettait par contagion, il intéresserait beaucoup moins socialement et médiatiquement le groupe. Les cancers ont bien moins d'impact médiatique et pourtant ils causent bien plus d'ennuis en terme de cohorte et d'effets.

La contagion réelle ou supposée en elle-même est le "vecteur" dominant de la psychose collective.

Qui s'interesse, en dehors de coups médiatiques de temps à autres, aux terribles maladies invalidantes dites "orphelines" ?

Le VIH est un cheval de Troie qui permet au groupe de s'immiscer dans l'intimité des individus et, plus largement encore, de déployer des activités Nord-Sud riches en retombées diverses.

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