VIH en Afrique : de nombreuses anomalies

 

Mounting anomalies in the epidemiology of HIV in Africa : cry the beloved paradigm. DD Brewer, S Brody, E Drucker et al. Int J STD & AIDS 2003 ; 14 : 144-47. Mots-clés : VIH, Afrique, facteurs de risque, épidémiologie.

Il existe d’importantes différences entre l’évidence épidémiologique de VIH en Afrique sub-saharienne et la conviction officielle que l’épidémie de VIH est lié au comportement sexuel des africains. Les auteurs font le point sur les données sur le sujet.

Pendant les années 90, le VIH s’est rapidement propagé au Zimbabwe, avec une augmentation annuelle estimée à 12%, tandis que pendant la même période le taux des maladies sexuellement transmissibles (MST) baissait de 25%, et que l’utilisation des préservatifs augmentait chez les personnes à risque. Comment un virus comme le VIH, qui se transmet aussi difficilement par voie hétérosexuelle, pourrait-il se répandre beaucoup plus efficacement que des MST à très haut niveau de transmission ? Car le taux de transmission hétérosexuelle en Afrique s’est avéré aussi faible que dans les pays industrialisés. Un modèle expérimental a calculé qu’il serait nécessaire que le taux de transmission sexuelle du VIH soit 33 fois plus élevé qu’il ne l’est pour expliquer l’épidémie actuelle.

Contrairement à ce qui était supposé, le nombre de partenaire sexuels et le niveau d’activité sexuelle ne sont pas plus élevés chez les africains que dans les pays industrialisés. Par ailleurs, il n’existe guère de corrélations entre le niveau d’activé sexuelle dans une région et le taux de VIH. Par ailleurs, des études ont constaté d’importantes différences dans le taux de contamination chez des femmes suivant qu’elles avaient accouché ou subi une interruption de grossesse dans un service médical, ou chez elles. Certaines personnes séropositives nient avoir jamais eu de rapports sexuels, ou n’ont jamais eu qu’un seul partenaire qui est séronégatif. De même, de nombreuses études ont fait état d’une séropositivité chez des enfants dont la mère était séronégative. Et la propagation du VIH a été la plus importante dans les pays africains où les services de santé sont les mieux implantés, comme le Botswana, le Zimbabwe et l’Afrique du Sud. De même, elle est souvent plus élevée dans les villes, où l’accès aux soins est plus facile, que dans les campagnes reculées.

Il est donc nécessaire de se demander dans quelle mesure les services de santé ne sont pas responsable d’un pourcentage important de contaminations par le VIH. Par exemple, les prostituées sont régulièrement suivies par des consultations, où elles subissent de fréquentes injections, avec du matériel qui, bien souvent, n’est pas stérile. De nombreuses études sur la transmission du VIH n’ont pas pris en compte, parmi les variables confondantes, des divers traitements médicaux suivis. Pourtant, ce mode de transmission est beaucoup plus efficace ; il a été estimé à 1 sur 300 injections médicales (chiffre ramené à 1 sur 30 injections par une étude récente), à 1 sur 100 injection de drogue illicite, alors qu’il est de 1 pour 1000 rapports hétérosexuels. On devrait donc théoriquement retrouver un taux significatif de séroconversion d’origine iatrogène chez les jeunes enfants de mères séronégatives ; malheureusement, très peu d’études ont été effectuées sur le sujet.

Dans les pays industrialisés, la transmission du VIH s’est avérée essentiellement corrélée à l’utilisation de drogues injectables et aux rapports sexuels anaux. Le VIH n’est pas transmis par les " rapports sexuels ", il se transmet à l’occasion de certaines pratiques sexuelles à haut risque. Il n’est pas transmis par " les injections ", mais par certaines pratiques médicales à haut risque. Admettre cela nécessite de dépassionner le débat et de remettre en cause la théorie profondément ancrée de la contamination hétérosexuelle. La réévaluation de ce mode de contamination a d’importantes implications pour les approches de prévention. Les africains ont droit à des informations réellement scientifiques sur l’épidémiologie du SIDA.


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